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Une loi programme pour l'Université |
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De gauche à droite : MM. Alex Bassani, Michel Rombaldi, Universitaire - Membre du CESC, |
Jacques-Henri Balbi, Président de l'Univesité de Corse, Patrick Ottomani, Universitaire. |
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"Une loi programme pour l'Université" |
Colloque organisé par l'Université de Corse et le CESC de Corse à l'occasion |
du 20ème anniversaire de l'Université - Corti, 30 janvier 2001. |
Intervenants pour le CESC : |
M. Raymond Ceccaldi, Président, (Ouverture des travaux) |
M. Alex (Lisandru) Bassani, 1er Vice-président, (Culture) |
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Intervention de M. Alex BASSANI (Culture) |
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Mesdames, Messieurs, Eccessioni ùn faci leggi, je ne suis pas invité aujourd'hui à parler de la langue et de la culture corses, mais de programmation, d'investissements, de bâtiments, de structures. Il s'agit-là, en effet, bien plus d'économie. C'est-à-dire de... culture. Car, à mon sens, les deux concepts sont inséparables et, comme l'affirmait déjà le CESC dans un avis du 21 mars 1995, " la culture ne doit plus être considérée comme une fin de projet mais prise en compte comme un élément du développement économique et social au même titre que les autres activités. " Peut-on dire où s'arrête l'économie et où commence la culture ? Se souvient-on que Ben Bella soutenait, il y a 20 ans, que " toute production économique est une production culturelle. " ? *** La culture, fer de lance de la quête identitaire au cours des trente dernières années, longtemps considérée comme séditieuse, parfois interdite d'expression, est-elle réellement aujourd'hui reconnue et acceptée ? C'est par cette interrogation que débute le préambule de la résolution adoptée à l'unanimité le 6 novembre 2000 par la section de la culture, de l'éducation et du cadre de vie du Conseil Economique, Social et Culturel de Corse. Débat plus que jamais d'actualité si l'on se réfère à la première version des "accords de Matignon". En effet, malgré sa vitalité dans et
hors de l'île, qui se manifeste quotidiennement à travers les groupes musicaux, les
compagnies de théâtre et de danse, les productions littéraires, artisanales,
audiovisuelles, les arts plastiques etc., ce secteur souffre encore d'une faiblesse
majeure que les entretiens de Matignon ont fait apparaître en... l'ignorant, faute de
structure constituée représentative. La résolution demande, notamment, que, comme dans d'autres pays européens, soit instaurée en faveur des activités culturelles - et en particulier des industries que constituent l'édition, la musique, le cinéma, l'audiovisuel etc. - une fiscalité spécifique et que la future loi de programmation consacre la priorité de l'aménagement culturel du territoire insulaire (réseau de lieux), afin qu'il atteigne dans les délais les plus rapides le niveau moyen français. Car, en matière de structures culturelles, et bien plus que dans d'autres domaines, l'île souffre d'une insuffisance vainement dénoncée depuis des lustres par tous ceux qui font vivre ce secteur et, soyons réalistes, qui tentent désespérément d'en vivre (une enquête effectuée en 1995 par le CESC auprès des villes françaises de 3000 à 5000 habitants fait apparaître, en Corse, une situation que l'on peut qualifier de catastrophique). " La Corse dispose d'un fort potentiel culturel qui ne s'exprime pas suffisamment faute d'avoir les outils, en nombre et en qualité, pour s 'épanouir. Au-delà des handicaps structurels tenant à la géographie et à la démographie, l'île doit être en mesure rapidement de réaliser l'adéquation entre ses atouts en matière culturelle et les moyens de les exprimer. " Ce constat est extrait du schéma des services collectifs culturels élaboré par L'Etat, document qui fait état d'un sous équipement structurel général présentant toutefois une disparité sensible entre le Cismonti (mieux équipée) et le Pumonti et note que " si les choses vont en s'améliorant, la Corse n'est pas encore parvenue à se doter