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Le CESC de Corse  
 
Maxime Nordee   AVIS DU C. E. S. C. N° 2001/13

sur le plan énergétique de la Corse

Session du 19 juillet 2001

   
   

Le Conseil Économique, Social et Culturel de Corse,

réuni en séance plénière le 19 juillet 2001 à Ajaccio,

VU le Code Général des Collectivités Territoriales, notamment ses articles L. 4421-1 à L. 4426-1 ;

VU le décret n° 92-1268 du 7 décembre 1992 relatif à la composition et au fonctionnement du Conseil Économique, Social et Culturel de Corse, modifié par le décret n° 98-1094 du 4 décembre 1998 ;

VU la lettre des 29 juin 2001 par laquelle le Président du Conseil Exécutif de Corse demande l'avis du Conseil Economique, Social et Culturel de Corse sur le plan énergétique de la Corse ;

Sur rapport de M. Maxime NORDEE ;

APRES EN AVOIR DÉLIBÉRÉ,
PRONONCE L'AVIS SUIVANT

Après avoir entendu le rapport de sa Commission du Développement Économique, aux travaux de laquelle participait un technicien de l'ADEC, le CESC s'est d'abord interrogé sur le positionnement du plan énergétique : doit-il se situer en accompagnement ou en promoteur du développement ?

Le Conseil constate que le projet s'inscrit dans une démarche d'accompagnement du développement. Il aurait préféré qu'il affiche de façon plus dynamique l'ambition de jouer le rôle d'acteur, de promoteur du développement.

Le CESC relève plus particulièrement que les projections de consommation n'intègrent nullement des perspectives de développement autres que de consommation domestique ; on ne trouve pas non plus, dans le document, de traduction des retombées en termes de besoins énergétiques du PEI, par exemple.

De plus, le CESC demande que le plan énergétique fasse référence aux documents de planification (PDC et Schéma d'aménagement), s'inscrive en cohérence avec ceux-ci et vise à la maîtrise de l'énergie dans la clarté des coûts économiques et sociaux.

Le Conseil s'est ensuite interrogé sur la pertinence de séparer totalement la programmation jusqu'en 2012 de la réflexion à plus long terme.

Certes, le dossier est rendu complexe par la multiplicité des acteurs et des décideurs (CTC-EDF-DRIRE...) cependant, si la maîtrise du développement énergétique devrait relever à l'avenir de la compétence de la CTC, il apparaît nécessaire que cette dernière s'engage sur des choix qui ne puissent être remis en cause à mi-parcours par la volonté de partenaires dont les objectifs ne visent pas nécessairement à répondre en priorité aux besoins insulaires.

Sur ce plan, le Conseil ne cache pas ses craintes :

* quant à l'incidence de stratégies d'entreprises comme celle d'EDF qui semble se désengager dans les îles et les DOM mais s'investir dans l'international (Cf. schéma de services collectifs) ;
* quant à la pérennité de la péréquation tarifaire nationale ;
* quant à l'inadaptation aux réalités insulaires des réglementations européennes d'ouverture des marchés (et la Corse est bien spécifique sur ce plan avec un type de consommation inversé par rapport à celui du continent et avec sa faible démographie, face au niveau important des investissements nécessaires à la production énergétique...)

Eu égard aux considérations qui précèdent, le CESC approuve globalement les 2 premières options proposées :

1- " l'exploitation des centrales thermiques existantes jusqu'en 2012, en accordant une attention particulière aux questions de pollution atmosphérique,
2- la promotion des énergies renouvelables " (hydraulique, solaire, éolien...) .

Par contre, s'il reconnaît la nécessité de garantir la sécurité d'approvisionnement, ainsi que la priorité à accorder à la diminution des émissions de polluants atmosphériques des centrales existantes, le CESC se prononce contre l'interconnexion en courant alternatif avec la Sardaigne sans projet au delà de 2010 préalablement défini.

Malgré l'impossibilité de disposer d'une évaluation comparative des coûts entre l'installation de transformateurs sur la Carbo-Sarde et l'investissement du câble Corse/Sardaigne, il apparaît que l'interconnexion au réseau européen existe déjà par la Carbo-Sarde et que, en conséquence, la réalisation de la liaison Corse/Sardaigne, sans projet défini au delà de 2010, risque de déboucher rapidement sur la même problématique qui fut celle du câble ICO.

En effet, ce projet, s'il était réalisé, pourrait à terme rendre la Corse énergétiquement dépendante d'une logique différente des attentes de la Région, et transférer les emplois vers le nouveau lieu de production. La disparition de ce secteur de l'industrie placerait la Corse au rang des pays sous-développés car chaque fois qu'un pays perd du savoir-faire, il s'appauvrit.

Au-delà de cet aspect politique, le prétexte utilisé par la Direction d'EDF-GDF, qui tente de justifier cette interconnexion par la seule amélioration technique, est un leurre.

En réalité, EDF a programmé dans sa stratégie économique de se séparer de tous les moyens de production des îles (Corse et DOM) réputés moins rentables. Cette politique conduirait en Corse à la suppression de plus de 300 emplois à EDF et certainement plus du double dans le secteur privé. Le CESC considère que la Collectivité Territoriale ne peut s'associer à une telle stratégie et demande à l'Assemblée de Corse de la rejeter.

Il estime enfin que la coopération avec les autres îles de la Méditerranée doit s'organiser et s'envisager par l'échange d'une ressource primaire : la réalisation d'urgence d'un gazoduc Sardaigne/Corse qui offrirait deux opportunités :

* l'extension du réseau gaz au-delà des centres urbains que sont Ajaccio et Bastia (ce qui générerait des perspectives de travail sur de nombreuses années pour l'ensemble des corps de métiers en relation avec cette activité),
* l'utilisation du gaz comme combustible pour la production d'énergie (d'où une pollution quasiment réduite à zéro),

et conduirait ainsi à la préservation des emplois productifs sur l'île.

En conclusion, le Conseil Économique, Social et Culturel de Corse émet un avis très réservé sur l'ensemble du document qui lui est soumis et réclame, comme il le fait depuis de nombreuses années, l'organisation d'un grand débat public sur l'énergie, dans lequel interviendraient toutes les composantes de la société civile et qui déboucherait sur un plan énergétique conforme aux aspirations de la population de notre île.

MM. Bianchi, Joubert, Lalanne, Leca, Mme Sansonetti, M. Santoni ont voté contre le présent avis. Mme Battesti, MM. Casalonga, Cristiani se sont abstenus.