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Allocution
de M. Jean BAGGIONI
PRÉSIDENT DU CONSEIL EXÉCUTIF DE CORSE |
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Jean Baggioni |
A L’OCCASION DE LA SÉANCE D’OUVERTURE DES TRAVAUX |
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DE LA 2ème SESSION DE 2001 - LUNDI 3 SEPTEMBRE 2001 |
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Lire l'allocution de M. José Rossi, Président de L'Assemblée |
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Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Conseillers, Mes chers collègues du Conseil Exécutif, Je me suis assez longuement interrogé sur la forme et le fond à donner à cette allocution de rentrée dont chacun sait qu'elle se situe dans un contexte exceptionnel que des événements récents, ou plus anciens, ont rendu complexe et délicat. J'aurais pu - dans le simple respect d'une tradition établie depuis longtemps - me laisser aller à la facilité de ce qu'on appelle " un discours de rentrée politique " privilégiant les bilans ou les analyses, voire mes sentiments. J'aurais pu - profitant de cette tribune et de votre bienveillante attention - me livrer à l'évocation des programmes d'activités auxquels je vous convierai inévitablement pour la mise en œuvre des objectifs que nous nous sommes fixés dans le cadre des compétences qui sont déjà les nôtres et dont on ne mesure pas toujours - ici ou là - la nature et l'ampleur. Si j'avais adopté l'une ou l'autre de ces voies, par ailleurs difficilement indissociables, j'aurais été amené à abuser de votre patience en sollicitant une écoute trop longue et inévitablement fastidieuse. J'ai donc choisi de centrer la première partie de mon propos sur la mission du Président du Conseil Exécutif qui se doit, bien entendu, d'insister sur les faits marquants d'un exercice qui s'achève et sur les objectifs essentiels - arrêtés ou à prévoir - qui nécessiteront - j'en suis persuadé - des heures, des jours et des semaines de réflexion, de travail et d'efforts. J'évoquerai ensuite les sujets d'une toute autre importance sur la situation et le devenir de notre île. Auparavant, permettez-moi, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers, une courte parenthèse amicale qui se veut simplement constructive et dont j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec le Président ROSSI. Je vous invite à concevoir, dès ce mois de septembre 2001, un changement de méthode dans l'organisation de nos travaux. Des réunions de commissions plus nombreuses et mieux suivies, des échanges plus fréquents entre les conseillers exécutifs, les Présidents de Commissions et les Rapporteurs Généraux devraient nous permettre de mieux organiser les sessions de votre Assemblée, qui devraient être essentiellement (je ne dis pas exclusivement) réservées aux grands débats qui intéressent notre communauté à laquelle nous devons une information large et objective. Sans doute conviendrez-vous qu'il sera nécessaire d'allonger la durée de vos sessions, dont j'observe - au fil des ans - qu'elles se réduisent de plus en plus à des séances trop courtes et donc insuffisantes, privant le débat d'une richesse d'expression que la permanente qualité de vos interventions peut assurément garantir. Une mobilisation quotidienne s'impose à chacun. Il n'a échappé à personne, ni ici, ni ailleurs, que notre Collectivité a vécu, ces deux dernières années, deux situations différentes : l'une faite de réalités ordinaires et l'autre remplie d'attentes, d'interrogations, d'inquiétudes ou d'espoir. Il ne vous a pas échappé non plus que nous avons vécu, au cours du précédent exercice, des étapes particulièrement importantes. La signature de contrats avec l'État et avec l'Europe nous engage fortement dans la contrainte d'objectifs à satisfaire pour lesquels nous avons su à la fois dégager sur nos propres ressources les moyens nécessaires à leur réalisation, et solliciter de nos partenaires des moyens complémentaires âprement négociés. Je n'insisterai pas sur notre commune satisfaction devant les résultats obtenus tant en ce qui concerne le choix des opérations à réaliser que le montant des aides et des taux de subventions aux maîtres d'ouvrages. Je n'insisterai pas davantage sur l'importance de ces documents contractuels qui représentent pour notre île une chance exceptionnelle. Conscients du risque d'un désengagement progressif de l'État en matière d'aides aux collectivités et des conséquences de la sortie de la Corse de l'objectif communautaire n° 1, nous avons voulu accélérer et amplifier nos efforts, encore supportables aujourd'hui, mais qui pourraient ne plus l'être demain quand l'engagement de nos partenaires sera moindre et donc limité. Je ne veux pas évoquer cette politique contractuelle pour m'en réjouir uniquement. Elle n'est pas que sujet de satisfaction ; elle est aussi - bien souvent pour moi - sujet de doutes et d'inquiétudes. Parce que, par ailleurs - et j'aurai l'occasion d'y revenir - nous nous sommes attelés à la tâche d'élaboration d'un troisième programme pluriannuel d'investissements bien plus important encore que les deux autres, tant en volume qu'en durée, et qui devrait - en principe - être négocié et adopté au cours du dernier trimestre 2001. Je ne peux manquer de saisir l'occasion de dire à tous ceux qui ont sollicité notre appui financier et qui l'ont obtenu, qu'il leur est demandé - avec insistance - de consommer dans les délais qui leur sont impartis (et qu'ils ont fixés eux-mêmes) l'ensemble des moyens inscrits au Contrat de Plan et au Document Unique de Programmation affectés aux opérations dont ils sont les maîtres d'ouvrage. Les retards qui conduiraient à la perte partielle des aides seraient non seulement préjudiciables - à court terme - aux bénéficiaires directs mais aussi, à terme, à la Collectivité Territoriale qui perdrait une partie de ces financements si difficiles à acquérir. Une telle situation créerait un handicap pour l'avenir, dès lors qu'il serait ainsi démontré qu'il existe une réelle incapacité à satisfaire aux objectifs que nous nous sommes fixés librement, comme si - en fait - leur opportunité ou leur faisabilité étaient discutables. Ce propos ne concerne pas que nos partenaires. Il peut également viser, dans certains cas, nos propres services. C'est pourquoi, j'ai mis en place, en juillet dernier, une " Mission pour la Programmation " à laquelle j'ai demandé d'examiner les dispositifs de financement des équipements structurants et d'évaluer le rythme de consommation des crédits qui y sont consacrés. Je dispose, depuis la semaine dernière, d'une première photographie de la situation qui devrait me permettre d'utiliser au mieux les mois de septembre et d'octobre pour vous proposer les éventuelles corrections qui nous sembleraient nécessaires. Je rappelle que les programmes 1994-1999 sont clos