ASSEMBLEE DE CORSE
DELIBERATION N° 2000/31 AC
DE L'ASSEMBLEE DE CORSE RELATIVE AUX PRINCIPES, OBJECTIFS ET CALENDRIER DU PROCESSUS DE
REFORME ENGAGE PAR LE GOUVERNEMENT AVEC LES ELUS DE LA CORSE
SEANCE DU 10 MARS 2000
L'An deux mille, et le dix mars, l'Assemblée de
Corse, régulièrement convoquée s'est réunie au nombre prescrit par la loi, dans le
lieu habituel de ses séances, sous la présidence de M. José ROSSI, Président de
l'Assemblée de Corse.
ETAIENT PRESENTS : Mmes et MM.
ALESSANDRINI Alexandre, ALFONSI Nicolas, ANTONA
Joseph, BONACCORSI Jean-Claude, BOSCHI-ANDREANI Marie-Jeanne, BUCCHINI Dominique, CASTA
Pierre-Jean, CECCALDI Pierre-Philippe, CHAUBON Pierre, CHIARELLI Joseph, CICCADA Vincent,
COLONNA Jean-Charles, CROCE Laurent, FELICIAGGI Robert, FERRANDI Jules-Laurent, FILIPPI
César, GERONIMI Jean-Valère, GIACOBBI Paul, GRISONI Marie-Thérèse, GUERRINI Simone,
JALPI Jean, LANFRANCHI Mireille, LANTIERI Jean-Baptiste, LUCIANI Paul-Antoine, LUCIANI
Toussaint, MARCHIONI François-Xavier, MATTEI-FAZI Joselyne, MOTRONI Jean, MOZZICONACCI
Madeleine, MURACCIOLI Martin, PATRIARCHE Paul, PIERI Pierre-Timothée, PIETRI Don Pierre,
QUASTANA Paul, RENUCCI Simon, de ROCCA SERRA Camille, ROMITI Gérard, ROSSI José, RUAULT
Paul, SANTINI Ange, SIMEONI Marcel, SINDALI Antoine, STEFANI Michel, TALAMONI Jean-Guy,
TIBERI François, TOMA Jean-Toussaint, VINCIGUERRA Marie-Jean, ZUCCARELLI Émile.
ETAIENTS ABSENTS ET AVAIENT DONNE POUVOIR
:
M. ALBERTINI Jean-Louis à M. PIETRI Don Pierre M.
GANDOLFI-SCHEIT Sauveur à M. FELICIAGGI Robert M. MOSCONI François à M. CECCALDI
Pierre-Philippe
L'ASSEMBLEE DE CORSE
VU la loi n° 82/213 du 2 mars 1982 relative aux
droits et libertés des communes, des départements et des régions,
VU la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant
droits et obligations des fonctionnaires,
VU la loi n° 83/663 du 22 juillet 1983 complétant
la loi n° 83/8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les
communes, les départements, les régions et l'État,
VU la loi n° 86/16 du 6 janvier 1986 relative à
l'organisation des régions et portant modification des dispositions relatives au
fonctionnement des conseils généraux,
VU la loi n° 86/972 du 19 août 1986 portant
dispositions diverses relatives aux collectivités locales,
VU le Code Général des Collectivités
Territoriales,
VU le règlement intérieur de l'Assemblée de
Corse, visé en son article 53,
VU l'avis du Conseil Économique, Social et Culturel
n° 00/006 en date du 8 mars 2000,
VU la motion déposée par M. Paul GIACOBBI,
APRES EN AVOIR DELIBERE
ARTICLE PREMIER :
ADOPTE la motion, dont la teneur
suit :
" L'ASSEMBLEE DE CORSE,
CONSIDERE que le fondement de la
personnalité corse et de sa reconnaissance a été affirmé par sa délibération du 13
octobre 1988 dans laquelle elle définit le peuple corse comme "une communauté
historique et culturelle vivante regroupant les Corses d'origine et les Corses d'adoption
(...) ".
Le peuple corse s'inscrit dans la dimension
humaniste, moderne et évolutive d'une communauté de destin, fondée sur la libre
adhésion individuelle à une conscience collective et spécifique.
Cette affirmation est le socle du pacte social qui
doit intégrer sans distinction ni exclusion les hommes et les femmes qui veulent
construire ensemble l'avenir de la Corse. Elle contribuera à la construction de la paix
à laquelle aspire la société corse.
Dans cet esprit, l'Assemblée de Corse propose au
gouvernement que le processus engagé, soit organisé selon les principes, les objectifs
et le calendrier suivants.
1. LES PRINCIPES
* La démocratie
Les grandes orientations du projet de statut de la
Corse devront faire l'objet d'une consultation référendaire dans l'île.
La création d'une nouvelle collectivité sera
immédiatement suivie de l'élection de ses représentants.
* Les garanties sociales
L'indispensable évolution garantira aux résidents
de l'île les mêmes droits qu'à l'ensemble des citoyens dans les domaines du droit au
travail, de la sécurité sociale, de la santé, de l'éducation.
* Le service public
La Corse, du fait de son insularité et de la
faiblesse de sa démographie, a besoin d'un service public fort, efficace et présent sur
l'ensemble du territoire.
