Session du 7 décembre 1999
AVIS DU C. E. S. C.
N° 99/20
Sur rapport présenté par MM. Pierre
Agostini et Pierre Casalonga
La desserte
aérienne conforme aux OSP définies par lAssemblée de Corse est dabord une
desserte de service public qui donne aux insulaires la possibilité de rejoindre le
continent dans les meilleures conditions de prix, de régularité, de continuité,
dhoraires, de confort et de sécurité.
Etre service public signifie
être au service du public.
Le cahier des charges des O.S.P.
Il na pas prévu les conditions de préservation de lusager
S.P. vol par vol.Il noblige pas une limitation du « yield management »
(outil de gestion commerciale qui vise à loptimisation des recettes) protégeant
les sièges réservés aux résidents et aux passagers « sociaux ».
Il faut observer que les vols se vendent sur les marchés continentaux
longtemps à lavance, alors que le passager insulaire réserve en moyenne à 8 jours
du départ ; en conséquence, il risque de ne pas trouver de siège au tarif
résident, puisque le jeu commercial consiste à remplir lavion au plus tôt ;
en effet, la fermeture de la classe « sociale » à 14 jours du départ permet
de redistribuer les sièges non vendus dans les classes à tarifs élevés. Cet aspect
nest évoqué dans aucun des deux rapports.
Risque commercial et S.P.
Il est étonnant que les estimations des recettes et des coûts
descale par Air Littoral qui motivent les « réserves sérieuses » des 2
rapports, soient considérées comme relevant du risque commercial. Il sagit bien
dune desserte de service public et les seuls risques que la Compagnie doit affronter
sont les fermetures daéroports dues aux intempéries ou aux grèves. En effet, le
risque commercial est contradictoire avec la notion de service public et la dotation de
continuité territoriale est, pour partie, précisément destinée à annihiler ce risque.
Lévaluation du coupon moyen (Cf.
page 6 du rapport de la Commission et annexes III-I III-II)
Cette évaluation est de lordre de 326,92 F pour la CCM contre 370,40
F pour Air Littoral (Air Liberté = 326,88 F). Il faut rappeler que le « yield
management » repose sur la mise en place dune gamme de tarifs, associés
chacun à une classe de réservation ; la gestion de ces classes permet, par la
limitation des réservations aux tarifs les moins chers, de valoriser la recette au vol en
amenant la valeur du coupon moyen au niveau le plus élevé visé par le
gestionnaire, ce qui revient à renchérir la destination corse !
Ce système permet donc à Air Littoral, sans violer les O.S.P.,
daller puiser dans la classe réservée aux résidents les sièges vendus au tarif
plus élevé.
Dès lors, lusager du S.P. naura plus de sièges disponibles
puisque le vol aura été vendu au plus offrant !
Le rapport de la Commission dAppel dOffres indique que « la
différence avec Air Littoral provient, en fait, des recettes liées aux passagers en
correspondance à Nice ou Marseille. (Cf. pages 6 (in fine) et 7 du rapport). Les
interrogations restent sans réponse !
Les recettes unitaires moyennes
attendues par Air Littoral (Cf. page 7 du rapport de la commission dappel
doffres)
La Compagnie indique 690 F pour les lignes de Marseille et 489 F pour les lignes de Nice. Un essai
dapplication de la règle du marché conduit à des valeurs de tarifs H.T.
supérieurs à ceux pratiqués actuellement par la C. C. M. et Air France.
Il est certain que les hypothèses dAir Littoral rendent
laccessibilité de la Corse plus onéreuse ! Elles supposent, en outre, que
lensemble du tarif des correspondances soit mis en ghetto des hubs dAir
Littoral, doù suppression des possibilités avec Air France, avec SAS, avec
Austrian Air Lines, AlItalia, Iberia, British Airwsays, Delta Airlines, Lufhtansa
.
Présenté comme une ouverture, ce schéma conduit en réalité à une limitation de
loffre.
Le droit européen
(Rappel de larticle 4F du règlement 2408/92 du 23.07.92) :
« La sélection parmi les offres présentées est opérées le plus
rapidement possible compte tenu de ladéquation du service et notamment des prix et
des conditions qui peuvent être imposées aux usagers ainsi que du coût de la
compensation requise ». »
Il ne sagit pas dune obligation de respecter la règle de
droit, à savoir traiter avec le moins disant. Il aurait été hautement souhaitable que
la Commission dAppel dOffres ait réalisé une analyse en profondeur des
offres ; elle y aurait puisé des arguments pouvant justifier et recommander le choix
de la CCM (mieux disante, par référence au Droit français) plutôt que dAir
Littoral (moins disante).
La proposition alternative dAir
Littoral (Cf. courrier Air Littoral au Président de lOffice des Transports en date
du 22.11.99)
-
les intentions et projets
dAir Littoral à légard des personnels C.C.M. portent sur des besoins
additionnels, le recrutement seffectuant « en fonction des critères établis
par Air Littoral et suivant des grilles de rémunération en vigueur au sein
du groupe »
-
les besoins additionnels de
personnels affectés
- à lexploitation seraient :
- escales Marseille et Nice :
« 80
personnes environ »
- escales corses : à
définir avec les Sociétés SATAB et CASAVIA sous contrat avec Air Littoral.
- à la commercialisation : « une
trentaine de personnes »
- à la production : « non
encore déterminés »
NB : CCM : 467 salariés Air France :
200 salariés
-
Air Littoral propose une solution
alternative qui consisterait à procéder à laffrètement dappareils de la
C.C.M. suivant les prix ACMI fixés par Air Littoral.
