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  Séminaire Lingua è Cultura - 11 et 12 mai 2000 - Ajaccio -  
    Le compte-rendu de Lisandru Bassani pour le    
       
   

CESC DEUXIEME : LINGUA È CULTURA

Dans le prolongement des premiers ateliers à l'écoute de la " société civile ", et dans le but d'élargir le forum, de mettre en mouvement une véritable culture du débat, de la rencontre, de l'échange, le Conseil Economique, Social et Culturel a décidé de trois séminaires. Le premier, portant sur le social, a regroupé les différents acteurs ayant des responsabilités en ce domaine. Loin du peuple mythique, de l'aiutu ancestral, quand bien même la famille se porte à peine mieux ici qu'ailleurs, il est évident que nous entrons dans une précarité qui dure et qui s'aggrave et qui isole de plus en plus les individus. La masse des fonctionnaires masque la réalité vraie d'une économie virtuelle. Au cloisonnement des classes sociales s'ajoute celui des générations : l'isolement du troisième âge s'accentue. Le choix du tourisme comme moteur de l'économie insulaire, s'il n'est rapidement analysé, réfléchi et porté par une grande politique volontariste, risque d'inscrire la jeunesse corse dans le durable des petits boulots minables comme tous ceux engendrés par le tourisme jusqu'à ce jour, minables aussi par la courte durée des la saison touristique.

Le deuxième séminaire portait, lui, sur la langue corse. En fait le CESC a voulu circonscrire ce séminaire au domaine de l'école, c'est à dire l'enseignement jusqu'à la terminale. On a donc pu assister à une méga conférence pédagogique où les meilleurs acteurs dans les différents niveaux d'enseignement on fait part de leur expérience. L'Inspecteur Pédagogique Régional en tête, qui a rappelé les textes qui régissent, aujourd'hui, cet enseignement, les difficultés rencontrées notamment dans le primaire où, à l'exception des sites bilingues - nous en aurons 29 d'ici à l'an 2002 - aucune continuité n'est garantie. Les causes principales sont que, aucune obligation n'est faite à l'enseignant même s'il a suivi des stages de formation ; pourtant tout parent qui le demande doit obtenir pour son enfant un enseignement en langue corse ; autre cause, et non des moindres, la formation à l'I.U.F.M. qui est la formation des professeurs d'école. Pour les collèges et les lycées, le nombre d'heures accordées par la loi est effectivement donné. On va là vers certains collèges bilingues. Une très belle expérience de classe bilingue nous est présentée par une institutrice. Mais quel militantisme ! L'enseignement du corse doit-il reposer sur cette volonté militante ? Autre expérience : les classes méditerranéennes où se conjugue l'ensemble des langues romanes. Pourquoi pas l'ensemble du Bassin méditerranéen ? Une journée bien tranquille pour tous ceux qui ont connu les grandes flambées d'antan, la passion qui animait les intervenants. Peut-être que le public - plutôt âgé - aurait pu être plus nombreux et plus jeune si cette journée s'était déroulée un mercredi. Cette langue étant enseignée - est-il nécessaire de rappeler le vote de l'Assemblée pour un enseignement obligatoire dans le primaire ? - et la jeunesse finissant par la maîtriser il faudra bien se poser la question des débouchés car, jusqu'à ce jour, seul l'enseignement absorbe une partie des licenciés. C'est ce que rappelait l'Inspecteur Pédagogique Régional, mais cela ne concerne pas l'Education Nationale. Cette journée a permis de faire vraiment le tour du problème de l'enseignement du corse et le CESC saura en tirer les conclusions et propositions qui seront transmises au politique puisque, rappelons-le, il n'est qu'un organe consultatif de l'Assemblée de Corse.
Le second jour était consacré à la culture. D'entrée, si l'on pose la question de savoir ce qui n'est pas culture, on découvre la mission impossible de cette journée. Mais le public de la salle a très vite fait comprendre quel serait le sujet à débattre. D'abord il faut signaler que si le public n'est jamais bien nombreux à de pareilles réunions culturelles c'est que, contrairement aux séminaires précédents, les responsables des petites associations ont des activités bien contraignantes. C'était donc une affaire de professionnels - ou supposés tels -. Pourtant le CESC offrait une tribune qui prouvait, si la preuve était encore à faire, que la culture n'est pas dans ce pays un affaire de fermeture. Même si certains - il y en avait dans la salle - sont pris d'une terrible gratte lorsqu'on parle d'identité. A la tribune, donc : un responsable des relais Europe pour parler de la place de la culture dans l'intégration européenne : la culture çà n'est vraiment pas le problème de l'Europe, le budget qui y est consacré n'atteint pas 0.5% du budget européen. Deux responsables des îles Baléares et de la Sardaigne étaient également présents. Le premier représentait officiellement les Baléares et a pu exposer la place de la culture dans le gouvernement autonome de son pays : une responsabilité très importante qui a fait prendre conscience de l'impact du tourisme sur l'environnement et la culture. Le second était un responsable du teatro di Sardegna et a pu exposer les heurs et malheurs du théâtre dans ce pays. On a critiqué, dans la salle, la vétusté des théâtres sardes mais ils existent et la passion qui anime les acteurs est bien présente. Enfin une jeune Corse, doctorante en sciences sociales à Toulouse nous a présenté une Corse plutôt XIX° et qui a permis d'engager un débat important. Un seul Corse à la tribune, T. Casalonga, a tenu en haleine la salle en parlant de cultures (au pluriel) et de réponses (au pluriel) mais pas toutes données; " Est culture, tout ce qui s'augmente par le partage ", " Il y a une mort des cultures, elles naissent, vivent et disparaissent. Comment faire le deuil d'une culture ? " ; Identité et économie où l'économie doit se nourrir de l'identité " ; le couple culture et identité qui selon lui peut être porteur, portable ou porte ; porte par où s'est engouffré M.J. Vinciguerra pour nous raconter l'histoire du rabbin de Cracovie qui courait ailleurs chercher un trésor qu'il avait chez lui... que nous avons chez nous. Mais, il semble bien que le personnage principal de cette journée ait été la subvention. Comment être subventionné par les municipalités, par la CTC, par l'Europe ? D'où la question, dans la salle, de savoir à partir de quel pourcentage la culture devenait culture d'Etat ou culture de Région. La culture deviendra-t-elle l'affaire de quelques grosses structures sachant monter des dossiers pour la CTC comme pour l'Europe ? Structures clés en mains pouvant quitter l'île avec armes et bagages si d'autres Régions sont plus accueillantes financièrement. Pour tous ceux dont, sans rejeter le spectacle, les réalisations, les créations même, la culture est avant tout une manière d'être, une manière de vivre en un lieu, pas neutre du tout, mais chargé d'histoire et d'histoires, de légendes, de traces de l'homme, de tout un passé qui fait son identité, et bien nous pensons que tous ceux-là sont restés sur leur " faim ". Pour tous ceux qui sont des créateurs, pour tous ceux qui se sont auto-proclamés tels, nous terminerons sur une réflexion du responsable du teatro sardo : "l'artisto sà di non sapere ". Belle pensée à méditer.