depuis le 31 décembre 1999 et qu'ils peuvent, durant une période allant jusqu'au 31 décembre 2001, faire l'objet de paiements par les différents maîtres d'ouvrages. L'organisation, en Juillet dernier, ici-même à AJACCIO, d'un séminaire des Régions Françaises d'Objectif 1, sous l'égide de la Direction Générale RÉGIO de la Commission Européenne, nous a permis de débattre des modalités de suivi et de contrôle des programmes communautaires pour la période 2000-2006. S'agissant des crédits de la période précédente, le Préfet de Corse et moi-même, comme sans doute tous nos collègues respectifs des autres régions concernées, avons saisi, dès le mois de Juillet, le Commissaire BARNIER d'une demande de prorogation d'un an, arguant des différents problèmes rencontrés au cours de cette période et qui ont pénalisé la réalisation des programmes. Je me dois d'insister également sur les nouvelles dispositions du règlement communautaire. La règle de dégagement d'office impose que les crédits d'une tranche annuelle, non justifiés en termes de paiement des maîtres d'ouvrages, soient purement et simplement supprimés à l'année N + 2. L'attribution d'une réserve de performance à la fin 2003 nécessitera un bilan de réalisation en termes de paiement et d'objectifs sur la base d'indicateurs de suivi mis en place à cet effet. Pour être honnête et objectif, il convient de préciser qu'une évocation de la faiblesse du taux de mobilisation à ce jour n'a pas de sens, tant il est vrai que le DOCUP n'a été signé que le 17 novembre 2000 et que les réunions du Comité Régional de la Programmation des Aides (COREPA) n'ont débuté qu'en octobre 2000. Il est bon toutefois de rappeler que les moyens de la réussite existent et qu'il nous faut absolument les préserver. Cela passe à l'évidence par : * la mobilisation de tous les
maîtres d'ouvrages ; L'éparpillement des moyens, la superposition des plans ou des programmes, l'absence de cohérence entre les initiatives des uns et celles des autres, l'obstination à ne pas choisir des objectifs clairs, judicieux, indiscutables, validés par des experts et soumis à votre pertinente approbation... tout cela serait catastrophique. Disposer des moyens financiers et ne pas savoir rationaliser nos choix, dresser à la Prévert le catalogue des revendications à satisfaire sans hiérarchiser celles-ci pour passer du " mal " au " mieux " et du " mieux " au " bien " serait une faute lourde à laquelle pourrait conduire la pratique d'un campanilisme éculé ou d'une démarche politicienne à vieux relents de clientélisme. Il faut que toutes nos régions, du littoral ou de l'intérieur, connaissent - dans le maillage des réseaux, de quelque nature qu'ils soient, dans la création des services de proximité, dans le désenclavement multisectoriel, dans l'exploitation de leurs ressources et potentialités - une chance de développement et de progrès. Il y a un risque évident à ne soutenir que ce qui paraît utile à certains dans l'ignorance de ce qui est nécessaire à tous. J'ai quelquefois éprouvé de la déception à la vue de l'acharnement que certains peuvent pratiquer dans la recherche de leur satisfaction dont ils savent - en conscience - qu'elle n'est ni partagée, ni même comprise par le plus grand nombre. Ces petites victoires sont, à mes yeux, puériles et très peu compatibles avec l'ambition d'un grand projet pour la Corse que nous affichons par ailleurs. Aussi, à l'occasion de la préparation du programme exceptionnel d'investissements - que vous avez évoqué M. le Président - et compte tenu de son importance financière, de l'impact économique qu'il induit pour l'île, et du fort enjeu politique qu'il représente, je ne manquerai pas de solliciter fortement votre participation avisée, votre réalisme et votre rigueur de gestion. D'autres maîtres d'ouvrages publics, et notamment d'autres collectivités locales, seront associés à l'élaboration et à la mise en œuvre de ce programme. Compte tenu de ses compétences et des moyens financiers qu'elle va devoir mobiliser, la Collectivité Territoriale de Corse aura un rôle majeur à jouer. J'insiste sur ces moyens appropriés qu'il faudra garantir, comme sur la nécessité d'imposer les conditions de la réussite. Elles passent obligatoirement par des choix budgétaires rigoureux, par la mise en place d'une assistance technique à maîtrise d'ouvrage et la création des outils adaptés tels qu'une cellule des marchés publics ou des logiciels de gestion et d'aide à la décision. Aussi bien que pour le Contrat de Plan et le DOCUP, la mise en œuvre du PEI nous conduira à rechercher l'optimisation et l'accélération des procédures d'instruction des opérations d'investissement lourdes. Ajoutées à nos programmes ordinaires et annuels et à tous les autres que nous soutenons par nos interventions financières, ces trois grandes politiques d'investissement, conformes à vos orientations et respectueuses du Plan de Développement de la Corse que vous avez adopté, doivent répondre à des objectifs essentiels de rattrapage, de mise à niveau et de progrès pour rendre la Corse plus compétitive dans le concert des régions de la Méditerranée Occidentale. Je voudrais, maintenant, consacrer quelques instants à l'évocation des grands sujets qui me préoccupent quotidiennement et au premier rang desquels je place le devenir de notre jeunesse, en particulier, et la formation des hommes plus généralement. Que nous ayons investi dans le seul domaine de l'enseignement secondaire, plus d'un milliard et cent millions de francs en dix ans, est une bonne chose. Que nous ayons - par l'aide aux communes - à travers l'acquisition et l'installation d'équipements appropriés, facilité le désenclavement de l'école rurale, est tout aussi nécessaire. Que nous ayons participé à l'aménagement d'équipements sportifs sur l'ensemble des sites scolaires relevant de notre responsabilité n'est qu'un devoir. Que nous nous soyons investis fortement dans les secteurs de la formation professionnelle et de l'apprentissage n'est que volonté de s'adapter à des besoins criants et insatisfaits depuis longtemps. Que nous ayons contribué fortement au soutien de la recherche, et manifesté concrètement l'intérêt que nous portons à notre Université, n'est que traduire en actes responsables l'affirmation de notre confiance et de notre solidarité. Que nous ayons également mis en œuvre un Plan de Développement de l'Enseignement de la langue et de la culture corses, dès le mois d'Avril 1999, témoigne de notre attachement à sauver cet élément essentiel de notre identité culturelle, auquel nous devons porter autant d'intérêt qu'on en porte aux racines de toute plante ou de tout arbre qu'on souhaite voir vivre et donner fleurs et fruits. Est-ce à dire que notre bilan, satisfaisant dans la diversité et le volume de nos interventions, peut nous dispenser d'initiatives nouvelles ou d'efforts accrus ? Pas du tout ! Il