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SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Annexe au procès-verbal de la séance du 5 décembre 2001
RAPPORT
FAIT
au
nom de la commission spéciale (1) chargée d'examiner le projet de loi, ADOPTÉ
AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE,
relatif à la Corse,
Par
M. Paul GIROD,
Sénateur.
(1)
CETTE COMMISSION SPÉCIALE EST COMPOSÉE DE : MM. JACQUES LARCHÉ,
PRÉSIDENT ; JOSÉ BALARELLO, ROBERT BRET, JEAN-PATRICK COURTOIS,
MARCEL DEBARGE, MICHEL MERCIER, GEORGES OTHILY, VICE-PRÉSIDENTS ;
JEAN-PIERRE BEL, PHILIPPE DARNICHE, PHILIPPE MARINI, SECRÉTAIRES ;
PAUL GIROD, RAPPORTEUR ; JACQUES BELLANGER, LAURENT BÉTEILLE,
JEAN-GUY BRANGER, MICHEL CHARASSE, YVON COLLIN, MME DINAH DERYCKE, MM.
JEAN-LÉONCE DUPONT, PATRICE GÉLARD, FRANCIS GIRAUD, ADRIEN GOUTEYRON,
DANIEL HOEFFEL, JEAN-JACQUES HYEST, ALAIN JOYANDET, LUCIEN LANIER, JACQUES
LEGENDRE, LOUIS LE PENSEC, MME HÉLÈNE LUC, MM. PHILIPPE
NACHBAR, PAUL NATALI, JEAN-FRANÇOIS PICHERAL, XAVIER PINTAT, PHILIPPE
RICHERT, GÉRARD ROUJAS, PIERRE-YVON TRÉMEL, MAURICE ULRICH, JEAN-PAUL
VIRAPOULLÉ.
LES
CONCLUSIONS DE LA COMMISSION SPÉCIALE
Réunie
le mercredi 5 décembre 2001, sous la présidence de M. Jacques Larché,
président, la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi
relatif à la Corse a procédé à l'examen, en nouvelle lecture, du
rapport de M. Paul Girod.
Rappelant les conditions dans lesquelles la commission mixte paritaire
s'était réunie, le rapporteur a tout d'abord regretté le refus
manifeste de la délégation de l'Assemblée nationale d'essayer de
parvenir à un accord.
Il a indiqué que les travaux de l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture avaient malheureusement confirmé ce refus de tenir compte, pour
l'essentiel, des propositions du Sénat.
Dénonçant cet enfermement dans la logique d'un « processus »
et d'un « relevé de conclusions » dont la maîtrise semble
pourtant échapper au Gouvernement, M. Paul Girod, rapporteur, a exprimé
la crainte que les déceptions soient à la mesure des grandes illusions
suscitées par ce projet de loi.
Convaincue du bien fondé de la démarche du Sénat, seule à même
d'apporter des solutions conformes à la Constitution aux difficultés que
rencontre la Corse, la commission spéciale a décidé de rétablir, pour
l'essentiel, le texte adopté par le Sénat en première lecture.
1. Rendre les dispositions institutionnelles conformes à la
Constitution
Sur le volet institutionnel du projet de loi, la commission spéciale a
adopté des amendements tendant à :
- consacrer dans la loi les spécificités de la
collectivité territoriale de Corse susceptibles de justifier des
adaptations au droit commun des régions (article premier A) ;
- supprimer le pouvoir d'adaptation législative, le pouvoir
réglementaire propre et le pouvoir d'adaptation des règlements nationaux
conférés à la collectivité territoriale de Corse (article premier) ;
- supprimer les dispositions créant une nouvelle
commission parlementaire, dont la conformité à l'article 43 de
la Constitution -lequel ne vise que les seules commissions spéciales,
désignées pour l'examen des projets et propositions, et commissions
permanentes dont il limite le nombre à six dans chaque assemblée- n'est
pas évidente, et dont les missions pourraient très bien être remplies
tant par les commissions permanentes existantes que par l'Office
parlementaire d'évaluation de la législation (article premier) ;
- améliorer la procédure de consultation de l'Assemblée de
Corse sur les projets et propositions de loi comportant des
dispositions spécifiques à l'île (article premier) ;
- supprimer les offices existants et permettre à la
collectivité territoriale de Corse de les recréer sur des
fondements sains et renouvelés, tout en préservant les droits des
personnels (articles 40 à 42).
2. Expliciter le caractère facultatif de l'enseignement de la
langue corse et préciser les attributions de la collectivité
territoriale de Corse dans le domaine culturel
Sur ce volet, la commission spéciale a adopté des amendements tendant
à :
- dissiper toute ambiguïté sur le caractère facultatif de
l'enseignement de la langue corse, en complétant la formule adoptée
par l'Assemblée nationale par un alinéa rappelant les conditions
posées par le Conseil constitutionnel à un enseignement de langues
régionales (article 7) ;
- modifier l'organisation du CAPES de Corse, de façon
à l'aligner sur les autres CAPES de langues régionales qui comportent
des épreuves dans une discipline à options et permettent aux titulaires
de ce certificat d'enseigner dans une autre matière (article 7) ;
- permettre à l'Etat de conduire, en matière culturelle, des
actions qui relèvent de la politique nationale, tout en l'autorisant
à en confier la mise en oeuvre à la collectivité territoriale de Corse
(article 9).
3. Apporter une vraie réponse aux difficultés suscitées par la
loi « littoral »
Sur ce volet du projet de loi relatif à la Corse, la commission spéciale
a adopté des amendements tendant à :
- autoriser une urbanisation limitée des espaces
proches du rivage (qui se distinguent de ceux situés dans la bande
des cent mètres), en contrepartie d'un don de terrains au Conservatoire
du littoral (article 12) ;
- fixer le principe d'une délimitation du domaine public
maritime en Corse, à l'instar de ce qui a été réalisé, dans
certaines îles, au cours de ces dernières années (article 12 B) ;
- déclarer inconstructibles, tant qu'ils n'auront pas
retrouvé leur aspect antérieur, les espaces qui auront été victimes
d'un incendie criminel ou dont l'origine reste inconnue (article 12
E) ;
- attribuer une aide financière exceptionnelle aux
communes de Corse pour qu'elles se dotent d'un plan local d'urbanisme
ou d'une carte communale (articles 12 C et 12 D) ;
- autoriser la réalisation de véritables aménagements
légers (sanitaires fixes, chemins piétonniers et observatoires de la
faune), sous réserve de l'adoption d'un plan d'aménagement du site, dans
des espaces « remarquables » (article 12 F).
4. Rendre plus attractif le dispositif fiscal et financier
Sur ce volet la commission spéciale propose des modifications tendant
à :
- rendre le secteur du BTP éligible au crédit d'impôt au
taux de 20 % (article 43) ;
- prévoir une sortie en trois ans pour l'ensemble des
dispositifs fiscaux et sociaux issus de la loi relative à la zone
franche de Corse (articles 43 et 44) ;
- élargir aussi bien l'assiette de l'exonération de taxe
professionnelle que sa durée d'application (article
43) ;
- rétablir l'article 38 bis, affectant à la
collectivité territoriale de Corse le produit de la taxe générale
sur les activités polluantes perçu en Corse;
- accentuer les incitations à la reconstitution des titres de
propriété en créant une exonération de droits de mutation à titre
gratuit entre vifs pour les donations intervenant entre
2002 et 2012 et concernant des biens et droits immobiliers pour lesquels
les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt (article
45) ;
- exonérer de droits de succession les biens et droits immobiliers
situés en Corse lorsque leur acquisition, même postérieure à l'entrée
en vigueur des dispositions du présent projet de loi, a permis de sortir
de l'indivision (article 45) ;
- supprimer l'article 45 bis, au motif que sa
constitutionnalité peut valablement être mise en doute, et que les
libertés prises par cet article avec la loi fondamentale sont, en tout
état de cause, disproportionnées au regard de l'impact de la mesure
proposée sur l'endettement des agriculteurs exerçant leur
activité en Corse.
EXPOSÉ
GÉNÉRAL
Mesdames,
Messieurs,
Le Sénat est saisi en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la
Corse, adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, le 4
décembre dernier, après l'échec de la commission mixte paritaire qui
s'est réunie le 15 novembre.
Ce projet de loi tend à donner une traduction législative au
« processus de Matignon » que le Gouvernement a engagé avec
les élus de l'Assemblée de Corse, le 13 décembre 1999, et qui s'est
conclu par l'établissement d'un « relevé de conclusions »,
en date du 20 juillet 2000.
Il s'articule autour d'un volet institutionnel qui reconnaît en
particulier à l'Assemblée de Corse un pouvoir d'adaptation des
dispositions législatives et réglementaires, du transfert de nouvelles
compétences à la collectivité territoriale de Corse en matière
culturelle, d'aménagement du territoire et de développement économique,
d'une généralisation de l'enseignement de la langue corse dans
les écoles maternelles et élémentaires. Il détermine un nouveau
statut fiscal fondé sur un crédit d'impôt au profit d'entreprises
répondant à certaines conditions et exerçant dans des secteurs
d'activité déterminés et, enfin, prévoit la réalisation d'un
programme exceptionnel d'investissement.
