AVIS N° 99/04
relatif aux propositions pour un Plan de
Développement de l'Enseignement de la Langue et de la Culture Corses.
(Sur rapport présenté de M. Jean-Pierre LUCIANI)
Après le débat général du 17 juillet 1997 et la
délibération du 20 novembre de la même année, adoptant le rapport "Présence et
avenir de la langue corse", l'Assemblée de Corse est appelée à se prononcer sur un
projet de plan de développement de l'enseignement de la langue et de la culture corses.
Le Conseil Economique, Social et Culturel,
préalablement saisi de ce document conformément à la loi, tient à remercier la
Directrice de la Formation, de l'Enseignement et de la Recherche ainsi que la Chargée de
mission pour la langue corse pour les éclaircissements qu'elles ont fournis à sa
Commission de léducation, de la formation, de la jeunesse et des sports et lingua
corsa.
Il constate, de la part du Conseil Exécutif, une
indéniable volonté d'uvrer en faveur de la sauvegarde et de la promotion de la
langue corse mais regrette qu'une véritable organisation de son enseignement - qui
continue de reposer juridiquement sur la "circulaire Savary" dont il a déjà
dénoncé l'insuffisance des dispositions - ne soit toujours pas proposée et que seule
l'offre soit traitée.
La langue corse doit cependant être un facteur de
cohésion sociale et d'accession des non-corses à la culture de la société dans
laquelle ils ont décidé de vivre.
A cet égard, les propositions soumises au CESC ne
sont pas à la hauteur de l'analyse et conclusions du rapport.
Sous cette réserve, le document du Conseil
Exécutif apparaît, dans l'ensemble, pertinent mais appelle, cependant, quelques
observations fondamentales.
On peut lire, à la page 5 du rapport du Président
du Conseil Exécutif, : "de nombreux spécialistes n'hésitent pas à préconiser le
choix d'une langue régionale dans le cadre d'un enseignement bilingue précoce, quand
l'environnement s'y prête".
Le Professeur au Collège de France, Claude Hagège,
auquel il est fait référence, a également déclaré, dans un entretien accordé à la
revue "L'enseignant" (N° 90, avril 1997), à propos de la période la plus
favorable pour commencer l'apprentissage des langues à l'école, : "La réponse
me paraît claire, la période la plus favorable, c'est l'enfance. "
Un autre linguiste, Stéfan Moal, professeur de
breton à l'IUFM (institut universitaire de formation des maîtres) de Saint-Brieuc et
angliciste affirme "L'idéal est de parler une autre langue à un enfant, le plus
tôt possible, soit dès deux ans, car l'enfant acquiert une langue alors que l'adulte
l'apprend " (Le télégramme de Brest 9/04/97)
Or, le rapport propose : pour la maternelle, un
cursus bilingue dans chaque école ; pour l'école élémentaire, des sites bilingues par
secteur de collège ; pour le secondaire, des filières bilingues ; pour l'Université, 3
heures hebdomadaires généralisables.
S'il s'agit là d'une bonne démarche en vue de
l'ouverture à l'enseignement bilingue, elle laisse cependant planer le doute sur la
généralisation progressive de cet enseignement, dans lattente de la signature par
la France de la charte européenne des langues minoritaires.
Le Conseil rappelle qu'il a soutenu à maintes
reprises, notamment dans son rapport "Da a gramatica à a pratica", que le
socle de cette généralisation de l'enseignement bilingue était l'école maternelle et
qu'il convenait donc d'offrir, dès la mise en uvre du plan, les formations
nécessaires pour atteindre cet objectif en cinq ans.
Page 7 : "Le choix opéré en Corse était inspiré par le souci de
ne pas créer des régimes scolaires particuliers, en veillant au contraire à un
traitement indifférencié des élèves au sein de l'école publique : un principe
similaire a d'ailleurs été énoncé par le rapport Poignant." Mais, on propose des
cursus bilingues où l'option spécialisation remplacera la généralisation !
Page 13 : "Le Président du Conseil Exécutif de Corse a
négocié en novembre 1997 la délégation à l'Académie de 6 postes d'enseignants du
second degré." Dans son rapport du 23 novembre 1998, relatif à l'actualisation du
Plan de développement de la Corse, le CESC préconise la mise en place dune brigade
de 15 maîtres par département pour permettre la formation progressive des maîtres
bilingues.
Les sites bilingues. Outre qu'ils concernent seulement 500
élèves sur un effectif total de plus de 25.000, ils n'offrent aucune garantie de
continuité (maîtres corsophones dans la filière ?). Le CESC a demandé que soit
assurée la continuité de lenseignement bilingue dans le 2ème
cycle, puis dans le 3ème, pour les élèves ayant débuté un enseignement
bilingue en maternelle (sauf dérogation sur demande écrite des parents. Des mesures
valorisantes sont à prévoir pour les maîtres qui ont choisi le bilinguisme.
Les sections méditerranéennes. Le CESC avait proposé
qu'elles soient plus justement dénommées "classes euro-méditerranéennes". Il
semble avoir été entendu en partie puisqu'elles deviennent "sections romanes".
Mais n'y a-t-il pas un risque de les confondre avec les "parcours langues
romanes" ? D'autre part, qu'advient-il de la culture sud- méditerranéenne ?
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