nous faut aujourd'hui aménager le territoire, construire, reconstruire, agrandir, mettre aux normes nos équipements de formation. À quoi cela servirait-il de prétendre promouvoir une politique de développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, si nous n'entreprenions pas la mise en œuvre rapide d'un plan de câblage de nos établissements pour que l'informatique et l'audiovisuel soient à la portée de tous, et notamment des plus jeunes, qui ne devront avoir ni complexe, ni retard par rapport à tous leurs camarades de quelque région qu'ils soient ? L'État - que j'interpelle ici avec force - doit prendre conscience qu'il est urgent d'adapter ces formations aux besoins du développement économique, et de réfléchir par ailleurs très sérieusement aux interventions et initiatives qui s'imposent dans les secteurs en déficit de recrutement. Des centres de formation agrandis et modernisés, des lycées classiques ou professionnels, et des collèges ouverts sur un monde extérieur exigeant et évolutif, une université bien dans ses murs, bien dans sa ville et bien dans son île, des formations professionnalisantes judicieuses, des structures de valorisation et de transferts de technologie performantes avec des chercheurs plus et mieux engagés dans le développement économique et social insulaire ... sont autant d'objectifs - parmi d'autres - auxquels je convie notre collectivité, assurée qu'elle est en mesure d'y répondre avec les moyens dont elle dispose déjà ou dont elle pourrait bénéficier à court terme. Au tout premier rang des objectifs qui m'interpellent, je place également et bien évidemment la mise à niveau de nos réseaux par la remise en état de certaines infrastructures et par la remise en ordre de certaines procédures. Qu'il s'agisse de routes, de chemins de fer, de ports, d'aéroports, de transports maritimes ou aériens, il faut bien se persuader que l'" à peu près " n'est plus acceptable, que les intérêts particuliers - si nombreux et compréhensibles soient-ils - ne peuvent prendre le pas sur l'intérêt général, que les blocages d'où qu'ils viennent doivent être dénoncés et dépassés, que la multiplication des initiatives est souvent contraire à la recherche de l'efficacité, qu'il n'y a pas - ou qu'il ne doit pas y avoir - d'opposition entre la Haute-Corse et la Corse-du-Sud, le littoral et l'intérieur, la route et le rail, un port et l'autre. On dit souvent que le " vite " est l'ennemi du " bien ". J'ai envie, en ce domaine, de dire que le " lent " est l'ami du " mal ". Cessons de retarder les projets d'aménagements routiers au nom d'intérêts locaux qui ne tiennent aucun compte de l'avenir de la Corse tout entière ! Cessons de confondre les besoins et les exigences du service public avec les intérêts et les facilités des services privés ! Nous avons - parce que la loi nous le donne et que la conscience nous l'impose - l'impérieux devoir d'assurer une desserte de la Corse aérienne, maritime ou de l'intérieur dans la recherche constante d'un progrès rapide qui réponde à un seul objectif : la satisfaction de nos concitoyens dans leurs besoins propres et dans leurs perspectives de développement économique. Je rêve pour la Corse d'autre chose que d'attitudes paralysantes ou d'intérêts particuliers que nous n'avons ni à combattre, ni à soutenir, mais qui ne doivent - en aucun cas - contrarier notre détermination à servir notre collectivité dans un esprit de réelle responsabilité politique nous conduisant à mesurer en permanence " le juste poids " et " le juste prix " de l'économie et du social. S'agissant du réseau routier, je rappelle qu'en 2001, nous avons affecté à la modernisation du réseau national, au titre de la mise en œuvre du programme routier, un crédit d'un montant total (investissement et entretien-fonctionnement compris) proche de trois cents millions de francs. Nous avons l'intention de poursuivre cet effort, en conventionnant également avec les deux Départements pour la modernisation des axes d'intérêt régional. Je rappelle que dans ce domaine, comme dans d'autres, il n'y aura vraiment de politique performante que lorsque nous aurons atteint la cohérence dans nos interventions, ce qui passe à mes yeux, nécessairement, par une délégation de maîtrise d'ouvrage pour un réseau régional desservant l'ensemble de notre territoire. S'agissant du réseau ferré, ce n'est pas la moindre de nos satisfactions que d'évoquer la signature toute proche d'une convention de gestion par la SNCF du réseau des chemins de fer de la Corse, dans le cadre d'une délégation de service public, pour une durée de neuf ans à compter du 1er septembre 2001. Deux récents avis d'appels d'offres parus dans la presse régionale le 11 août dernier ont peut-être retenu votre attention ; j'aurais aimé en tout cas qu'ils le fassent. On y traitait d'une commande de neuf à douze autorails panoramiques et d'une opération lourde de gestion et de modernisation du réseau. Pour conclure sur ce point, je rappelle que nous avons prévu d'affecter aux chemins de fer des financements exceptionnels d'un montant de 735 millions de francs pour la mise en sécurité, l'amélioration des infrastructures et l'acquisition de matériels neufs, en accélérant les investissements au cours des cinq premières années de la convention. Dans le domaine des transports maritimes, à quatre mois de l'échéance du 31 décembre 2001, nous ne sommes pas encore parvenus à mener à terme l'appel d'offres pour la désignation des délégataires de service public. Aux retards occasionnés volontairement par l'attitude attentiste du Ministère des Transports que nous avons dénoncée en son temps et sur laquelle il est revenu, est venu s'ajouter celui qui résulte du référé pré-contractuel à l'encontre de la procédure, qui n'avait pourtant fait place à aucune improvisation. Nous sommes confiants dans ce que sera la décision du Conseil d'État, saisi par nos soins, d'un pourvoi en cassation contre l'ordonnance du Juge des Référés. Si - ce que je n'ose croire - nous ne devions pas avoir gain de cause, nous consacrerions l'année 2002 au lancement d'un nouvel appel d'offres. Quoi qu'il en soit, c'est avec la sérénité la plus grande et la conscience du respect des textes autant que des partenaires concernés, que nous suivrons ce dossier dont la complexité ne doit en aucun cas nuire à la qualité du service public que nous voulons le meilleur, en termes de qualité, de tarifs et de fiabilité. En ce qui concerne les transports aériens, nous aurons aussi à nous préoccuper du renouvellement des concessions pour les lignes de Paris, à compter du 1er janvier 2003. J'évoque, à titre de simple hypothèse, l'extension possible à ces lignes du dispositif d'aide sociale en vigueur sur le bord à bord. Nous aurons le temps et la sagesse d'y réfléchir et d'en délibérer. Il faut toutefois noter qu'un appel d'offres perd son sens, dès lors que l'on