Il s'inscrit dans la perspective, évoquée par l'exposé des motifs du
projet initial, d'une révision constitutionnelle, à l'échéance de
2004, qui aurait notamment pour objet d'opérer une profonde
refonte de l'organisation institutionnelle.
Composé initialement de 52 articles, le projet de loi en
comportait 58 après son examen en première lecture par
l'Assemblée nationale et 72 après son passage au Sénat.
A l'issue de la première lecture, 9 articles avaient été
adoptés conformes par les deux assemblées (articles 16, 27, 29,
30, 31, 32, 33 bis, 50 et 52)1(*).
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté dans le texte du
Sénat 13 articles (articles 5, 8, 10, 11, 21, 29 bis, 35,
38, 39 bis, 48, 49, 50 bis et 51). Pour les autres
dispositions du texte, elle a, pour l'essentiel, rétabli les rédactions
qu'elle avait retenues en première lecture, sous la réserve importante
de certaines des dispositions de l'article 12 qui tendaient à permettre
à l'Assemblée de Corse de déroger à la loi « littoral ».
Elle a également conservé plusieurs apports du Sénat concernant le
nouveau dispositif fiscal.
Les constats effectués par la mission d'information de votre commission
spéciale, qui s'est rendue en Corse du 10 au 15 septembre, puis les
débats du Sénat en première lecture, avaient mis en évidence que le rétablissement
de l'ordre public en Corse, loin d'être effectif, demeurait
une priorité qu'il appartenait à l'Etat de satisfaire afin de
répondre à la légitime aspiration de nos concitoyens à la sécurité.
Votre commission spéciale avait souligné les nombreuses ambiguïtés
qui affectaient la démarche engagée par le Gouvernement et mis en
évidence les innovations juridiques majeures qui résulteraient de
l'adoption des dispositions institutionnelles intéressant les conditions
mêmes de l'exercice du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire au
sein des institutions de la République.
Elle avait tenu à rappeler le cadre dans lequel une démarche
législative destinée à prendre en compte les difficultés que connaît
la Corse devait s'insérer.
La singularité insulaire et le retard économique,
imputable en grande partie à des handicaps naturels, ont pu
légitimement fonder un effort de solidarité nationale qui doit
aujourd'hui encore être poursuivi. Mais des dispositions spécifiques,
aussi légitimes soient-elles, ne sauraient servir de marchepied à une
remise en cause de l'appartenance de la Corse à la Nation et à la
République, auxquelles elle a marqué et marque encore son
attachement. Partie intégrante de la France métropolitaine, la
Corse ne saurait non plus être assimilée aux collectivités
d'outre-mer auxquelles les articles 73 et 74 de la Constitution sont
exclusivement consacrés.
En dépit des efforts indéniables réalisés par l'Assemblée nationale
en première lecture, nombre des dispositions du projet de loi transmis au
Sénat n'étaient pas conformes à notre Constitution.
Les propositions du Sénat avaient, en conséquence, eu pour objet de
reconnaître les spécificités de la Corse, partie intégrante
de la France, et d'assurer le développement économique durable
de l'île, dans le respect, incontournable, de la Constitution.
Le Sénat avait notamment accepté, en les précisant, les transferts
de compétences à la collectivité territoriale de Corse, à
l'exclusion de toute dévolution du pouvoir législatif ou dérogation au
pouvoir réglementaire national, impossibles dans le cadre constitutionnel
actuel.
Il avait également affirmé clairement le caractère facultatif de
l'enseignement de la langue corse, autorisé une urbanisation limitée
des espaces proches du rivage, en contrepartie d'un don de terrains au
Conservatoire du littoral, et la réalisation d'aménagements légers
-mais non de paillotes- dans les espaces remarquables, enfin, renforcé
sensiblement le volet économique et fiscal du projet de loi.
Il est donc particulièrement regrettable que, dans le cadre de la
commission mixte paritaire, la délégation de l'Assemblée nationale ait
souhaité s'en tenir au texte voté par celle-ci, sans examiner de
manière approfondie les propositions du Sénat, ni véritablement
rechercher de rédaction alternative. Le débat ne s'est pas
véritablement engagé sur les dispositions restant en discussion. A la
demande de votre rapporteur, les réserves que le président Jacques
Larché, M. Patrice Gélard et lui-même ont exprimées sur la procédure
suivie ont été expressément mentionnées dans le rapport de la
commission mixte paritaire.
Les travaux de l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ont
malheureusement confirmé ce refus de tenir compte, pour l'essentiel,
des propositions de la Haute Assemblée. L'Assemblée nationale a
ainsi pris le risque de s'enfermer dans la logique d'un
« processus » et d'un « relevé de conclusions »
dont la maîtrise semble pourtant échapper au Gouvernement.
I. RAPPEL
DES TRAVAUX DU SENAT EN PREMIERE LECTURE : UN DISPOSITIF CLARIFIÉ
SUR LE PLAN INSTITUTIONNEL ET ADAPTÉ AUX BESOINS ÉCONOMIQUES DE LA CORSE
A. UN
VOLET INSTITUTIONNEL MIS EN CONFORMITÉ AVEC LES RÈGLES
CONSTITUTIONNELLES
Sur
le volet institutionnel du projet de loi, le Sénat avait tout
d'abord jugé nécessaire de consacrer dans la loi les spécificités
de la collectivité territoriale de Corse susceptibles de justifier des
adaptations au droit commun des régions (article premier A).
Il avait par ailleurs spécifié, conformément au droit en
vigueur, que la collectivité territoriale de Corse règle par ses
délibérations, non pas les « affaires de la Corse »,
mais celles « de la collectivité territoriale de Corse »
(article premier).
Le Sénat avait supprimé le pouvoir d'adaptation
législative, le pouvoir réglementaire propre et le pouvoir
d'adaptation des règlements nationaux conférés à la collectivité
territoriale de Corse (article premier).
Il avait amélioré la procédure de consultation de
l'Assemblée de Corse sur les projets et propositions de loi comportant
des dispositions spécifiques à l'île (article premier).
Il avait, enfin, jugé nécessaire de supprimer les offices existants,
tout en permettant à la collectivité territoriale de Corse de
les recréer sur des fondements sains et renouvelés, en préservant
les droits des personnels (articles 40 à 42).
Par ailleurs, au titre des dispositions diverses du projet de loi, le
Sénat avait prévu la participation de droit des présidents des
associations départementales des maires à la conférence de
coordination des collectivités territoriales de Corse (article 47).
Il avait précisé la rédaction de l'article 48, relatif à la
désignation des vice-présidents de l'Assemblée de Corse, et prévu, à
l'article 49, que le nombre des conseillers exécutifs serait
porté de six à huit à compter du prochain renouvellement de
l'Assemblée de Corse et non du conseil exécutif lui-même.
Il avait supprimé l'article 50 bis qui tendait à permettre
à l'Assemblée de Corse de disposer, avant l'examen du compte
administratif, d'un rapport de la chambre régionale des comptes sur les
conditions d'exécution du budget et de lui demander de procéder à des
vérifications.
Sur proposition du Gouvernement, il avait admis l'extension à la
collectivité territoriale de Corse de la procédure d'adoption sans vote
du budget des conseils régionaux (article 50 ter).
Enfin, le Sénat avait supprimé l'article 51 qui prévoyait
l'entrée en vigueur de la loi à compter du 1er janvier
de l'année suivant sa publication, c'est-à-dire, compte tenu des délais
d'examen du texte, sans doute en 2003.
B. LE
VOLET EDUCATIF ET CULTUREL : L'AFFIRMATION DU CARACTÈRE FACULTATIF
DE L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE CORSE
Dans
le domaine éducatif, le Sénat avait procédé à une refonte du
dispositif relatif à la planification scolaire des établissements
secondaires, de façon à substituer les dénominations usuelles et
explicites du code de l'éducation aux expressions originales figurant
dans le projet de loi, qui s'avéraient une source inutile de confusion.
Il avait souhaité, en outre, clarifier les procédures et la répartition
de certaines compétences (article 4).
Il avait adopté un dispositif qui, sans mettre en question le transfert
à la collectivité territoriale de Corse des attributions exercées par
l'Etat en matière de gestion des biens des IUFM, préservait
cependant la possibilité actuellement reconnue aux départements
de conserver la gestion des IUFM issus des anciennes écoles normales (article
6).
Il avait en outre précisé que la langue corse est une
« matière dont l'enseignement est proposé à tous
les élèves dans le cadre de l'horaire normal des écoles de Corse »,
afin de rendre explicite le caractère facultatif de cet
enseignement (article 7).
Il avait modifié l'organisation du CAPES de Corse, afin de
mettre un terme à la situation exceptionnelle de ce CAPES monovalent
pour inciter les candidats à s'ouvrir à une discipline complémentaire (article
7).
Le Sénat avait par ailleurs précisé que l'accès aux IUFM ne
pouvait être fondé sur le seul critère de la connaissance de la
langue corse (article 7).
