Le CESC de Corse  
 
   
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    Ajaccio : la citadelle    
   

   
   

COMPTE-RENDU

   
   

à l'attention de M. le Président de l'Assemblée de Corse

   
   

 DES AUDITIONS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

   
   

organisées par le Conseil Economique, Social et Culturel de Corse

   
   

DU 24/01 AU 02/02/2000,

   
   

 présenté en séance plénière le 14/02/2000

   
   
par M. Raymond CECCALDI, Président,
   
   

et remis à M. le Président de l'Assemblée de Corse le 17/02/2000

   
         
   

Par lettre du 17 janvier 2000, à la suite de la rencontre que vous-même ainsi que les autres élus de l'île avez eue avec le M. Premier Ministre le 13 décembre 1999 à l'Hôtel Matignon, vous avez saisi le Conseil Economique, Social et Culturel d'une demande d'avis portant sur les aspirations de la " société civile " corse.

 I - L'APPEL À LA SOCIÉTÉ CIVILE

 Nous aurions pu choisir de laisser les représentants désignés de la société civile constituée, c'est à dire les membres du C.E.S.C., s'exprimer seuls. Mais nous avons estimé que c'était là une occasion unique d'expérimenter enfin cette démocratie participative dont on parle beaucoup et qui n'est que peu mise en oeuvre.

 Il n'est pas contestable qu'il appartient aux seuls élus de délibérer, de choisir, de décider, de trancher au nom de la Collectivité dont ils sont responsables devant le peuple. Il s'agit d'un des fondements de notre système démocratique. Mais la société civile peut et doit apporter sa compétence professionnelle, son sens de l'équilibre et du concret, sa pondération, ses projets, sa vision de l'avenir et son expérience quotidienne du " terrain".

 Les solutions efficaces passent en effet par une libération de toutes les initiatives et de l'ensemble des énergies, ainsi que par l'adaptation aux spécificités et aux aspirations locales des règles de procédure nationales, trop souvent théoriques.

 Si le chômage, l'exclusion, individuelle et collective, les lieux de non droit, l'incivisme sont, entre autres, les vrais problèmes que la société moderne doit résoudre, il lui faut pour cela s'appuyer sur ces acteurs permanents que sont les entreprises, les organisations syndicales, les associations.

 Car on ne peut tout à la fois regretter que ces difficultés perdurent, que la majorité demeure " silencieuse ", que le citoyen boude les urnes, donc l'expression populaire à travers le suffrage universel, et laisser la vie publique s'enliser dans des jeux de rôles stériles au lieu d'en favoriser la rénovation et par là-même la rénovation de la citoyenneté, qui ne peuvent se concevoir sans un renforcement de la démocratie participative.

 Dans cet ordre d'idées, le referendum d'initiative populaire semble constituer un outil valable d'expression démocratique, à mi-chemin de la démocratie directe et de la délégation totale.

 Dans un discours prononcé en 1998 à Rennes, M. le Président de la République appelait de ses v?ux " un nouveau souffle " pour la démocratie locale et " la libération de nouvelles énergies démocratiques de notre pays ".

 Retrouver " la parole perdue ", tenter de la redonner à ceux qui oeuvrent dans l'ombre pour essayer de progresser, c'est là l'exercice de démocratie directe que nous avons décidé d'entreprendre, exercice a priori peu aisé dans notre société bloquée, inhibée, sur-représentée, donc habituée, résignée peut-être, à déléguer son message que, très souvent, elle ne retrouve plus ou qui, presque toujours, lui revient déformé.

 II - LA MÉTHODE

 M. le Premier Ministre a lui-même défini la règle du jeu dans son allocution d'ouverture de la réunion sur l'avenir de la Corse, le 13 décembre 1999 :

 " Aucun sujet, dès lors qu'il est perçu comme important pour la Corse, ne doit être écarté de la discussion ... ". " Je crois souhaitable qu'à ces discussions soient aussi associés ...les acteurs de la société civile ... ". " Il nous faut traiter les questions de fond et partir des problèmes concrets qui sont à résoudre. ". " Quant à la démarche de dialogue, elle doit être conduite d'abord entre les Corses... ".