sait par avance qu'un seul candidat y répondra. Dans ces conditions, il n'y a rien à attendre du jeu de la concurrence qui est purement virtuel. Une telle affaire mérite assurément une réflexion approfondie. Rien n'empêche de l'ouvrir sereinement au plus tôt. Encore faudrait-il, pour la traiter comme il convient, que nous obtenions de l'État les créneaux horaires à Orly, nécessaires au service Paris-Corse. C'est une condition indispensable si nous ne voulons pas être tributaires d'une seule compagnie, fût-elle la Compagnie Nationale. Serons-nous en mesure d'exiger de l'État les moyens nécessaires à l'exercice de nos responsabilités ? En tout état de cause, nous devons nous y employer et solliciter avec insistance la compréhension et l'appui de ceux qui peuvent et doivent nous soutenir. Il y va de la crédibilité que l'on peut accorder à une action cohérente en divers domaines, dans l'attribution des aides nécessaires qui nous sont dues pour une meilleure maîtrise de nos objectifs. Enfin, il nous faudra poursuivre les réflexions et les démarches entreprises pour faire évoluer la Compagnie Corse Méditerranée dans son capital et dans ses structures. Cela devra se faire conjointement à l'élaboration d'un plan de développement à moyen terme qui assure à la fois l'avenir et l'autonomie de notre Compagnie régionale. S'agissant d'une éventuelle gestion des domaines portuaires et aéroportuaires, je tiens à préciser que je n'ai cessé d'interpeller l'État sur la nécessité de disposer des audits que nous avons réclamés. C'est, en effet, de ces analyses techniques et financières que dépendra notre position. Toute hypothèse en ce domaine est aujourd'hui sans fondement, dès lors qu'il ne nous est pas donné d'apprécier les coûts d'entretien et de réparation des biens transférables s'avérant vétustes ou dégradés. L'ambition d'une politique environnementale, à la hauteur du patrimoine qu'il faut protéger, nous a conduit à envisager des interventions lourdes au premier rang desquelles se situe le Plan Interdépartemental (ou Régional) d'Élimination des Déchets. Une précédente session de votre Assemblée a permis à chacun de se faire une idée sur l'ampleur de ce projet, son coût, ses retombées, ses contraintes et son urgence. J'invite l'Office de l'Environnement à poursuivre ses travaux avec les partenaires concernés pour accélérer les études et les décisions, et passer de l'analyse au programme et du programme à la réalisation. Les mois passent vite. Il y a autant d'urgence à intervenir dans le respect des textes pour satisfaire aux objectifs dans la concertation la plus large et, à travers des décisions formelles, qu'il y en a à utiliser - au plus tôt - les moyens financiers dont nous disposons et auxquels j'ai déjà fait allusion en évoquant les documents contractuels et les programmes pluriannuels d'investissements. Je redis également ici, avec force et conviction, notre volonté de concevoir et mettre en œuvre une véritable politique de prévention et de lutte contre les incendies. Il n'y aura, là encore, de solution judicieuse que dans la définition claire des responsabilités des uns et des autres. Les débats de dernière minute, à la veille de la saison d'été, et la multiplication des demandes de financement qui nous sont adressées, sont en totale opposition aux principes que l'on défend par ailleurs et qui consistent à réaffirmer le rôle de la Collectivité Territoriale de Corse, chef de file, maître d'ouvrage ou partenaire coordinateur d'initiatives concertées. Bien qu'on ne puisse admettre que la Collectivité Territoriale de Corse devienne le banquier de tous les opérateurs, on peut assurer qu'elle est prête à s'associer à toute orientation réaliste, logique et efficace. Faisons-le dans le calme d'une saison automnale qui permet aussi de tirer des bilans judicieux et de condamner une fois de plus, et sans réserve, les attitudes criminelles des incendiaires. D'un mot, je voudrais évoquer la gestion de nos ressources en eau qui sont très largement excédentaires par rapport aux besoins. J'invite l'Office Hydraulique à nous soumettre, avant la fin du présent exercice, une étude simple portant sur les ressources dont nous disposons, l'utilisation qu'on en fait, les besoins restant à satisfaire, qu'ils soient domestiques, agricoles ou énergétiques. Il nous faut apprécier judicieusement ce dont nous disposons et ce qui nous manque. Il nous faut aussi pouvoir juger avec objectivité de l'insuffisante exploitation de ces ressources dans certaines zones à vocation agricole faute de capacités de stockage ou de réseaux de distribution inadaptés aux réalités, ou faute de demandes des utilisateurs potentiels. Au vu de cette étude et dans le cadre du débat que nous pourrions tenir, je vous inviterai à élargir notre réflexion sur l'utilisation de cette ressource naturelle si précieuse dont nos voisins de Sardaigne manquent particulièrement. Un projet de transfert, tant de fois évoqué, pouvant s'inscrire dans un programme d'interrégionalité soutenu par des financements communautaires, ne me paraît pas une vue de l'esprit. L'audace d'entreprendre, compatible avec ce réalisme auquel je me réfère sans cesse, peut ouvrir des horizons dont les retombées économiques sont à appréhender avec autant de sagesse que d'ambition. Parler d'irrigation me conduit évidemment à évoquer le débat sur la politique agricole que nous entendons soutenir et que vous avez vous-même évoqué, M. le Président, en manifestant votre inquiétude. Un rapport préparé avec l'assistance des services de l'Office de Développement Agricole et Rural de la Corse sera soumis au plus tôt à l'examen de votre commission ad hoc et ouvrira le débat. Je souhaite que tous les partenaires, institutionnels ou pas, puissent s'associer rapidement à nos travaux. Des problèmes extrêmement importants, de natures diverses, allant de la dette agricole à l'aménagement du territoire, des dérogations communautaires aux stratégies de développement, sans oublier les problèmes sanitaires, doivent impérativement nous conduire à préciser clairement nos positions, déterminer le champ de notre action possible et souhaitable, fixer la mesure et les limites de nos interventions, arrêter avec les professionnels le choix d'une politique agricole réaliste et ambitieuse, moderne et spécifique pour laquelle l'insularité n'est pas qu'une source de handicaps ou de difficultés, mais peut être aussi une chance et un atout à l'heure des choix de la consommation qui privilégient la qualité et l'authenticité des terroirs et de leurs produits. Qu'on ne se méprenne pas sur le contenu de mon allocution ! Dès lors qu'elle ne vise pas à l'exhaustivité, on ne sera pas surpris de l'impasse que je peux faire sur des sujets importants qui sont présents dans mes préoccupations quotidiennes. J'ai souhaité insister seulement sur les suggestions qu'il me paraît nécessaire de