Dans le domaine culturel, le Sénat n'avait pas remis en question
le principe d'un partage du pouvoir de nomination des membres du
conseil des sites de Corse entre le représentant de l'Etat et les
pouvoirs locaux élus. Il avait cependant souhaité ne pas concentrer
celui-ci dans les seules mains du président du Conseil exécutif de
Corse, au risque de lui confier ce qui pourrait apparaître comme une
sorte de pouvoir de tutelle contraire à l'autonomie des collectivités
territoriales, préférant le répartir entre les différents niveaux de
collectivités décentralisées (article 9).
Enfin, il avait souhaité favoriser le développement des
communications en incluant le territoire de l'île dans les zones
géographiques qui peuvent bénéficier de la possibilité d'abaisser le
tarif de location des infrastructures de télécommunications proposé aux
opérateurs (article 10).
C. LE
VOLET AMÉNAGEMENT DE L'ESPACE
1. Une
réponse aux difficultés suscitées par l'application de la loi
« littoral »
Le
Sénat n'avait pas souscrit aux dispositions adoptées par l'Assemblée
nationale, qui permettaient à l'Assemblée de Corse de déroger à la loi
« littoral ». Il avait néanmoins souhaité apporter des
réponses aux difficultés suscitées par l'application de cette loi.
Le Sénat avait ainsi autorisé, sous réserve d'un don de
terrains au Conservatoire du littoral, une urbanisation limitée
des espaces proches du rivage, qui ne peuvent être situés ni dans la
bande des cent mètres, ni dans les espaces terrestres et marins, sites et
paysages remarquables, ni dans les milieux nécessaires au maintien des
équilibres biologiques (article 12).
Il avait en outre fixé le principe d'une délimitation du
domaine public maritime en Corse, à l'instar de ce qui a été
réalisé, dans certaines îles, au cours de ces dernières années (article
12 B nouveau).
Le Sénat avait également jugé nécessaire de déclarer
inconstructibles, tant qu'ils n'auront pas retrouvé leur aspect
antérieur, les espaces « remarquables » qui
auront été victimes d'un incendie criminel ou dont l'origine
reste inconnue (article 12 E nouveau).
Il avait souhaité attribuer une aide financière
exceptionnelle aux communes de Corse pour qu'elles se dotent d'un plan
local d'urbanisme ou d'une carte communale (article 12 C et
12 D nouveaux).
Le Sénat avait autorisé la réalisation de véritables aménagements
légers, dont la liste exhaustive empêche l'installation
d'hébergements de visiteurs, dans des espaces
« remarquables », sous réserve de l'adoption d'un plan
d'aménagement du site (article 12 F nouveau).
Enfin, il avait clarifié le régime juridique du plan
d'aménagement et de développement durable en le soumettant au droit
commun de l'urbanisme (article 12).
2. Un
soutien renforcé au développement économique
En
première lecture, le Sénat avait autorisé la collectivité territoriale
de Corse à participer, par le versement de dotations, à la constitution
d'un fonds de garantie auprès d'un établissement de crédit ayant
pour objet exclusif de garantir des concours financiers à des entreprises
(article 17). Il avait également supprimé des dispositions
inutiles et imprécises.
A l'article 18, relatif au développement touristique, il
avait supprimé, d'une part, la disposition selon laquelle « la
collectivité territoriale de Corse définit, met en oeuvre et évalue la
politique du tourisme en Corse et les actions de promotion qu'elle entend
mener », qui pourrait porter atteinte aux compétences reconnues
par la loi du 23 décembre 1992 aux autres collectivités territoriales,
d'autre part, les dispositions législatives relatives à l'Agence du
tourisme de Corse, par coordination avec le dispositif proposé à
l'article 40 du projet de loi.
A l'article 19, relatif au classement des stations,
organismes et équipements de tourisme, il avait supprimé la
possibilité pour la collectivité territoriale de Corse de prononcer le
classement des stations touristiques, car elle s'apparenterait à une
forme de tutelle d'une collectivité sur une autre.
En revanche, il avait complété la liste des catégories d'hébergements
susceptibles de faire l'objet d'un classement par la collectivité
territoriale de Corse, en y incluant les villages de vacances et les parcs
résidentiels de loisirs.
A l'article 20, relatif à l'agriculture et à la forêt,
le Sénat avait souhaité, d'une part, préciser que la collectivité
territoriale de Corse détermine et met en oeuvre ses (et non les)
orientations en matière de développement agricole, rural et forestier et
qu'elle passe une convention avec l'Etat pour coordonner leurs actions,
d'autre part, supprimer l'ensemble des dispositions législatives
relatives à l'Office de développement agricole et rural et à l'Office
d'équipement hydraulique de Corse, par coordination avec le dispositif
proposé à l'article 40 du projet de loi.
A l'article 22, relatif à la formation professionnelle et
à l'apprentissage, il avait cherché à mettre en cohérence les projets
de lois relatifs à la Corse et à la démocratie de proximité, en
proposant :
- de conserver la mention selon laquelle la collectivité
territoriale de Corse assure la mise en oeuvre des actions d'apprentissage
et de formation professionnelle continue dans les conditions prévues pour
les régions par le code de l'éducation (et non par la loi du
7 janvier 1983, dont les dispositions ont été codifiées) ;
- supprimer les dispositions relatives au plan régional de
développement de la formation professionnelle des jeunes et des adultes,
moins complètes que celles contenues dans le projet de loi relatif à la
démocratie de proximité ;
- maintenir les dispositions du projet de loi relatives aux relations
entre la collectivité territoriale de Corse et l'Association nationale
pour la formation professionnelle des adultes, qui vont dans le sens des
préconisations de la mission commune d'information du Sénat sur la
décentralisation ;
- rétablir les dispositions du droit en vigueur relatives à la mise
en oeuvre des programmes prioritaires financés sur les crédits du Fonds
de la formation professionnelle et de la promotion sociale, même si
l'adoption du projet de loi relatif à la démocratie de proximité
imposera de modifier ce texte pour coordination.
3.
L'amélioration du dispositif applicable aux transports et à
l'environnement
En
matière de transports, le Sénat avait repoussé à la fin de 2003
le délai au terme duquel les concessions de gestion des ports et des
aéroports viendront à expiration, afin que la collectivité territoriale
de Corse dispose du temps nécessaire pour déterminer les conditions dans
lesquelles ces infrastructures dont la propriété et la gestion lui sont
transférées, seront gérées à l'avenir (article 15).
Dans le domaine de l'environnement, le Sénat avait supprimé des
dispositions qui tendaient à investir la collectivité territoriale de
Corse de diverses compétences qui relèvent, selon le droit commun, d'un
décret, à l'instar du fonctionnement du comité de massif, et de la
composition et du fonctionnement du comité de bassin et de la commission
locale de l'eau (article 26).
D. UN
DISPOSITIF FISCAL ET FINANCIER RENDU PLUS ATTRACTIF
Le
Sénat avait également jugé nécessaire de rendre plus attractif le
dispositif fiscal et financier.
Afin d'améliorer le dispositif du crédit d'impôt prévu à
l'article 43, il avait étendu le bénéfice du crédit
d'impôt, au taux réduit de 10 %, aux secteurs exclus du
bénéfice du taux de 20 %, à condition que leur éligibilité ne soit
pas contraire au droit communautaire.
Le Sénat avait étendu la liste des secteurs éligibles au crédit
d'impôt au taux de 20 %.
Il avait par ailleurs souhaité élargir l'assiette du crédit
d'impôt aux investissements productifs (amortissables selon le
mode linéaire), aux fonds de commerce et aux travaux de
rénovation d'hôtel.
Le Sénat avait précisé les conditions d'application du régime
d'aide à l'investissement en Corse aux entreprises en difficulté et
permis aux repreneurs d'un investissement dont l'acquisition a
ouvert droit au crédit d'impôt de bénéficier de la fraction de
celui-ci qui n'a pas été utilisée par l'acquéreur initial.
Pour améliorer la sortie du régime de la zone franche, le Sénat
avait mis en place une sortie en trois ans pour les
entreprises qui perdent le bénéfice de l'exonération d'impôt sur le
revenu ou d'impôt sur les sociétés, ainsi que pour celles qui
bénéficient de l'exonération d'imposition forfaitaire annuelle (article
43).
Il avait complété le dispositif de sortie en trois ans proposé
en matière de taxe professionnelle en portant la durée de sortie
« en sifflet » de l'exonération de charges sociales de
deux à trois ans (article 44).
En ce qui concerne la normalisation progressive du régime fiscal des
successions, le Sénat avait prévu une exonération
des droits de succession totale jusqu'en 2010 et partielle
jusqu'en 2015, c'est-à-dire un retour au texte initial du
Gouvernement (article 45).
Il avait accentué les incitations à la reconstitution des
titres de propriété en créant une exonération de droits de
mutation à titre gratuit entre vifs pour les donations intervenant
entre 2002 et 2012 et concernant des biens et droits immobiliers pour
lesquels les titres de propriété n'existaient pas à la mort du défunt
(article 45).
Le Sénat avait, en outre, exonéré de droits de succession les
biens et droits immobiliers situés en Corse lorsque leur acquisition,
même postérieure à l'entrée en vigueur des dispositions du projet de
loi, a permis de sortir de l'indivision (article 45).
Le Sénat avait en revanche supprimé l'article 45 bis,
concernant la prise en charge par l'Etat d'une partie des
arriérés de cotisations patronales des employeurs de main d'oeuvre
agricole.