 Votre lettre de saisine comporte des indications de méthode et délimite " les sujets qui constitueront les points centraux de la réflexion " :

 Aux côtés d'un " groupe de travail composé des élus de l'Assemblée de Corse et des membres du Conseil Exécutif ayant participé à la rencontre de Matignon ", le CESC  " a vocation à traduire (les) aspirations " de la " société civile, des acteurs économiques, sociaux et culturels qui participent au développement de l'île et constituent une force importante de réflexion et de proposition ".

 Cette consultation porte sur les points suivants :

  le rattrapage du retard structurel de la Corse en matière d'infrastructures publiques et d'équipements collectifs ;

  la répartition des compétences, la simplification de l'organisation des pouvoirs publics, centraux ou locaux, la rationalisation de la gestion publique insulaire ainsi que l'allègement des procédures ;

  la reconnaissance de la spécificité insulaire et les moyens d'en valoriser les éléments (peuple, langue, culture, patrimoine foncier, environnemental et historique) ;

  les moyens de concrétiser ces réformes (pouvoir d'adaptation législative, refonte du statut fiscal, nouveaux transferts de compétences et de ressources, loi de programmation des moyens et dotations...)

 Vous précisez, enfin, le calendrier des travaux.

 " L'Assemblée de Corse doit faire remonter ses propositions au Gouvernement au mois de mars prochain. Je vous propose donc que le CESC puisse lui transmettre ses propres orientations d'ici à la mi-février. "

 Nous avons opté pour une méthode de travail qui permette à la fois la consultation la plus large et la plus ciblée possible : des ateliers thématiques au rythme de deux séances de travail par jour, selon le calendrier suivant :

24/01/2000 : Culture - Jeunesse et sports.

26/01/2000 : Agriculture et pêche - Transports

27/01/2000 : Environnement - Éducation, formation, recherche

28/01/2000 : Entreprises et syndicats - Santé et social

31/01/2000 : Entreprises, patronat et tourisme - Fiscalité

01/02/2000 : Problèmes de société - Métiers d'art.

02/02/2000 : Corses de l'extérieur, experts et "candides " (toute la journée)

Chaque séance était  présidée par le président du C.E.S.C. ; les membres du Bureau ainsi que les Conseillers concernés ou intéressés y ont assisté.

 Conformément à " l'esprit " voulu par M. le Premier Ministre (et qui constitue la règle habituelle au sein du C.E.S.C.), aucun tabou, aucune limite ni censure n'ont entravé ces entretiens.

 Plus de 300 personnes -, responsables ou animateurs d'institutions, d'organismes et d'associations impliqués au quotidien dans tous les secteurs de la vie économique, sociale et culturelle insulaire, à quelques volontaires exceptions près (" candides ") - ont répondu à l'appel du Conseil, soit en participant physiquement aux réunions soit en fournissant des contributions écrites.

 Dans une île qui ne compte qu'un peu plus de 250.000 habitants, un tel échantillon serait déjà arithmétiquement représentatif de la totalité de la population. Il l'est d'autant plus qu'il ne s'agissait ni d'un sondage d'opinion effectué à partir d'une méthode prétendument scientifique, ni d'une enquête anonyme menée sur la base de questions prédéfinies et inévitablement orientées, ni, enfin, d'un " interrogatoire guidé " car le Conseil s'est interdit toute intervention autre que la simple demande de précisions ponctuelles.

 Ce fut, bien au contraire, une consultation véritablement ouverte et publique, dont nous avions manifestement perdu l'habitude et qui, avec non moins d'évidence, a mis en lumière nos facultés d'analyse, notre sens critique et notre volonté d'agir. Ce résultat nous paraît constituer à lui seul une réussite de l'expérience.

 La brièveté des délais qui nous étaient impartis, la richesse et le nombre des contributions fournies s'opposent à la production d'un document reproduisant ces dernières et que nous projetons d'élaborer et de publier dans un deuxième temps afin qu'il soit versé au débat qui s'amorce.