vous faire et m'en tenir à quelques sujets essentiels dont vous souhaitiez tout à l'heure, M. le Président, qu'il y soit fait mention ici, aujourd'hui. Si j'avais dû consacrer quelques minutes au tourisme, je me serais adressé volontiers aux responsables et administrateurs de notre agence régionale pour les inviter - comme le faisait ce matin encore la presse locale - à concentrer leurs efforts sur l'étalement de la saison touristique. Le " professionnalisme ", dans toutes les composantes de l'industrie touristique doit prendre le pas sur " l'amateurisme maladroit et l'approximation ". L'excellence doit chasser la médiocrité. Nos atouts sont tels que nous ne devons plus nous permettre d'en sous-estimer la valeur au risque de perdre une large part du produit que nous pourrions en tirer. Je crois que l'heure est venue de vendre " la destination corse " comme on vend un produit de qualité, voire de luxe. Qu'on ne s'y trompe pas ! Il n'est pas question ici de choix de clientèles qui nous conduiraient à sélectionner les publics ou les produits. Il est - me semble t-il - important de rechercher la diversification parce que nous en avons les moyens. La Corse peut offrir un tourisme d'avant ou d'arrière-saison estivale à des clientèles variées. Dans sa recherche de l'efficacité, l'Agence du Tourisme de la Corse, en synergie parfois avec l'Office de l'Environnement et d'autres services, notamment celui de la culture, pourrait lancer une campagne exceptionnelle en 2002 pour une Corse ouverte, accueillante, fleurie, animée, qui mobiliserait les énergies et les moyens de tous ceux qui en disposent : collectivités, chambres consulaires, associations, professionnels..., et j'en passe. Je pense que notre patrimoine, de quelque nature qu'il soit, doit être mieux entretenu, exploité plus judicieusement, notamment à travers la création de produits d'appel particuliers et authentiques dont nous devons soutenir la promotion et la valorisation. La Corse s'éveille et prend conscience des réalités. Qu'il s'agisse de la protection de ses sites sur laquelle elle doit veiller jalousement, de l'exploitation de ses ressources naturelles en rien incompatibles avec le respect de son environnement, de la promotion de ses activités agricoles, touristiques ou industrielles, de la recherche d'une élévation permanente de la qualité de ses produits, de la formation la plus appropriée de sa jeunesse, de la modernisation de ses réseaux... tout témoigne d'une volonté de développement et de progrès. Les rapports de l'Exécutif et vos délibérations du semestre écoulé attestent de cette orientation et de cette adaptation aux mutations économiques et sociales. Un dispositif de soutien au développement des entreprises, à la promotion des territoires de projets, à l'émergence de politiques cohérentes, à la mise en place d'une fiscalité moderne, sont autant de témoignages de confiance en l'avenir qu'il nous faut amplifier. M'adressant plus particulièrement à notre Agence de Développement Économique, au-delà de ce qui a été entrepris et qui s'avère extrêmement positif, je voudrais, sur un point précis, l'inviter à mettre l'accent sur le développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication, sujet dont on parle tant et auquel on adhère unanimement. Pour autant, je ne suis pas persuadé de l'adéquation qu'il y a - en ce moment et en Corse - entre les investissements projetés en ce domaine et les retombées que nous pouvons en attendre. Faute d'information, j'allais dire de pédagogie, je suis persuadé que bien des acteurs de la vie économique et sociale - qu'ils appartiennent au monde de l'entreprise, aux services, aux secteurs de la formation ou de la recherche, aux collectivités ou aux associations - ne mesurent pas les potentialités que peuvent offrir ces équipements de pointe, bien connus de notre agence, bien connus des experts qui s'y trouvent ou tout simplement de tous ceux qui ont en permanence leur fenêtre ouverte sur l'évolution de la société. Je propose qu'une série de réunions sectorielles, à l'initiative de l'Agence de Développement Économique de la Corse, permettent d'instruire utilement les acteurs économiques et sociaux de notre île pour qu'ils soient associés - en connaissance de cause - aux évolutions nécessaires, participant ainsi à une œuvre commune de modernisation et de progrès. Nous n'aurons d'accès aux échanges, aux réseaux, aux marchés régionaux de Méditerranée ou d'ailleurs que si nous savons nous adapter aux exigences d'une économie moderne et évolutive. L'insularité, en ce domaine, n'est plus un handicap. Si l'isolement de la Corse a été tout au long du siècle dernier le fait de l'indifférence des décideurs, du manque d'audace des acteurs et de l'absence des moyens appropriés, il ne serait pas acceptable qu'il perdure alors que nous disposons désormais de cette volonté nouvelle d'ouverture et de cette capacité d'y parvenir. Il n'aura échappé à aucun observateur que nous avons, tout au long du précédent exercice, favorisé l'" ouverture de la Corse sur l'extérieur ". Après une année de réflexion prospective, nous avons abordé la programmation par la mise au point de cadres d'appui, avec nos partenaires étrangers. Privilégiant trois axes de référence, nous avons soumis à la Commission Européenne un projet de programme opérationnel INTERREG III A, avec la Toscane et la Sardaigne, qui devrait nous permettre de conduire de réels projets transfrontaliers durant la période 2001-2006. Dans le cadre de l'axe 2 " Espace Méditerranée Occidentale ", avec 27 autres régions partenaires du Portugal, du Royaume-Uni, d'Espagne, d'Italie et de France continentale, nous négocions un programme directement inspiré des priorités du Schéma de Développement de l'Espace Communautaire qui servira de support aux projets du groupement IMEDOC, constitué désormais de la Corse, de la Sardaigne, des Baléares et de la Sicile. Parallèlement, sous la présidence que j'assume pour quelques semaines encore, nous avons initié une stratégie d'ouverture en direction de l'ensemble des îles de la Méditerranée : Îles grecques, Malte et Chypre. Dans le même temps, la Collectivité a initié un processus de coopération avec les pays partenaires de la Rive Sud, en l'occurrence le Maroc, concrétisé par la signature d'une convention, en juin dernier, avec le Président de la région de Marrakech (TENSIFT-EL HAOUR), ouvrant la voie à un programme d'action soutenu durant la période 2001-2006 qui prendra appui sur la valorisation des savoir-faire locaux, de part et d'autre, dans de nombreux domaines. Le troisième axe de cette ouverture a trait à la coopération avec d'autres entités européennes, centrée tout particulièrement sur le réseau constitué par la Commission des Îles de la Conférence des Régions Périphériques et Maritimes. Le temps fort de l'activité de cette commission a été la XXIème conférence organisée