*
* *
II. LES
TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE : UNE PRISE EN
COMPTE TRÈS LIMITÉE DES MODIFICATIONS ADOPTÉES PAR LE SÉNAT
A. LA
CONFIRMATION DES DISPOSITIONS INSTITUTIONNELLES RECONNAISSANT UN POUVOIR
D'ADAPTATION LÉGISLATIVE ET RÉGLEMENTAIRE A L'ASSEMBLÉE DE CORSE
1. Le
rétablissement des expérimentations législatives et réglementaires
L'Assemblée
nationale a entièrement rétabli son texte de première lecture à l'article
premier, confirmant ainsi sa volonté de confier à la collectivité
territoriale de Corse, à titre expérimental jusqu'à la révision
constitutionnelle annoncée pour 2004, un pouvoir d'adaptation des lois et
règlements en vigueur et un pouvoir réglementaire
« propre ».
L'Assemblée nationale a ajouté un dispositif original de contrôle de
ces expérimentations. Serait ainsi créée, dans chaque assemblée,
une commission nouvelle, composée à la représentation
proportionnelle des groupes, chargée de « l'évaluation
continue » des expérimentations menées par la collectivité
territoriale de Corse. Cette commission présenterait des rapports
d'évaluation susceptibles de conduire le législateur à mettre fin à
l'expérimentation avant le terme prévu.
2. Des
précisions nouvelles sur le régime des personnels et des offices de la
collectivité territoriale de Corse
L'Assemblée
nationale a ajouté une disposition nouvelle, afin de permettre aux agents
de la collectivité territoriale de Corse de conserver à titre individuel
leur régime indemnitaire, jugé illégal par le tribunal administratif de
Bastia le 21 novembre 2001 (article 33).
S'agissant des offices, l'Assemblée nationale a rétabli sa rédaction de
première lecture, en avançant toutefois au 1er janvier 2003
la date butoir de dissolution des offices. Elle a de plus reproché au
Sénat de ne pas être allé au bout de la logique de création d'une
nouvelle catégorie d'établissements publics (articles 40 à 42).
3. Les
dispositions diverses
L'Assemblée
nationale a rétabli son texte de première lecture à l'article 47,
en refusant la proposition du Sénat de prévoir la participation de droit
des présidents des associations départementales des maires à la
conférence de coordination des collectivités territoriales de Corse.
Elle a adopté dans la rédaction du Sénat les articles 48 et 49,
relatifs à la désignation des vice-présidents de l'Assemblée de Corse
et à l'augmentation de six à huit du nombre de conseillers exécutifs.
Elle a maintenu la suppression, décidée par le Sénat, de l'article 50 bis,
qui tendait à permettre à l'Assemblée de Corse de disposer, avant
l'examen du compte administratif, d'un rapport de la chambre régionale
des comptes sur les conditions d'exécution du budget et de lui demander
de procéder à des vérifications.
Elle a accepté la suppression de l'article 51, qui prévoyait
l'entrée en vigueur de la loi à compter du 1er janvier
de l'année suivant sa publication, c'est-à-dire, compte tenu des délais
d'examen du texte, en 2003.
Enfin, l'Assemblée nationale a supprimé l'article 50 ter,
introduit par le Sénat à l'initiative du Gouvernement afin d'étendre à
la collectivité territoriale de Corse, de manière pérenne, la
procédure transitoire d'adoption sans vote du budget des conseils
régionaux.
B. LES
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉDUCATION ET À LA CULTURE : LE
RÉTABLISSEMENT D'UN TEXTE AMBIGU SUR L'ENSEIGNEMENT DE LA LANGUE CORSE
L'Assemblée
nationale a adopté conformes l'article 5 (actions de
formation supérieure), l'article 8 (coopération
décentralisée en matière culturelle), que le Sénat n'avait que peu
modifiés en première lecture, ainsi que l'article 10
(création d'infrastructures de communication) et l'article 11
(compétences en matière de sport et d'éducation populaire) auxquels il
avait apporté des modifications plus significatives.
L'Assemblée nationale a également tenu compte des modifications
apportées par le Sénat en matière de planification scolaire (article
4) auxquelles elle s'est bornée à apporter une précision utile.
Sur proposition du Gouvernement, elle a en revanche adopté, à l'article 9,
un dispositif qui réduit considérablement les possibilités
d'intervention de l'Etat en matière culturelle, par rapport aux
dispositifs assez proches l'un de l'autre que le Sénat et l'Assemblée
nationale avaient adoptés en première lecture.
Celui-ci ne permet en effet plus à l'Etat que d'accompagner, en
concertation avec la collectivité territoriale de Corse, des actions qui,
par leur intérêt ou leur dimension, relèvent de la politique nationale
en matière culturelle. Il supprime toute possibilité d'initiative ou
d'intervention indépendante de l'Etat en matière culturelle.
L'Assemblée nationale a en outre supprimé le paragraphe relatif à la
composition du Conseil des sites de Corse qu'elle a transféré à
l'article 23 en revenant à la rédaction qu'elle avait adoptée en
première lecture.
Enfin, elle est revenue au texte qu'elle avait adopté en première
lecture, à l'article 6 (transfert de la gestion des instituts
universitaires de formation des maîtres) et à l'article 7
(enseignement de la langue corse), sans indiquer les raisons pour
lesquelles elle n'a pas souhaité prendre en compte les propositions du
Sénat.
S'agissant de l'enseignement de la langue corse,
M. Bruno Le Roux, rapporteur, a insisté sur le fait que la
formule retenue par l'Assemblée nationale présentait l'avantage d'avoir
été déjà interprétée et validée par le Conseil constitutionnel,
M. Bernard Roman, président de la commission des lois, ajoutant
que l'enseignement ainsi instauré n'était « ni obligatoire, ni
optionnel ».
C. L'AMÉNAGEMENT
ET LE DÉVELOPEMENT ÉCONOMIQUE : DES DÉROGATIONS PLUS LIMITÉES A
LA LOI « LITTORAL »
1.
L'aménagement de l'espace et les transports
L'aménagement
et l'urbanisme
L'Assemblée nationale a, pour l'essentiel, repris son texte de première
lecture sur le volet « aménagement et urbanisme » du projet
de loi, hormis deux modifications importantes qui concernent
respectivement le PADU et certaines dérogations à la loi littoral.
Le principal apport du Sénat au régime juridique du plan d'aménagement
et de développement durable (PADU) de la Corse a été retenu par
l'Assemblée nationale : le PADU sera donc soumis aux dispositions
des articles L. 110 et L. 121-1 du code de l'urbanisme qui
fixent les règles générales applicables aux documents d'urbanisme,
tout comme les directives territoriales d'aménagement.
S'agissant de la loi « littoral », la majorité de l'Assemblée
nationale a été, pour partie, conduite à réviser sa
position de première lecture : elle a supprimé, comme le Sénat
l'avait fait, le III de l'article L. 4424-10, qui rendait possible
des dérogations à la loi « littoral » dans les espaces
proches du rivage. Cependant, tout en soulignant que cette loi
constitue un « carcan », les députés ont, sans donner
d'explications, aussi supprimé le dispositif de don au Conservatoire du
littoral que votre commission spéciale avait élaboré. De ce fait même,
le projet de loi ne comporte plus aucun assouplissement permettant
l'urbanisation des espaces « proches » du rivage. On est
passé, sur ce point, de la logique du « tout » à celle du
« rien ». Votre commission spéciale déplore cet état de
fait. Elle regrette aussi que la faculté d'autoriser la construction de
« paillotes » (paragraphe II du même article) n'ait pas été
supprimée.
Quant aux dispositions qui permettent d'inciter les communes à élaborer
des plans locaux d'urbanisme et des cartes communales, elles n'ont pas
été retenues.
L'Assemblée nationale a enfin persisté à codifier dans le code
général des collectivités territoriales des dispositions qui relèvent,
en réalité, du code de l'urbanisme. Il va sans dire que nos concitoyens
seront bien en peine, pour s'y retrouver lorsqu'ils ouvriront le code de
l'urbanisme et n'y trouveront rien qui concerne la Corse... Ils pourront
même être induits en erreur sur la règle applicable sur un sujet
pourtant essentiel pour l'exercice des libertés.
Les transports
Sur ce sujet, l'Assemblée nationale n'a conservé que des améliorations
techniques apportées au texte par le Sénat.
On notera, en ce qui concerne la gestion des aéroports et des ports, que
les députés ont été sensibles à la nécessité d'allonger la
durée les concessions jusqu'en 2003 afin d'éviter tout vide
juridique, comme le proposait le Sénat. Il ont cependant privé cette
disposition d'une partie de sa substance, en faisant en sorte que la
collectivité territoriale de Corse soit substituée à l'Etat comme
autorité concédante, dès le début 2002. Il s'ensuit que cette
collectivité ne pourra pas mettre à profit le délai qui court d'ici à
l'expiration des concessions pour faire le point sur les modalités de
gestion auxquelles elle souhaite recourir à long terme.
2.
L'environnement et l'énergie
L'Assemblée
nationale a supprimé les modifications du Sénat à l'article 23,
lesquelles tendent notamment à permettre à la collectivité territoriale
de Corse de fixer les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse.