d'équipements de qualité ". Qu'en est-il un peu plus précisément ? Le spectacle vivant souffre d'une absence d équipements intégrés dans les réseaux nationaux : scène nationale, centre dramatique, centre chorégraphique, et de structures professionnelles de promotion. Le théâtre constitue assurément le secteur du spectacle vivant le plus fragile et les compagnies insulaires qui tentent de maintenir une vie théâtrale de qualité sont en situation très précaire. La danse rencontre les mêmes difficultés que le théâtre. La musique, qui est le domaine le plus dynamique de la vie culturelle insulaire, est loin de bénéficier des retombées économiques générées par son activité. Les festivals essaient de compenser la faiblesse du nombre des lieux de diffusion. Par ailleurs, le surcoût lié à l'insularité pour permettre la diffusion de l'ensemble des productions culturelles hors de l'île entraîne, pour les créateurs, des difficultés à rencontrer un public plus large et surtout à être "achetés" et programmés. Pour les arts plastiques, la faiblesse du réseau de diffusion entraîne une méconnaissance des uvres, souvent originales, des artistes insulaires dont les créations méritent très souvent une meilleure réputation. Dans le secteur des musées, la
carence réside plus dans l'absence de sensibilisation du public que dans les richesses
des fonds. En outre, là encore, la lenteur des procédures s'oppose à un fonctionnement
normal de ces équipements comme au musée de Corti actuellement. La nécessité de rénover le parc des salles en Corse et d'en implanter de nouvelles n'est plus à démontrer car, pour l'instant, le paysage cinématographique insulaire présente des aspects peu rassurants avec un point " culminant " in Corti, seule ville universitaire de France et probablement d'Europe à ne pas disposer d'une salle de projection (È ancu, s'ellu mancava chè u Sinemà ). Enfin, puisque le livre et la lecture sont des secteurs que j'apprécie tout particulièrement et que je représente au sein du CESC, permettez-moi d'être très bref et très précis : tout est à revoir dans l'attente d'un Centre régional des lettres. En matière de structures, de lieux, la Corse, bien qu'étant sans doute la région la plus mal dotée, dispose néanmoins de quelques réalisations. Mais elles sont dues non pas à une politique culturelle cohérente ni à un plan concerté d'aménagement du territoire, elles relèvent de la passion. La passion de quelques militants infatigables de la cause culturelle qui, à force de volonté et de persuasion, ont obtenu la création de ces très rares structures que tout un chacun connaît. Ils ont même réussi une répartition territoriale à peu près harmonieuse des établissements. Qu'ils en soient remerciés. Mais devrons-nous continuer à attendre que des hommes et des femmes providentiels apparaissent et se dévouent, notamment pour permettre aux populations des zones défavorisées d'accéder à la culture ? Ou bien convient-il d'élaborer, tous ensemble, en faveur de toute la population, une politique publique de la culture ? J'entends les réactions : qui doit décider, qui doit coordonner et mettre en uvre et, surtout, qual'hè chì pagarà ? QUI DOIT DECIDER ? La Collectivité Territoriale, bien évidemment, après une nécessaire concertation avec ses différents partenaires. * dans le cadre de ses nouvelles compétences qui doivent recouvrir la totalité du secteur culturel conformément à la demande de l'Assemblée de Corse contenue dans l' avis du 8 décembre 2000 sur l'avant projet de loi modifiant et complétant le statut de la Collectivité Territoriale de Corse ; * dans son rôle - consacré par le projet - de "chef de file " maître d'ouvrage dans le domaine de la culture et dans la mesure où elle s'en donnera les moyens politiques. En effet, l'absence de capacité financière des communes et le manque d'implication des Conseils Généraux, la réticence de la CTC à s'y substituer sont les principales causes de la sous consommation de sommes importantes, bien que les projets aient été identifiés et les crédits contractualisés ; * à travers le Plan d'aménagement et de développement durable appelé à se substituer aux documents de planification actuels dont