à Porto-Vecchio en juin dernier, à laquelle certains d'entre vous ont bien voulu assister. Nous avons pu y faire valoir nos revendications concernant l'insertion des îles au sein de l'espace communautaire, dans une Europe élargie à 27 membres. Je vous ferai parvenir dans les meilleurs délais un document exhaustif et précis pour mieux faire connaître les objectifs que nous voulons atteindre et les premiers résultats de cette politique d'ouverture de la Corse sur l'extérieur. Vous aurez également à traiter du lancement des futurs programmes d'initiative communautaire (INTERREG III, LEADER + et EQUAL) en cours d'élaboration et dont les négociations devraient aboutir avant la fin 2001, ou en tout début de l'année 2002. Répondant aux mêmes règles de gestion que le DOCUP, ils seront soumis aux mêmes contraintes et nécessiteront donc la même approche rigoureuse et vigilante. La gestion ordinaire de notre collectivité devait me conduire tout naturellement à évoquer ces sujets, et cette allocution pouvait se conclure sur l'invitation que je vous adresse à ne rien négliger - ni dans l'effort, ni dans la rapidité d'exécution - pour mettre en œuvre ces programmes dans le respect de nos engagements. Mais la vie de notre collectivité ne se limite pas à ce type de considérations et à des problèmes, si difficiles soient-ils, qui relèvent d'une gestion ordinaire. Il y a longtemps qu'a disparu l'image d'une Corse endormie, écrasée sous le soleil, conservatrice et immuable dans ses activités et ses traditions. Tout bouge. Parfois jusqu'à l'excès. Les jours sont faits de projets, d'attentes, d'incertitudes et de drames dans le tourbillon d'un mouvement que nul ne maîtrise. Je vis avec tristesse les heures qui endeuillent la Corse. Qu'on ne se méprenne pas sur certains silences, ils ne sont souvent que " discrétion ". Personne n'est indifférent au malheur des autres. Notre communauté est atteinte, troublée, attristée par les drames. Je vis aussi avec confiance les réflexions qui nourrissent l'espoir. D'où qu'elles viennent, les idées généreuses sont bonnes à recevoir et dignes d'être partagées. Il y a, partout, chaque jour, des blés qui lèvent et des rayons de soleil qui éclairent. Cultivons-les. Partageons-les. J'associe tout naturellement ma voix à celle de tous ceux qui appellent à la sagesse et à la paix au sein de notre communauté. J'associe bien évidemment mes efforts aux efforts de tous ceux qui veulent que notre île acquiert les moyens de son développement, dans la maîtrise de ses choix. Je veux rappeler, ici, clairement que mon action à la tête du Conseil Exécutif s'inscrit dans la continuité d'une analyse entamée dès 1992, et marquée par deux mots qui sont revenus comme un leitmotiv dans mes démarches, nombreuses et répétées, auprès des divers gouvernements de la République, qu'ils soient de droite ou de gauche : ÉVOLUTION, CLARIFICATION. Elles sont restées longtemps vaines ces démarches, parce que l'on refusait d'entendre, de comprendre et d'agir. Elles sont restées sans suite parce qu'il était plus confortable de ne rien faire plutôt que de remettre sur le métier l'ouvrage inachevé ou défectueux, quand bien même on en connaissait les défaillances, les dysfonctionnements ou les dangers. Elles sont restées sans suite parce que la volonté de traiter un problème dans sa globalité, en conscience, dans la juste appréciation des situations, n'a jamais été l'exclusif apanage d'un Gouvernement ou d'un autre. Elles sont restées sans suite parce que le temps était l'allié de nos Gouvernements dont la feuille de route était plus ponctuée par les échéances électorales que par les rendez-vous auxquels l'histoire les conviait pour prendre en compte et en charge nos problèmes et nos aspirations. Faudrait-il expliquer ici, à ceux qui l'ignorent, c'est-à-dire à l'immense majorité du Peuple de France qui nous observe et qui nous juge trop facilement, à travers des clichés forts ou des images saisissantes, et qui ne connaissent pas grand chose de nos réalités économiques, sociales ou culturelles, ce qu'est véritablement la situation particulière de notre île ? Faudrait-il les inviter par milliers à voir et toucher du doigt nos difficultés réelles pour qu'ils découvrent, non seulement le sable blanc de nos plages et la fraîcheur de nos forêts, mais aussi le retard de nos investissements ou l'inadaptation des textes qui nous régissent malgré deux réformes institutionnelles en dix ans ? Faudrait-il leur rappeler qu'après dix ans, précisément, un texte de loi reste inapplicable, ou ne peut s'appliquer qu'en marge de la légalité, parce que certains décrets d'application n'ont jamais été publiés ? Faudrait-il leur rappeler que c'est au " vu " et au " su " de l'État, et sous sa seule responsabilité, que des transferts de patrimoine n'ont pas été effectués alors qu'on nous en confiait la gestion, l'entretien, la maintenance ou la modernisation ? Faudrait-il aussi, à titre d'exemple, dans le domaine économique, leur rappeler qu'on nous a offert un jour la mise en place d'une Zone Franche que personne n'avait réclamée, et qu'on nous impose maintenant de la supprimer alors qu'unanimement nous manifestons le souhait de la maintenir ou d'en maintenir les acquis ? Faudrait-il rappeler enfin que les réformes décentralisatrices de Gaston Defferre ou Pierre Joxe ont paru audacieuses en leur temps, et qu'elles sont dépassées aujourd'hui par les avancées que connaissent d'autres régions continentales ou par les contraintes d'une Union Européenne qui a pratiqué jusqu'à présent une politique régionale sans tenir compte de nos différences qui, à elles seules, justifient les différences de traitement que nous réclamons, qu'on appelle " dérogations " et qu'il conviendrait d'appeler " adaptations légitimes " ? Faudrait-il que je sois borné et sectaire pour refuser de soutenir une initiative gouvernementale qui viserait à répondre à un objectif de développement et de paix au prétexte que je ne partage pas la même idéologie politique que ceux qui l'ont inspirée ? Faut-il être à ce point sans conscience pour refuser ce qui paraît nécessaire à notre île au prétexte dérisoire que d'autres, qui ne partagent ni les mêmes valeurs républicaines, ni les mêmes sentiments, le réclament aussi ? Faut-il enfin refuser de voir la Corse, de la comprendre, de la soutenir, de l'accompagner dans sa quête de moyens et de progrès, parce que ses objectifs sont communs à d'autres ? Faut-il jeter le manche après la cognée parce que des événements graves nous interpellent et nous peinent ? Faut-il ajouter à la confusion des esprits la prise en compte des ambitions politiciennes de certains qui s'opposent pour garder ou conquérir le pouvoir, ce qui n'a rien à voir avec l'attente angoissée des Corses qui veulent qu'on sorte durablement d'une situation douloureuse qui dure depuis un quart de siècle ? Faut-il que je taise mes