De même est-elle revenue sur les modifications du Sénat qui visaient à
éviter que cette collectivité exerce des compétences qui relèvent du
pouvoir réglementaire du Premier ministre, à l'instar de la fixation de
la composition des règles de fonctionnement du comité de massif ou du
comité de bassin de Corse (articles 25 et 26).
En matière d'énergie, l'Assemblée nationale a adopté dans la
rédaction du Sénat l'article 29 bis, qui prévoit la
consultation de la collectivité territoriale de Corse sur les projets
d'implantation d'unités de production d'énergie telles que des
éoliennes.
3. Le
développement économique
A
l'article 17, relatif aux aides aux entreprises, l'Assemblée
nationale a accepté d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à
participer, par le versement de dotations, à la constitution d'un fonds
de garantie auprès d'un établissement de crédit ayant pour objet
exclusif de garantir des concours financiers à des entreprises. Cette
disposition avait été introduite par le Sénat en première lecture à
l'initiative du Gouvernement.
Aux articles 18 et 19, relatifs respectivement aux compétences
de la collectivité territoriale de Corse en matière de promotion et de
développement touristiques, et de classement des stations, organismes et
équipements de tourisme, l'Assemblée nationale a rétabli, pour
l'essentiel, son texte de première lecture. Elle a simplement retenu la
proposition du Sénat de faire figurer les villages de vacances,
mais non les parcs résidentiels de loisirs, dans la liste des
organismes, équipements et hébergements susceptibles de faire l'objet
d'un classement par la collectivité territoriale de Corse.
De même, elle a rétabli, pour l'essentiel, son texte de première
lecture à l'article 20, relatif à la détermination des grandes
orientations du développement agricole, rural et forestier de la Corse,
et à l'article 22, relatif aux compétences de la collectivité
territoriale de Corse en matière de formation professionnelle.
En revanche, l'Assemblée nationale a adopté conforme l'article 21,
relatif au transfert à la collectivité territoriale de Corse de la
propriété des forêts.
D. UN
DISPOSITIF FISCAL ET FINANCIER AMPUTÉ DE CERTAINES AMÉLIORATIONS
VOTÉES PAR LE SÉNAT
Aux
articles 34, relatif à la compensation des transferts de
compétences, et 37, relatif au financement du plan d'aménagement
et de développement durable, l'Assemblée nationale n'a pas conservé
toutes les améliorations rédactionnelles apportées par le Sénat.
Compte tenu de sa position différente de celle du Sénat s'agissant de
l'avenir des offices, elle est revenue à son texte de première lecture
pour les articles 36, relatif à la dotation de continuité
territoriale, et 39, relatif aux crédits alloués aux offices.
L'Assemblée nationale a confirmé la position exprimée par le Sénat à l'article
38 tendant à reverser à la collectivité territoriale de Corse
18 % du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers
(TIPP) perçu en Corse. En revanche, elle a supprimé l'article 38 bis,
qui affectait à la collectivité territoriale de Corse le produit de la
taxe générale sur les activités polluantes perçu sur le territoire de
l'île.
A l'article 43, relatif à l'aide fiscale à l'investissement,
l'Assemblée nationale a conservé plusieurs apports du Sénat, pourtant
qualifiés par le rapporteur de la commission des Lois, de « prébendes,
à visée politique » « voulant satisfaire certaines
revendications particulières » - formulation qui ne peut que
choquer votre Haute assemblée - d'autres étant considérés comme des
« précisions utiles ».
S'agissant du dispositif de crédit d'impôt, elle a souscrit à la
proposition conjointe de votre commission spéciale et du Gouvernement
consistant à mettre en place un crédit d'impôt à « deux
étages », le premier au taux de 10 %, bénéficiant à
tous les secteurs d'activité, et le deuxième, au taux de 20 %,
réservé à certains secteurs jugés prioritaires. Elle a également
retenu :
- l'alignement de la définition des petites et moyennes entreprises
sur celle du droit communautaire ;
- la possibilité, instituée à l'initiative de notre collègue M.
Philippe Marini, pour un investisseur de demander le remboursement
de la fraction non imputée du crédit d'impôt à compter de la
cinquième année, dans la limite de 300.000 euros et d'un plafond qu'elle
a limité à 35 % alors que le Sénat l'avait fixé à
50 % ;
- le principe selon lequel, en cas d'un cession d'un bien ayant ouvert
droit au crédit d'impôt, la fraction non imputée du crédit d'impôt
bénéficie au repreneur et non à l'acquéreur
initial ;
- l'élargissement de l'assiette du crédit d'impôt aux travaux de rénovation
d'hôtel ;
- l'éligibilité au crédit d'impôt à taux majoré du secteur de la restauration
et celui des services d'ingénierie et de conseil.
En revanche, l'Assemblée nationale n'a pas souhaité que soit mise en
place une sortie en trois ans du régime d'exonération d'impôt
sur les sociétés et d'imposition forfaitaire annuelle prévus par la
zone franche de Corse, que l'assiette du crédit d'impôt comprenne
l'ensemble des investissements productifs et que le taux majoré du
crédit d'impôt soit accordé aux secteurs du bâtiment et des travaux
publics, de la maintenance et des résidences pour personnes
âgées. Elle est revenue à sa rédaction initiale s'agissant de la
définition des entreprises artisanales éligibles au crédit
d'impôt à taux majoré en zone rurale en retenant celle de
l'article 1468 du code général des impôts plutôt que celle de
l'article 34 du même code, suggérée par le Sénat.
S'agissant de l'exonération de taxe professionnelle, l'Assemblée
nationale n'a retenu aucune proposition de votre commission spéciale,
sinon l'alignement de la définition des petites et moyennes
entreprises figurant à l'article 1465 B du code général des impôts
sur celle du droit communautaire et sur celle de l'article 244 quater E du
code général des impôts.
L'Assemblée nationale a supprimé l'article 43 bis, tendant
à exonérer de droits de mutation à titre gratuit les transmissions et
donations de parts d'entreprises situées en Corse.
A l'article 44, relatif aux modalités de sortie du régime
d'exonération de charges sociales issu de la loi sur la zone franche de
Corse, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement
tendant à limiter le bénéfice de cette sortie aux entreprises
implantées en Corse avant 1999 et à l'accorder pendant les seules
années 2002 à 2004. Au Sénat, le Gouvernement avait émis un avis de
sagesse sur l'amendement de votre commission spéciale.
L'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, a conservé la
rédaction de l'article 44 bis, relatif aux allégement de
charges sociales dans le cadre de la réduction du temps de travail, issue
du Sénat, en lui apportant une précision rédactionnelle.
A l'article 45, relatif à la normalisation du régime fiscal des
successions en Corse, l'Assemblée nationale n'a pas souscrit aux
propositions du Sénat s'agissant des modalités de déclaration des
successions et du régime de sanction applicable en cas de non respect du
délai de reconstitution des titres de propriété. Elle n'a pas non plus
repris à son compte l'exonération de droits de mutation à titre gratuit
entre vifs souhaitée par le Sénat pour accélérer la reconstitution des
titres de propriété sur le territoire de l'île.
En revanche, l'Assemblée nationale a conservé, pour les périodes
d'exonérations totale et partielle de droits de succession, les délai
fixés par le Sénat, qui reprenaient d'ailleurs ceux figurant dans la
rédaction initiale du projet de loi.
L'Assemblée nationale a rétabli l'article 45 bis, qui
prévoit la prise en charge par l'Etat de la moitié des arriérés de
cotisations sociales de certains exploitants agricoles exerçant leur
activité en Corse. Le Sénat avait supprimé cet article dont la
constitutionnalité apparaît très douteuse.
A l'article 46, relatif au programme exceptionnel
d'investissements, les députés ont conservé la rédaction proposée par
le Sénat, en lui apportant certaines précisions.
III. LES
PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION SPÉCIALE : LA CONFIRMATION DES
ORIENTATIONS RETENUES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
La
confirmation par l'Assemblée nationale de la plupart de ses choix
antérieurs, sans véritable volonté de prendre en compte les travaux du
Sénat, conduit votre commission spéciale à maintenir les
analyses qu'elle avait soumises au Sénat en première lecture et à lui
demander de rétablir, pour l'essentiel, les dispositions qu'il
avait votées.
Sur le volet institutionnel, votre commission spéciale vous
propose de supprimer à nouveau les dispositions conférant à la
collectivité territoriale de Corse un pouvoir d'adaptation législative,
un pouvoir d'adaptation des règlements nationaux et un pouvoir
réglementaire propre.
Votre commission spéciale dénonce les illusions créées par cet
article premier, qui aurait une portée considérable sur notre cadre
institutionnel mais dont il est peu probable qu'il trouve une application
en fait.
Il en irait nécessairement ainsi dans l'hypothèse où le Conseil
constitutionnel, saisi d'un recours, censurerait les dispositions de
l'article premier conférant un pouvoir normatif à la collectivité
territoriale de Corse dans les domaines législatif et réglementaire. M.