l'inefficience n'est pas la moindre des caractéristiques. QUI DOIT COORDONNER ET METTRE EN UVRE ? Dans la résolution que j'ai déjà citée, le CESC propose la création, en complément de l'organe consultatif et d'assistance actuel, d'un outil politico-technique et financier, fédérateur, opérationnel et susceptible de répondre aux aspirations du monde culturel insulaire qui demeurent insatisfaites depuis tant d'années. Un outil politique par sa composition, son organisation, qui pourront s'inspirer de celles des agences et offices territoriaux actuels, et son fonctionnement, placé sous l'autorité d'un Conseiller Exécutif spécialement délégué. Un outil technique et fédérateur par : - ses compétences et prérogatives qui engloberont et unifieront celles éclatées aujourd'hui entre divers intervenants : Etat (DRAC), Départements (Services culturels), Collectivité Territoriale (Direction opérationnelle) et coordonneront les actions des différents outils existants (Musée, Cinémathèque, Outil culturel, FRAC...; - sa mission de mise en synergie, pour le compte de la Collectivité, de l'ensemble des autres initiatives publiques. Un outil opérationnel qui sera chargé, comme dans le domaine agricole par exemple, de mettre en uvre la participation active des " acteurs du terrain " à la définition de la politique culturelle de la Collectivité, contribuant ainsi à une meilleure démocratie. Un outil susceptible de porter au plus haut niveau les revendications des acteurs culturels, qui n'ont jamais pu, en l'absence de " porte-parole " officiellement reconnu pour les représenter, s'exprimer d'une voix autorisée. Un organisme représentatif de l'éventail des activités culturelles et soutenu par une administration adaptée, soucieuse et capable de dynamiser leur espace et non seulement, comme cela est trop souvent vécu aujourd'hui, d'appliquer restrictive ment des règlements de plus en plus lourds, tatillons, contraignants et obsolètes. Un organisme que les acteurs culturels insulaires réclament en espérant sincèrement qu'il contribuera à construire un avenir de paix - qu'ils souhaitent dans ce secteur comme dans tous les autres - et un développement harmonieux fondé sur l'identité d'un peuple désireux de s'ouvrir de plus en plus à l'Europe et au monde. È QUAL'HÈ CHI PAGARÀ ? Un outil financier doté des moyens budgétaires provenant notamment du programme exceptionnel d'investissements mis en place précisément pour résorber les retards structurels enfin reconnus par les pouvoirs publics. Sur ce point, je vais laisser la parole à Toni
CASALONGA qui intervenait lors d'un séminaire sur la politique culturelle
organisé par le CESC le 12 mai 2000 à Ajaccio : On aura compris que je suis l'un de ces partisans et j'estime que, comme la santé, comme les transports, la culture est d'intérêt public. *** Mon propos de ce jour n'était évidemment pas de dresser un plan d'aménagement culturel susceptible de déboucher sur un maillage complet de l'île. Outre que j'en suis incapable, cet exercice doit faire appel à tous les acteurs du terrain, à ceux qui vivent et créent dans les villages comme en zone urbaine, à tous les partenaires institutionnels et associatifs et aux utilisateurs locaux et autres car les équipements prévus doivent être en adéquation avec la demande locale et non seulement fonction de la demande estivale et touristique. Procéder différemment pourrait entraîner des difficultés de gestion sur le plan du contenu, des financements et des critères. Dès le mois de septembre 1993, le CESC, qui n'avait alors que quelques mois d'existence, affirmait qu'en raison de l'état de non équipement culturel de la Corse, il est indispensable que la Collectivité Territoriale se voie confier dans ce domaine la même responsabilité que celle que lui impartit la loi pour les établissements scolaires. Il a été en partie entendu...sept ans plus tard. Il précisait aussi que l'axe majeur de tout document de planification ne peut être que l'aménagement du territoire conçu comme la reconquête de l'espace économique, social et culturel de l'île afin d'accéder à une prospérité harmonieuse et raisonnée pour tous. Il espère être entendu... Je vous remercie. |