analyses, fruits de mon expérience, et mes ambitions pour la Corse que je situe sans réserve dans l'unité de la République, parce qu'il y a là des points communs avec les analyses et les ambitions d'un camp auquel je n'appartiens pas ? Quand on a un parcours à effectuer, ce n'est pas tant le mode de transport qui compte, c'est surtout la volonté d'arriver à destination, sans excès de naïveté ou de confiance, sans retard ni précipitation, sans franchir la ligne jaune des principes, des engagements ou des convictions et sans tordre le cou à ses propres sentiments caractérisés notamment par le double respect de l'autre et des engagements pris. Depuis vingt-et-un mois, nous sommes engagés librement et consciemment dans une concertation âpre, dure, parfois négative, et parfois satisfaisante. Elle a abouti à un relevé de conclusions sur lequel nous nous sommes mis d'accord. Relevé de conclusions que votre assemblée a approuvé et que la Nation a reçu sous forme d'un projet de loi soumis aux délibérations des élus des deux Chambres qui peuvent l'amender, le modifier, le compléter, le rejeter ou l'approuver définitivement. Au terme d'une adoption en première lecture à l'Assemblée Nationale, ce texte - faut-il le rappeler - n'a pas répondu à nos attentes autant que nous l'aurions souhaité. Amoindri dans sa portée par les centralismes parisiens - que j'ai dénoncés avec force - qui craignent les transferts de compétences dans lesquels ils ne voient que l'atteinte à leurs pouvoirs ou à leurs moyens, refusant d'y découvrir la meilleure voie politico-administrative pour le meilleur service à rendre à une communauté. Tiède dans ses propositions de soutien à l'économie pour des raisons qui tiennent aux blocages bien connus des services centraux, techniciens ou technocrates plus proches de la règle à calculer que de la raison, ce projet exige une sérieuse révision des objectifs et des moyens. Il y a lieu d'œuvrer avec conviction et acharnement pour que la loi, qui devrait être adoptée d'ici la fin de l'année, soit améliorée et de nature à éviter les dysfonctionnements préjudiciables à la bonne marche des institutions de notre île. Dans cette optique, il conviendra d'axer notre démarche autour de trois volets essentiels. Les transferts de compétences devront être conçus pour rendre le dispositif clair et lisible, permettant la mise en place d'un schéma qui garantirait la clarification et la responsabilisation. Le fonctionnement de la Collectivité Territoriale de Corse doit être assuré par la mise en place de moyens permettant de réussir la réforme entreprise. Le statut fiscal que nous réclamons doit viser essentiellement à créer les conditions du développement économique. Il faut exiger et obtenir une optimisation des dispositions prévues dans les trois grands volets du statut : le crédit d'impôt, la taxe professionnelle et le dispositif de sortie de la zone franche. En marge, mais de façon très complémentaire au projet de loi, la négociation avec Bruxelles du Mémorandum " pour une reconnaissance de la spécificité insulaire de la Corse au sein de l'Union Européenne " induit des enjeux très lourds. Il est aujourd'hui indispensable de traiter de tous les aspects du dossier dans un calendrier précis et dans le cadre d'une concertation fructueuse entre l'Union Européenne, l'État et la Collectivité Territoriale de Corse. Que l'État prenne toutes dispositions pour éviter un enlisement de ce dossier ! À cet égard, les trois thèmes de la fiscalité des tabacs, du financement des abattoirs et de la possibilité de financer l'augmentation de la flotte de pêche sont essentiels et centraux dans la demande formulée. Des réponses claires et constructives s'imposent rapidement. Le Parlement a retenu la date du premier janvier 2002 pour l'entrée en vigueur de la loi. Instruit de l'expérience de 1992, j'ai saisi l'État, dès la fin du mois de juillet 2001, de la nécessité d'ouvrir sans tarder la concertation sur les conditions dans lesquelles s'opéreraient les transferts de compétences et sur les moyens dont devrait impérativement disposer la Collectivité Territoriale de Corse pour assumer ses nouvelles responsabilités. Le chantier en cours doit laisser peu de place à l'improvisation. C'est pourquoi nous examinons d'ores et déjà, avec les services, les conséquences prévisibles des transferts de compétences dans les principaux domaines concernés et des aspects plus transversaux, moins évidents, et tout aussi importants d'organisation des circuits d'instruction, d'information et de décision. Dans ce cadre, se posent également - bien évidemment - des questions essentielles telles que : - La place des Offices et Agences de
la Collectivité Territoriale de Corse, et l'organisation de la tutelle ; Malgré l'apparente longueur de mes propos, je suis conscient que j'évoque trop vite et trop superficiellement la multitude des sujets qui nous interpellent et que nous devons avoir le souci de traiter avec obstination et conviction. Le débat ouvert à l'échelle nationale conduit le Parlement à s'instruire de nos réalités sur le terrain. La semaine prochaine, une commission spéciale du Sénat, chargée d'examiner le projet de loi relatif à la Corse sera dans nos murs. Nous la recevrons avec plaisir, persuadés que l'expérience de ses membres et la connaissance des réformes attendues, ici comme ailleurs, les rendront attentifs aux problèmes que nous soulevons. Nous n'avons pas à attendre bienveillance ou générosité. Nous n'avons pas davantage à user d'habileté pour convaincre, mais de sincérité. Nous n'avons pas à recourir à une pédagogie théorique, mais à citer des exemples précis, édifiants et instructifs. Pour ma part, je ne saurai admettre qu'à l'image de leurs collègues parlementaires de l'Assemblée Nationale, ils édulcorent nos exposés et la traduction de nos difficultés. Je le dis par avance et sans crainte : si nous exagérons ou si nous avons tort, qu'on nous le dise et qu'on rejette nos propositions. Si nous mettons l'accent sur des réalités, des dysfonctionnements, des absences ou des carences des textes, des confusions volontairement entretenues, des mécanismes qui rendent inefficaces les réformes ou toute mise en œuvre de moyens, alors... alors il ne serait pas tolérable que des élus de la Nation participent à la pratique d'une lecture floue de nos réalités pouvant justifier les critiques acerbes à notre endroit faute de vérité et de lumière. Je le répète, mon expérience seule dicte mes propos et mes orientations. Ce n'est ni mon étiquette politique, ni ma sympathie pour les uns ou les autres qui inspirent le contenu de mes échanges ou qui dénaturent - si peu soit-elle - la perception que j'ai des difficultés du moment et des chances d'aller vers une solution politique. Je crois en la vertu du dialogue. Il faut pour cela, dans le réalisme et la vérité, écouter, proposer, expliquer, convaincre. Si