Bernard Roman, président de la commission des Lois de l'Assemblée
nationale, reconnaît lui-même que sur l'article premier, « le
Conseil constitutionnel pouvait éventuellement formuler des réserves
sans, pour autant, le déclarer globalement contraire à la Constitution »2(*).
Mais, même si ces dispositions devaient demeurer dans le texte promulgué
au journal officiel, compte tenu du calendrier électoral pour 2002 et de
ses répercussions sur le calendrier législatif, la collectivité
territoriale de Corse n'aurait matériellement pas le temps de procéder
aux expérimentations et à leur évaluation pour fonder la révision
constitutionnelle annoncée pour 2004.
L'article premier génère donc des illusions sans lendemain et
risque fort de provoquer un sentiment de frustration.
Votre commission spéciale juge également très contestable la
création d'une nouvelle commission parlementaire, dont la conformité
à l'article 43 de la Constitution - lequel ne vise que les seules commissions
spéciales désignées pour l'examen des projets et propositions, et commissions
permanentes dont il limite le nombre à six dans chaque assemblée -
n'est pas évidente, et dont les missions pourraient très bien être
remplies tant par les commissions permanentes existantes que par l'Office
parlementaire d'évaluation de la législation (article premier).
Concernant les offices, votre commission spéciale vous propose de
rétablir la suppression par la loi des offices existants et la
définition d'une nouvelle catégorie d'établissements publics, tout en
répondant aux objections formulées par l'Assemblée nationale (articles
40 à 42 bis).
En ce qui concerne les dispositions relatives à la culture
et à l'enseignement de la langue corse, votre commission spéciale
vous propose de rétablir, à l'article 6, le dispositif
adopté en première lecture de façon à préserver la possibilité
actuellement reconnue aux départements de conserver la gestion des IUFM
issus des anciennes écoles normales.
Elle estime que la formulation reprise par l'Assemblée nationale à l'article 7
est ambiguë, puisque, de l'aveu du président de la commission des lois
de l'Assemblée nationale, elle a pour objet d'instaurer un enseignement
qui n'est « ni obligatoire, ni optionnel ». Cette ambiguïté
ne lui paraît pas conforme à la jurisprudence du Conseil constitutionnel
puisque celui-ci, se prononçant sur la même formulation figurant dans le
statut de la Polynésie, avait jugé indispensable d'apporter les
clarifications nécessaires à travers des réserves interprétatives qui
ne laissent pas place au doute. Celles-ci précisent en effet « qu'un
tel enseignement ne saurait toutefois, sans méconnaître le
principe d'égalité, revêtir un caractère obligatoire pour les
élèves ; qu'il ne saurait non plus avoir pour objet de soustraire
les élèves scolarisés dans les établissements du territoire aux droits
et obligations applicables à l'ensemble des usagers des établissements
qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à
celui-ci ; que sous ces réserves, cet article n'est contraire
à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle3(*) ».
Pour couper court à tout contresens, votre commission spéciale vous
propose donc de compléter la formule adoptée par l'Assemblée nationale
par un alinéa additionnel rappelant les conditions auxquelles celle-ci
peut être jugée conforme à la Constitution.
Elle vous propose en outre de rétablir le dispositif alignant
l'organisation du CAPES de Corse sur celle des autres CAPES de langues
régionales.
Compte tenu des assurances qu'elle a obtenues de l'Académie de Corse,
elle ne vous propose pas en revanche, de rétablir la disposition
précisant que l'accès aux IUFM de Corse ne peut être fondé sur le seul
critère de la connaissance de la langue corse.
Votre commission spéciale vous propose en outre, à l'article 9,
de revenir à une rédaction du premier alinéa de l'article
L. 4424-7 du code général des collectivités territoriales, qui ne
prive pas l'Etat de toute possibilité de conduire, en matière
culturelle, des actions qui relèvent de la politique nationale, et
l'autorise à en confier la mise en oeuvre à la collectivité
territoriale de Corse. Elle vous suggère, en outre, de rétablir le
dispositif adopté en première lecture pour l'article L. 144-6
du code de l'urbanisme, de façon à garantir une représentation des
différentes catégories de collectivités territoriales au sein du
Conseil des sites de Corse.
S'agissant des dispositions relatives à l'aménagement, aux
transports et à l'environnement, votre commission spéciale vous
propose de rétablir le projet de loi dans la rédaction du Sénat.
En ce qui concerne l'aménagement de l'espace, votre commission
spéciale déplore que l'Assemblée nationale ait quasi-intégralement
repris son texte de première lecture, hormis sur quatre points :
suppression de certaines des dérogations à la loi
« littoral », soumission du PADU aux règles générales
d'urbanisme et possibilité de faire primer un projet d'intérêt
général (article 12) et allongement du délai de validité
des concessions de gestion des ports et aéroports (article 15).
Cette position est d'autant plus inexplicable que le Sénat avait
élaboré un dispositif que l'Assemblée nationale aurait pu enrichir ou
amender, tout en rétablissant le reste de son texte.
S'il est loisible de se féliciter que le texte transmis au Sénat ne
comporte plus de dispositions tendant à permettre l'urbanisation
« dérogatoire » et incontrôlée des espaces proches du
rivage, aucun mécanisme de substitution n'a été adopté au cours de la
nouvelle lecture au Palais Bourbon. Il s'ensuit que ce que le rapporteur
de la commission des Lois de l'Assemblée nationale décrivait comme le
« carcan » de la loi « littoral » reste intact.
Pire ! Il semble même renforcé par l'élaboration du PADU !
Dans ces conditions, le mécanisme tendant à autoriser l'urbanisation des
espaces proches, sous réserve d'un don au Conservatoire du littoral,
semble d'autant plus indispensable. De même, les diverses dispositions
tendant à permettre une réelle décentralisation de l'élaboration des
documents d'urbanisme (aide financière à l'élaboration de plans locaux
d'urbanisme et de cartes communales) apparaissent-elles plus que jamais
nécessaires.
En matière de transports, l'Assemblée nationale a détourné de
son sens l'allongement de la durée des concessions de gestion des
aéroports et des ports que le Sénat avait repoussée jusqu'à la fin
2003. De ce fait même, la collectivité territoriale de Corse n'aura
aucune marge de manoeuvre pour choisir le mode de gestion qu'elle juge le
plus approprié.
En ce qui concerne l'environnement, l'Assemblée nationale a
rétabli son texte notamment en ce qui concerne les dispositions tendant
à conférer à la collectivité territoriale de Corse la compétence pour
édicter des dispositions qui relèvent dans le droit commun, d'un décret
ou d'un décret en Conseil d'Etat.
Pour l'ensemble de ces motifs, votre commission spéciale vous propose de
rétablir le texte adopté en première lecture par le Sénat.
S'agissant des dispositions relatives au développement
économique, votre commission spéciale vous propose d'adopter sans
modification l'article 17, relatif aux aides aux entreprises,
dans la mesure où l'Assemblée nationale s'est ralliée aux propositions
du Sénat.
En revanche, elle vous propose de rétablir, pour l'essentiel, les
dispositions adoptées par le Sénat en première lecture aux articles 18
(orientations en matière de développement touristique), 19
(classement des stations, organismes et équipements de tourisme), 20
(détermination des grandes orientations du développement agricole, rural
et forestier de la Corse) et 22 (formation professionnelle), car
elles permettent de clarifier la répartition des compétences entre l'Etat,
la collectivité territoriale de Corse et les autres collectivités
locales.
Sur le dispositif fiscal et financier, votre commission
spéciale vous propose de réaffirmer certaines positions exprimées par
le Sénat en première lecture. S'agissant de l'aide fiscale à
l'investissement (articles 43 et 44), elle préconise l'inscription du
secteur des bâtiments et travaux publics dans la liste des
secteurs d'activité éligibles au crédit d'impôt à taux majoré, elle
prévoit une sortie en trois ans pour l'ensemble des dispositifs fiscaux
et sociaux issus de la loi relative à la zone franche de Corse, et
propose d'élargir aussi bien l'assiette de l'exonération de taxe
professionnelle que sa durée d'application.
Elle vous propose également de rétablir l'article 38 bis,
affectant à la collectivité territoriale de Corse le produit de la taxe
générale sur les activités polluantes perçu en Corse.
A l'article 45, relatif au régime fiscal des successions,
votre commission spéciale vous suggère de revenir à son dispositif
initial de déclaration des successions et de sanction de la non
reconstitution des titres de propriété. Elle confirme son souhait de
mettre en place une exonération de droits de mutation à titre gratuit
entre vifs, de manière à encourager la reconstitution des titres de
propriété.
Votre commission spéciale vous propose également de supprimer une
nouvelle fois l'article 45 bis relatif à l'allégement de
la dette sociale des agriculteurs, la discussion à l'Assemblée nationale
n'ayant apporté aucun élément permettant d'en améliorer la conformité
à la Constitution.
Enfin, à l'article 47, votre commission spéciale vous
propose de revenir à la rédaction retenue par le Sénat en première
lecture, qui prévoit la participation de droit des présidents des
associations départementales des maires à la conférence de
coordination des collectivités territoriales de Corse. Elle
considère en effet que les 360 communes de Corse constituent les cellules
de base de la démocratie locale et doivent être associées aux échanges
de vue concernant l'île .