Une comparaison entre les prix ACMI dAir Littoral et ceux de la
C.C.M. indique des écarts suivant les appareils de lordre de 6% (Cf.
pages 10 et 11du rapport de la Commission dAppel dOffres). Il reste donc à
savoir si la C.C.M. est à même daccepter les prix ACMI dAir Littoral sans
mettre en péril léquilibre de ses comptes.
La note de M. Pierre Delvolvé en
date du 14.11.99
. Sur la possibilité de déclarer lAppel dOffres
infructueux :
2 cas peuvent se
présenter :
- dans lun, lAssemblée rejette
la proposition de lExécutif considérant que les offres ne sont pas
satisfaisantes ;
- dans lautre cas,
lAssemblée considère quune offre autre que celle qui a été retenue par
lExécutif est meilleure et doit prévaloir.
Dans les 2 cas, la situation est bloquée et « on parlera du
caractère infructueux de lappel doffres au sens large ».
Daprès le règlement communautaire, léchec de lappel
doffres ramène au droit commun, tel quil est établi par les règlements
communautaires.
Cet échec ne fait pas disparaître les O.S.P. ; elles continuent à
simposer même si la procédure de lappel doffres a échoué. En
conséquence, les O.S.P. définies actuellement continuent à simposer à tous les
transporteurs aériens assurant des suivis réguliers (bord à bord + Paris). Cependant,
aucun dentre eux ne peut bénéficier directement de la compensation financière.
La Commission européenne ayant admis laide aux résidents des îles
ainsi que laide aux étudiants ou aux handicapés, lon pourrait envisager que
loctroi de cette « aide sociale » soit aménagé dans des conditions
conduisant à verser aux transporteurs aériens les sommes correspondant à laide
dont bénéficient les passagers.
M. P. Delvolvé indique ensuite les modalités dune telle
modification (Cf. page 10). Des difficultés existent, mais on peut les contourner, sans
exclure les appréciations contraires dans le cadre du contrôle de légalité.
Le Rapport de lExécutif du
19.11.99
LExécutif propose à lappréciation de lAssemblée, de
désigner Air Littoral sur les 8 lignes de Marseille et Nice, et Air France sur Paris
(sous réserve de revoir à la baisse son exigence de compensation financière maximale)
et de déclarer lappel doffres infructueux sur les lignes Toulon
Ajaccio et Toulon Bastia. Il considère quune délibération de
lAssemblée tendant à déclarer lappel doffres infructueux pour les
lignes Marseille et Nice présente des aléas qui rendraient un résultat incertain. Il
confirme donc ses propositions de désignation.
Lavis du Conseil
Economique, Social et Culturel de Corse
1) Pour
les liaisons avec Paris (Ajaccio, Bastia, Calvi, Figari) :
avis conforme aux propositions du Conseil Exécutif.
2)
Pour les liaisons avec Toulon : avis conforme aux propositions du Conseil
Exécutif.
3)
Pour les liaisons de bord à bord (Marseille et
Nice)
Le CESC estime que la Commission dAppel dOffres
na pas suffisamment :
-
vérifié la validité,
le sérieux et la viabilité des propositions dAir Littoral et fait émerger leur
fragilité ;
-
vérifié la sincérité
des estimations de recettes et de dépenses effectuées par cette compagnie
(correspondances etc.) ;
-
vérifié la structure
réelle du capital dAir Littoral au regard des dispositions communautaires dans ce
domaine ;
-
mesuré, enfin, les
risques inhérents à des engagements financiers inconséquents, à une gestion
déficitaire, à des tensions sociales pouvant nuire à la qualité du service public
(sécurité, régularité, fiabilité).
Les « réserves sérieuses » des 2 rapports sont
considérées comme relevant du « risque commercial » alors que, comme il est
dit plus haut, les seuls risques quune Compagnie en charge du service public doit
affronter sont les fermetures daéroports dues aux intempéries ou aux grèves.
En réalité, au-delà de la compagnie régionale
elle-même, cest toute notre économie qui risque dêtre exposée aux
conséquences désastreuses, voire mortelles, dun choix incertain. Une étude dévaluation de limpact
économique de la désignation dAir Littoral aurait en effet permis de démontrer
aisément que léconomie réalisée sur lenveloppe de continuité territoriale
est sans commune mesure avec les pertes induites par la disparition des retombées
économiques acquises (emplois en Corse, siège social etc.)
Laxe stratégique qui doit prévaloir est la considération de
« lusager service public » et non celle du siège tarif qui consiste à
vendre dabord le tarif (cest le yield management) avant de considérer la
problématique du service public.
COMPTE TENU DES OBSERVATIONS QUI
PRÉCÈDENT, LE CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET CULTUREL DE CORSE :
REJETTE LA PROPOSITION
DU CONSEIL EXÉCUTIF ET LUI DEMANDE DE PRENDRE, AU-DELÀ DE TOUTES CONSIDÉRATIONS, DE
QUELQUE NATURE QUELLES SOIENT, TOUTES LES DISPOSITIONS NÉCESSAIRES AU MAINTIEN DE L OUTIL
ÉCONOMIQUE QUEST LA C. C. M. POUR
ASSURER LA DESSERTE DU BORD A BORD DE SERVICE PUBLIC.
DEMANDE AUX AUTORITÉS
TERRITORIALES ET GOUVERNEMENTALES DENGAGER AVEC LUNION EUROPÉENNE DES
NÉGOCIATIONS AFIN DABOUTIR À DAUTRES MODALITÉS POUR GÉRER LE SERVICE
PUBLIC DES TRANSPORTS DE LA CORSE.
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