 Pour l'heure, vu l'urgence, nous vous faisons part des grands enseignements que nous avons tirés de ces auditions et documents. Le présent rapport s'efforce, sous une forme nécessairement synthétique, de refléter fidèlement et impartialement le contenu de ces participations orales et écrites. Seuls les avis isolés ou manifestement hors sujet - émanant quelquefois d'une seule personne - ne nous ont pas paru devoir être retenus à ce stade.

 III - LES ENSEIGNEMENTS

 Ces consultations font nettement ressortir six évidences, cinq indications fortes et de nombreuses propositions concrètes dans divers domaines.

III - 1. SIX ÉVIDENCES

 * La paix : une forte volonté de retour à la paix et à la tranquillité qui s'est traduite lors des débats par une absence d'agressivité remarquable.

 * L'action : un tout aussi fort désir d'agir, de produire de la richesse, de construire une Corse dynamique et prospère. Face à cet enjeu, nos interlocuteurs relativisent la question des moyens et méthodes nécessaires pour y  parvenir. Tous s'accordent à dire qu'il ne faut plus avoir peur des mots et des concepts : " avancées institutionnelles ", " autonomie ", etc.

 * La clarification : le sentiment que le système actuel est trop complexe, que c'est un " mille-feuille " responsable de trop de blocages dans une île sur-administrée, politiquement sur-représentée et que " tout cela ne fonctionne pas. "

 * L'indispensable sauvegarde de notre identité : la culture, la langue, la question corse en général, les notions de peuple, de communauté de destin, de diaspora, ainsi que les relations historiques et culturelles avec la France, la Méditerranée et l'Europe, occupent une place importante dans les préoccupations des personnes entendues.

 * La maîtrise de notre avenir : la certitude que " pour en sortir ", les Corses, élus et professionnels, associations et citoyens, doivent prendre toutes leurs responsabilités et que le développement doit être choisi par eux-mêmes, décidé par eux-mêmes, maîtrisé par eux-mêmes et  non pas imposé et dévoyé.

 * Le peuple corse : sans avoir été pour autant occultée, la question du peuple corse, et notamment de sa reconnaissance juridique, n'a pas constitué un élément central des discussions. S'agissant d'acteurs du " terrain ", les participants ont naturellement privilégié la recherche de solutions concrètes pour l'avenir dans une approche pragmatique, considérant que la réflexion théorique et symbolique relève d'une autre démarche politique et citoyenne.

 III - 2. CINQ INDICATIONS FORTES

 - La parole retrouvée :  satisfaction de pouvoir s'exprimer librement, libération par la parole, mais aussi  grande sérénité face à l'enjeu.

 - Évoluer : les Corses sont demandeurs de changement, de profondes réformes et veulent sortir d'un " statu-quo stérile. "

 - Un espoir est né : les acteurs de la société civile, conscients qu'une chance historique s'offre à la Corse de trouver enfin sa voie, recommandent aux responsables - à tous les responsables - d'en prendre l'exacte mesure afin que le processus engagé aille à son terme et ne génère pas, une fois encore - une fois de trop ? -, des désillusions.

 - Ne jamais oublier : ces mêmes citoyens demandent à leurs élus de ne jamais oublier les drames - tous les drames - qui ont endeuillé l'histoire de l'île et les raisons - toutes les raisons - qui les ont provoqués.

 - L'union pour faire la Corse :  pour la première fois lors d'un débat public, les différents intervenants, socioprofessionnels, associatifs et culturels, ont exprimé clairement leur convergence de vues sur le modèle de développement durable qu'ils souhaitent pour l'île et qui doit s'articuler autour de trois grands axes :

  Tourisme / Agriculture / Environnement : intégrés et indissociables.

  Langue / Culture / Patrimoine / Identité : terreau du développement et véritables éléments constitutifs de base du peuple et de l'âme corses.

  Statut fiscal : non pas dérogatoire mais spécifique.

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