je devais avoir encore, en Novembre ou en Décembre prochain, la même désagréable surprise que celle que j'ai eue en suivant les débats à l'Assemblée Nationale en Mai dernier, j'en dénoncerais les causes et en tirerais les conclusions. Nous ne pourrions supporter davantage que la Corse soit une apparente préoccupation pour nos leaders nationaux, et constater ensuite leur absence ou leur indifférence à l'occasion des débats publics qu'ils peuvent librement enrichir. Le respect que je porte à la représentation nationale m'autorise à lui demander un engagement réfléchi, une participation active au vote d'un texte qui, s'il ne résout pas tous les problèmes, peut contribuer largement à évacuer un certain nombre de questions qui empoisonnent la gestion de notre Collectivité Territoriale rendue difficile et quelquefois inopérante à cause de ces confusions et dysfonctionnements mille fois dénoncés. Un grand débat national est ouvert. Il nous concerne tous. Certains parlent d'une deuxième phase de la décentralisation, d'autres évoquent la nécessaire modernisation de l'Etat. Tous traitent de la clarification des compétences et du transfert de celles-ci, de l'autonomie fiscale des collectivités, de la politique de proximité en matière d'aménagement du territoire, de développement économique, de formation des hommes. Depuis hier, on évoque même, tout simplement, l'hypothèse de l'autonomie d'une Région. On a cherché bien souvent à me mettre en contradiction avec mes pairs. C'est un jeu pour les amateurs de querelles ou de sensations. J'entends parler ici ou là de la nécessité d'offrir aux régions le " pouvoir d'innover ", " d'expérimenter ", de " tester de nouvelles formules ". J'ai même lu des propositions " de révision constitutionnelle ". Ces mots ne sont pas de moi. Je les fais miens. Ils ont été tenus notamment le 28 mai 2001 au cours d'un débat sur la décentralisation dans la Région des Pays de la Loire, auquel assistaient de nombreux et éminents élus de l'opposition nationale. Je suis à ce point à l'aise que je veux, en entamant la conclusion de mon propos, faire mienne cette déclaration de François Fillon, Président du Conseil Régional des Pays de la Loire, qui déclarait à l'ouverture de ce débat : " Notre société est en quête de créativité, de liberté et de responsabilité. Elle est attentive à sa qualité de vie et tourne le dos aux schémas de développement standardisé, centralisateur et uniforme. Cette nouvelle France doit s'épanouir dans un cadre institutionnel élargissant les champs de l'innovation, de la confiance et de la participation. Dans cet esprit, l'Etat doit apprendre à écouter, à déléguer certaines de ses compétences ; il doit s'écarter d'une logique hiérarchique au profit d'une logique relationnelle où l'autorité ne se décrète plus mais se gagne et s'orchestre différemment ". Mon collègue poursuivait en insistant : " ... il convient d'arbitrer en faveur d'un Etat recentré et relayé par des collectivités locales responsabilisées et placées en position de partenaires de la République et non de concurrentes... " et après avoir évoqué " l'indispensable relation constructive qu'il faut imaginer entre l'unité nationale et l'expression locale ", il concluait, comme nous le ferions nous-mêmes ici, unanimement ou presque, que " le statu quo est impossible. Initié il y a vingt ans, un cycle s'achève et s'épuise dans la confusion, l'irrésolution et la suspicion". Voilà qui est clair. Un seul point nous divise. Il est de taille, j'en conviens. Faut-il ou pas traiter la Corse, dans le cadre de cette évolution souhaitée, avant les autres et différemment des autres ? C'est la Cour Européenne de Justice qui répond à cette question dans son arrêt Wagner du 23 janvier 1983 : " une discrimination consiste à traiter de façon différente deux situations identiques ou à traiter de façon identique des situations qui sont différentes ". Il faut désormais le réalisme du constat et l'audace d'entreprendre. Ne pas voir les réalités en face, c'est assurément une manière de fuir la solution ou la simple vérité. Je pense réellement, en cette période charnière de la vie de la Nation et du devenir de nos Régions, qu'il sera grand et juste l'homme d'Etat qui saura concilier le possible et le nécessaire, garantir l'unité dans la diversité, l'évolution sans révolution, l'adaptation des institutions dans le réalisme des mutations qui font l'histoire de notre île, de la France, de la Méditerranée Occidentale et de toute l'Europe. Nier ces principes et les exigences qu'ils induisent, c'est refuser le mouvement, c'est augmenter les pesanteurs, les handicaps, c'est aggraver les retards, c'est fuir le progrès, c'est pérenniser les difficultés source de bien des maux et cause de bien des erreurs. Fort heureusement, on note depuis quelques mois une nouvelle prise de conscience d'élus nationaux de droite et de gauche qui vont jusqu'à rédiger ensemble des propositions constructives allant de la " libre administration des collectivités territoriales " au " pouvoir réglementaire " de celles-ci " pour l'exercice des compétences que leur attribue la loi " jusqu'à l'évocation claire d'un " pouvoir d'adaptation des politiques nationales aux réalités locales ". L'évolution institutionnelle est admise, la réforme constitutionnelle est souhaitée parce qu'elle devient nécessaire. Ajoutons à cela l'émergence forte d'identités culturelles comprises et soutenues ici comme en Bretagne, en Alsace, en Savoie, en Provence ou au Pays Basque. Rapprochons cela des mosaïques régionales où vivent nos voisins Allemands, Italiens ou Espagnols et l'on comprendra aisément l'urgence qu'il y a à traiter de ces problèmes sans jamais confondre l'unité et l'uniformité. Voilà, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs les Conseillers, quelques-unes des réflexions que m'inspirent l'actualité de notre gestion et le contenu de nos revendications. Le chantier est vaste. Les matériaux sont là. Il en manque quelques-uns. Nous avons la volonté et la capacité de les obtenir à la condition que ceux qui nous écoutent aient également la volonté de nous comprendre. Il faut aussi rapidement que possible dépasser le stade de la réflexion et de l'élaboration des réformes. Les cogitations philosophico-politiques peuvent nous plaire. L'action nous convient plus encore. Le retard à rattraper est un stimulant quand on a les moyens de le réduire. La mise à niveau de nos structures et de nos infrastructures est un pari accessible. La promotion de notre île, terre de progrès et de compétition, est un objectif commun à partager. Puisse la providence nous offrir le climat apaisé sans lequel rien n'est possible et puissent nos consciences nous conduire à joindre nos efforts dans le respect de nos différences pour les mettre au service d'une seule cause : LA CORSE. |
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