EXAMEN
DES ARTICLES
Article premier A
Définition des spécificités
de la collectivité territoriale de Corse
Introduit
en première lecture par le Sénat sur proposition de votre commission
spéciale et avec un avis de sagesse du Gouvernement, cet article tend à
définir les spécificités susceptibles de justifier les adaptations au
droit commun au bénéfice de la collectivité territoriale de Corse.
Celles-ci résultent notamment de son insularité et de son relief, de son
histoire et de sa culture. La Corse est en effet la seule région
française à la fois insulaire et montagneuse.
En nouvelle lecture, sur proposition de sa commission des Lois et avec
l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a supprimé
cet article, au motif qu'il serait « dénué de toute portée
normative » et constituerait une « pétition de
principe » par laquelle les sénateurs chercheraient à « se
donner bonne conscience ».
Votre commission spéciale n'a pas introduit cet article pour se donner
bonne conscience.
Elle l'a fait pour affirmer solennellement que le législateur n'adopte
pas une loi spécifique à la Corse à cause de la violence qui y règne,
réalité inacceptable contre laquelle l'Etat doit lutter, mais pour tenir
compte des véritables spécificités insulaires, qui tiennent à ses
conditions géographiques, culturelles et historiques.
Elle l'a fait dans le but de définir les critères au regard desquels
s'apprécieront les dérogations au droit commun consenties en faveur de
la collectivité territoriale de Corse.
En effet, la jurisprudence constitutionnelle dispose que « le
principe d'égalité ne s'oppose, ni à ce que le législateur règle de
façons différentes des situations différentes, ni à ce qu'il déroge
à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans
l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit
en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit » ; ou
encore : « si le principe d'égalité ne fait pas obstacle
à ce qu'une loi établisse des règles non identiques à l'égard de
personnes se trouvant dans des situations différentes, il n'en est ainsi
que lorsque cette non identité est justifiée par la différence de
situation et n'est pas incompatible avec la finalité de cette loi »4(*).
Afin de préciser la finalité de la loi soumise à l'examen du Sénat,
votre commission spéciale vous propose un amendement tendant à rétablir
l'article premier A dans la rédaction adoptée par le Sénat en
première lecture.
TITRE
PREMIER
DE L'ORGANISATION ET DES COMPÉTENCES
DE LA COLLECTIVITÉ TERRITORIALE DE CORSE
CHAPITRE PREMIER
DU RÉGIME JURIDIQUE DES ACTES
DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE
Article premier
(art. L. 4424-1 et L. 4424-2
du code général des collectivités territoriales)
Attributions de l'Assemblée de Corse -
Adaptation des lois et des règlements
Cet
article tend à reconnaître à la collectivité territoriale de Corse un
pouvoir d'adaptation des normes nationales dans le but de tenir compte des
spécificités de l'île.
L'échec de la commission mixte paritaire a été constaté dès l'article
premier, l'Assemblée nationale refusant de modifier sa position de
première lecture.
A. ATTRIBUTIONS DE L'ASSEMBLÉE DE CORSE
Le projet de loi initial comme le texte de première lecture de
l'Assemblée nationale tendaient à modifier la nature de la clause
générale de compétence de la collectivité territoriale de Corse, en
affirmant que l'Assemblée de Corse règle par ses délibérations
« les affaires de la Corse ».
Le Sénat, sur proposition de votre commission spéciale, avait alors
refusé d'anticiper la phase de 2004 et de permettre la tutelle de la
collectivité territoriale de Corse sur les autres collectivités locales.
Il était donc revenu au droit existant, selon lequel l'Assemblée de
Corse règle par ses délibérations « les affaires de la
collectivité territoriale de Corse ».
B. ADAPTATION DES LOIS ET DES RÈGLEMENTS
I. Propositions de modification ou d'adaptation des dispositions
réglementaires
Les paragraphes I et III de l'article L. 4424-2 proposé par le
texte de l'Assemblée nationale en première lecture reprennent le droit
existant5(*),
permettant à l'Assemblée de Corse de présenter des propositions
tendant à modifier ou à adapter des dispositions législatives ou
réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration concernant les
compétences, l'organisation et le fonctionnement de l'ensemble des
collectivités territoriales de Corse, ainsi que toutes dispositions
législatives ou réglementaires concernant le développement économique,
social et culturel de la Corse. En première lecture, l'Assemblée
nationale a scindé en deux paragraphes (I et III) les dispositions
relatives au pouvoir de proposition de la collectivité territoriale de
Corse en matière législative et réglementaire, le I étant consacré
aux mesures à caractère réglementaire.
Sur proposition de sa commission spéciale et avec l'avis défavorable du
Gouvernement, le Sénat n'avait apporté qu'une modification formelle,
regroupant en un seul paragraphe les dispositions du I et du III.
II. Affirmation du pouvoir réglementaire de la collectivité
territoriale de corse
Le II de l'article L. 4424-2 proposé par le projet de loi
initial tendait à ouvrir la possibilité pour l'Assemblée de Corse de
prendre des mesures d'adaptation des règlements pris pour l'application
des lois.
Tenant compte de l'avis du Conseil d'Etat du 8 février 2001,
l'Assemblée nationale, en première lecture, a réécrit ce paragraphe.
D'une part, elle a procédé à l'affirmation de principe du pouvoir
réglementaire « propre » de la collectivité territoriale de
Corse, dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par la loi
(premier alinéa).
D'autre part, elle a modifié les conditions de fond cumulatives
subordonnant l'exercice du pouvoir d'adaptation des règlements nationaux
par la collectivité territoriale de Corse (deuxième alinéa). Ainsi, la
collectivité territoriale de Corse, y compris de sa propre initiative,
pourrait demander à être habilitée par le législateur à fixer des
règles adaptées aux spécificités de l'île, dans le respect de
l'article 21 de la Constitution, pour la mise en oeuvre des
compétences qui lui sont dévolues en vertu de la partie législative du
code général des collectivités territoriales. Les adaptations
réglementaires seraient exclues lorsque serait en cause l'exercice d'une
liberté individuelle ou d'un droit fondamental.
Sur proposition de votre commission spéciale et contre l'avis du
Gouvernement, le Sénat avait supprimé ce paragraphe II. Il avait en
effet mis en doute la constitutionnalité d'un tel dispositif,
considérant qu'une brèche était ouverte dans l'article 21 de la
Constitution, puisque le texte de l'Assemblée nationale ne précisait pas
si le pouvoir réglementaire du Premier ministre pourrait s'exercer
concurremment au pouvoir réglementaire « propre » de la
collectivité territoriale de Corse, laissant supposer qu'il pourrait
s'agir d'un pouvoir exclusif.
Toutefois, le Sénat était convenu que la reconnaissance d'un pouvoir
normatif à une collectivité locale, permettant l'adaptation des
règlements nationaux, était une idée intéressante, sous réserve d'une
part d'une révision préalable de la Constitution, d'autre part
d'envisager cette réforme dans un cadre global au lieu de la limiter à
la seule collectivité territoriale de Corse.
Votre rapporteur avait quant à lui avancé l'idée de reconnaître dans
la Constitution une nouvelle catégorie de lois, dont l'application serait
fixée région par région : la « loi déclinable ».
III - Propositions de modification ou d'adaptation des
dispositions législatives
Ce paragraphe a le même objet que le I mais concerne les propositions de
l'Assemblée de Corse en matière législative.
En première lecture, par coordination avec la solution retenue au I
tendant à regrouper les dispositions relatives au pouvoir de proposition
de la collectivité territoriale de Corse, qu'il s'exerce en matière
législative ou réglementaire, le Sénat, sur proposition de votre
commission spéciale et avec l'avis défavorable du Gouvernement, avait
supprimé ce paragraphe III.
IV - Adaptation des lois
Le projet de loi initial tendait à permettre à l'Assemblée de Corse de
prendre, à titre expérimental et dans un but d'intérêt général, des
mesures d'adaptation dérogeant au droit commun des dispositions
législatives applicables, lorsque celles-ci présentent des « difficultés
liées aux spécificités de l'île ».
Le Conseil d'Etat ayant disjoint ces dispositions du projet de loi,
l'Assemblée nationale, en première lecture, a entièrement réécrit le
dispositif, prévoyant ainsi une formule d'habilitation et de validation
par le Parlement des expérimentations effectuées par l'Assemblée de
Corse.
Sur proposition de votre commission spéciale et contre l'avis du
Gouvernement, le Sénat avait supprimé le paragraphe IV. Il avait en
effet estimé contraire à la Constitution la délégation d'une
partie du pouvoir législatif à la collectivité territoriale de Corse.
Il avait ainsi établi que l'article premier du présent projet de loi, en
répartissant le pouvoir normatif entre plusieurs institutions,
s'apparentait en tous points à un article de la Constitution, alors même
que la Constitution de la Vème République ne reconnaît pas au
législateur la compétence de sa compétence.
A cet égard, le président Jacques Larché avait observé en séance
publique6(*)
que la loi pouvait se définir à partir de deux critères : le critère
matériel : on s'interroge sur le domaine concerné par le texte
envisagé, mais aussi le critère formel ou critère organique,
prédominant dans la pratique institutionnelle actuelle : la loi,
c'est ce qui résulte de la décision du Parlement. Ainsi, à partir du
moment où un texte a été voté par le Parlement, il devient législatif
et ne peut plus être modifié que par la loi. Le projet de loi transfère
donc à l'Assemblée de Corse le droit de modifier des textes qui, même
s'ils ne ressortissent pas au domaine législatif, ont la forme
législative, ce que la Constitution dans son état actuel ne permet pas.
Illustrant son propos sur l'incertitude qui en résultait quant
à la place dans la hiérarchie des normes des éventuelles
expérimentations législatives de la collectivité territoriale de Corse,
il avait attiré l'attention sur la question non réglée des droits
acquis par les bénéficiaires de telles mesures expérimentales, dans
le cas où le Parlement déciderait de ne pas les adopter.
Enfin, votre rapporteur avait démontré que les arguments selon lesquels
l'adaptation législative serait permise par le Conseil constitutionnel
depuis sa décision n° 93-322 DC du 28 juillet 1993,
ou mettant en évidence des « précédents » en
matière d'expérimentation par des collectivités locales, ou encore
évoquant les statuts particuliers de l'Alsace-Moselle, de la ville de
Paris ou de la collectivité territoriale de Saint-Pierre et Miquelon, ne
pouvaient être appliqués à la collectivité territoriale de Corse pour
justifier la délégation du pouvoir législatif.
Votre commission spéciale s'interroge sur la portée d'une disposition
par laquelle la collectivité territoriale de Corse, sur autorisation du
Parlement, pourrait procéder à des expérimentations portant sur des
dispositions législatives « en cours d'élaboration ».
Outre que celle-ci paraît totalement inapplicable, elle revient à
conférer à l'assemblée délibérante d'une collectivité locale le
pouvoir de s'immiscer dans le processus d'élaboration de la loi par le
Parlement, représentant de la souveraineté nationale.
V - Consultation de la collectivité territoriale de corse sur
les projets de textes comportant des dispositions spécifiques à la Corse
Le V de l'article L. 4424-2 proposé reprend le droit existant, selon
lequel l'Assemblée de Corse est consultée sur les projets de loi ou de
décret comportant des dispositions spécifiques à la Corse. Le projet de
loi initial prévoyait que le délai d'un mois imparti à l'Assemblée de
Corse pour rendre son avis serait réduit à quinze jours non plus à la
demande du Premier ministre mais à la demande du préfet de Corse. Il
précisait en outre la procédure de transmission de ces avis.
En première lecture, l'Assemblée nationale a ajouté que l'Assemblée de
Corse serait aussi consultée sur les propositions de loi
comportant des dispositions spécifiques à la Corse.
Sur proposition de votre commission spéciale et avec un avis de sagesse
du Gouvernement, le Sénat avait modifié cet article afin que les avis de
l'Assemblée de Corse sur les propositions de loi soient directement
transmis aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat par le
président du conseil exécutif, le Premier ministre en étant lui aussi
destinataire.
VI - Présentation par le préfet des suites envisagées par
le gouvernement
S'inspirant d'une disposition existante, ce paragraphe prévoit que, par
accord entre le président de l'Assemblée de Corse et le représentant de
l'Etat, celui-ci serait entendu par l'Assemblée de Corse sur les suites
que le Gouvernement entend réserver aux avis et demandes de la
collectivité territoriale. Cette communication peut donner lieu à un
débat sans vote.
En première lecture, cette disposition a fait l'objet d'une simple
précision à l'Assemblée nationale et d'une adoption sans modification
au Sénat.
VII - Publication au journal officiel
Le projet de loi initial tendait d'une part à soumettre au contrôle de
légalité les délibérations de l'Assemblée de Corse portant mesures
d'adaptation législative ou réglementaire, d'autre part à prévoir la
publication de ces délibérations au Journal Officiel de la République
française.
En première lecture, l'Assemblée nationale a supprimé la première
disposition, le contrôle de légalité étant déjà prévu de façon
générale par le droit existant. Puis elle a étendu l'obligation de
publication au Journal Officiel à l'ensemble des propositions, demandes
et avis adoptés pour l'Assemblée de Corse en application des I à IV de
l'article L. 4424-2 proposé.
Le Sénat, sur proposition de votre commission spéciale et contre l'avis
du Gouvernement, avait limité la publication au Journal Officiel aux
délibérations de l'Assemblée de Corse portant propositions de
modification législative ou réglementaire.
C. LA CRÉATION D'UNE COMMISSION PARLEMENTAIRE DE SUIVI PAR L'ASSEMBLÉE
NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE
Sur proposition de sa commission des Lois et avec l'avis favorable du
Gouvernement, l'Assemblée nationale a rétabli l'ensemble des
modifications qu'elle avait apportées en première lecture.
De plus, M. Michel Vaxès a proposé un sous-amendement tendant à
instituer une procédure de suivi de l'expérimentation, en créant une
commission parlementaire dans chaque assemblée, composée à la
représentation proportionnelle des groupes et chargée de « l'évaluation
continue » de l'expérimentation menée par l'Assemblée de
Corse. Cette commission présenterait des rapports d'évaluation
susceptibles de conduire le législateur à mettre fin à
l'expérimentation avant le terme prévu.
Cet amendement a d'abord été rejeté après que le Gouvernement s'en fut
remis à la sagesse de l'Assemblée nationale. Toutefois, une seconde
délibération, demandée par la commission des Lois, a permis
l'adoption de ce sous-amendement, dans une rédaction modifiée, la
commission des Lois et le Gouvernement ayant alors donné un avis
favorable.
Votre commission spéciale n'estime ni utile ni opportune la création
d'une nouvelle commission parlementaire, pour trois raisons.
1. Les exigences constitutionnelles
Les commissions permanentes, dont l'effectif est limité à six dans
chaque assemblée, ainsi que les commissions spéciales, ont une existence
constitutionnelle7(*).
L'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au
fonctionnement des assemblées parlementaires ajoute : « Outre
les commissions mentionnées à l'article 43 de la Constitution, seules
peuvent être éventuellement créées au sein de chaque assemblée
parlementaire des commissions d'enquête ». Certes, l'ordonnance
du 17 novembre 1958, n'ayant pas valeur organique, n'interdit
pas la création de structures supplémentaires, à la condition qu'il ne
s'agisse pas de commissions permanentes, encadrées par la Constitution.
Il n'en demeure pas moins que la création d'une nouvelle
« commission » parlementaire par l'Assemblée nationale aurait
davantage trouvé sa place dans l'ordonnance du 17 novembre 1958
et que le terme de « commission » paraît trop ambigu au
regard des exigences constitutionnelles.
2. Une mission déjà remplie par les commissions permanentes
L'évaluation des lois adoptées constitue déjà une mission des
commissions permanentes, lesquelles sont bien entendu composées à la
représentation proportionnelle des groupes politiques composant
l'assemblée concernée. Dès lors, il n'est pas besoin de créer une
commission nouvelle à cet effet.
Chacune des commissions permanentes, dans son domaine de compétence,
pourra procéder à l'évaluation des expérimentations menées par la
collectivité territoriale de Corse.
3. ...et par l'Office d'Evaluation de la Législation
Il existe déjà un Office parlementaire d'évaluation de la législation8(*),
qui permet d'associer députés et sénateurs à l'évaluation d'une
législation dans un domaine donné.
Votre commission spéciale vous soumet donc huit amendements
tendant à rétablir l'ensemble des modifications adoptées par le Sénat
en première lecture et supprimant l'ajout de cette nouvelle commission
parlementaire.
Elle vous propose d'adopter l'article premier ainsi modifié.
Article 2
(art. L. 4423-1 du code général des collectivités
territoriales)
Déféré préfectoral - recours suspensif
Cet
article tend à renforcer les prérogatives du préfet en cas de déféré
relatif à une délibération portant mesure d'adaptation de dispositions
législatives ou réglementaires.
Constatant que la suppression des paragraphes II et IV de
l'article L. 4424-2 du code général des collectivités
territoriales proposée à l'article premier privait de son objet le
déféré préfectoral prévu au présent article, le Sénat, sur
proposition de votre commission spéciale et avec l'avis défavorable du
Gouvernement, avait supprimé l'article 2.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa
commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a rétabli
sa rédaction de première lecture.
Votre commission des Lois vous soumet un amendement tendant à supprimer
l'article 2.
Article 3
Refonte du chapitre du code consacré à l'organisation
de la collectivité territoriale de Corse
Cet
article tend à réorganiser le titre II du livre IV de la
quatrième partie du code général des collectivités territoriales,
relatif à la collectivité territoriale de Corse.
En première lecture, l'Assemblée nationale y avait apporté trois
modifications formelles. Le Sénat, sur proposition de votre commission
spéciale et avec un avis de sagesse du Gouvernement, avait entièrement
réécrit cet article, afin de le mettre en conformité avec l'ensemble
des modifications apportées au texte et de regrouper en un seul article
les modifications portant sur la codification.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale, sur proposition de sa
commission des Lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a réécrit
cet article.
Votre
commission spéciale vous soumet un amendement tendant à rétablir
la position du Sénat de première lecture. Elle vous propose d'adopter
l'article 3 ainsi modifié. |
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