* La remise à niveau
Le retard de la Corse en matière d'équipements
structurants exige le vote d'une loi-programme de remise à niveau, concernant notamment
les secteurs suivants : réseaux routier et ferroviaire, traitement des déchets
ménagers, eau et assainissement, équipements de santé et de sécurité civile, centres
culturels et sportifs, énergies nouvelles, ouvrages hydrauliques, nouvelles technologies
de l'information et de la communication, centres de recherche.
Avec la Collectivité de Corse, l'État s'engagera
également à mobiliser tous les moyens utiles pour créer une véritable place bancaire
dans l'île.
* Bilan et évaluation
L'ampleur du dispositif envisagé conduira à
effectuer dans un délai de dix ans l'évaluation des effets des nouvelles institutions et
des politiques menées.
2. LES OBJECTIFS
* Renforcer la place de la Corse en Europe
Le Traité d'Amsterdam a introduit la notion de
spécificité insulaire au sein de ses articles 154 et 158 complétée par la déclaration
n°30 relative "aux régions insulaires ". Ceux-ci fournissent le cadre
indispensable permettant une adaptation de la législation communautaire et de toute
politique fondamentale pour notre île.
Le Gouvernement, en concertation avec les élus
insulaires, doit prendre dans le cadre de la présidence française de l'Union
Européenne, à compter du premier juillet prochain, les initiatives appropriées pour
donner un contenu concret à cette reconnaissance.
D'une manière plus générale, un dispositif de
consultation de l'Assemblée de Corse pour l'élaboration des actes communautaires pris en
application des textes européens devra être mis en place dans le cadre du nouveau
statut.
Les relations transfrontalières et
interrégionales, notamment dans l'arc méditerranéen, souhaitées par l'Union
Européenne seront encouragées.
Comme le réclament de nombreuses régions et en
accord avec la philosophie européenne qui fait de la subsidiarité le mode de
répartition des compétences, les participations financières de l'Union dans le cadre du
Document Unique de Programmation (DOCUP) et des Programmes d'initiative communautaire
(PIC) seront attribuées directement à la Collectivité de Corse sans transiter par le
budget de l'État.
* L'épanouissement de notre identité
L'objectif consiste à promouvoir concrètement la
langue et la culture corses. Cette politique est globale car elle doit également guider
l'action économique tant il est vrai que notre identité représente un réel avantage
comparatif dans la compétition mondiale. Cette position s'inspire fortement de la
philosophie de la Charte des langues régionales et minoritaires du Conseil de l'Europe
signée par la France, à Budapest, le 7 mai 1999.
A ce titre, l'Assemblée de Corse se prononce pour
un enseignement obligatoire de la langue et de la culture corses à l'école maternelle et
dans le primaire. Cet enseignement doit être généralisé et ouvert à tous dans le
secondaire et le supérieur. Par ailleurs, il convient aussi de valoriser l'expression
identitaire dans tous les domaines de la vie sociale : médias, économie, accueil du
public, etc.
* Une décentralisation très large
La Corse sera dotée de plus larges compétences sur
le fondement du principe de subsidiarité par lequel ce qui n'est pas explicitement de la
compétence de l'État ou de l'Europe est de compétence territoriale.
La réalisation de cet objectif exige une démarche
associant une volonté politique forte, du temps ainsi que d'importantes transformations.
D'où la nécessité de fixer le cadre du nouveau statut de l'île donnant lieu aux
transferts de blocs cohérents de compétences assortis de pouvoirs législatifs et
réglementaires.
Ces nouveaux pouvoirs pourraient s'organiser à
partir du dispositif suivant :
* Une compétence législative et réglementaire de
plein droit dans les domaines transférés du patrimoine et de l'environnement, de la
culture et de la langue, de l'aménagement du territoire et du développement. Cette
procédure pourra progressivement être élargie dans les autres blocs de compétence sur
la demande de l'Assemblée de Corse ;
* Un pouvoir général de propositions en matière
législative sur les compétences non transférées pour lequel le gouvernement
s'engagerait à présenter la proposition de l'Assemblée de Corse au Parlement pour
examen dans un délai déterminé ;
* La Corse doit avoir la libre disposition des
moyens financiers qui lui sont affectés. Ceux-ci concernent, en sus des ressources
financières afférentes aux compétences transférées, la globalisation des enveloppes
de la continuité territoriale et des dérogations fiscales, la renégociation du contrat
de plan excluant tout financement croisé ; ainsi que les recettes nouvelles actuellement
perçues par l'État, notamment le produit de la T.I.P.P., les droits sur les alcools et
les tabacs, l'impôt sur les sociétés etc. Quant aux diverses dotations de
décentralisation, celles-ci doivent être calculées sur des critères appropriés aux
réalités insulaires.
Le renforcement des contrôles est la légitime
contrepartie d'un pouvoir local renforcé. Ce contrôle contribuera à être assuré par
les juridictions générales ou spécialisées de l'État.
Afin d'éviter toute polémique, par souci de
transparence et d'information due au public, une évaluation contradictoire et précise
des flux de recettes et de dépenses de l'État en Corse sera dressée annuellement.
Un organisme spécifique et indépendant, disposant
de toute l'information utile, sera crée afin de procéder à l'évaluation des politiques
menées dans l'île d'une part, de contrôler l'utilisation des fonds publics d'autre
part.
Par ailleurs, le Conseil Économique, Social et
Culturel devra recevoir des prérogatives supplémentaires afin d'assurer la participation
des forces vives de la Corse au processus décisionnel.
* La simplification administrative
Elle doit concerner à la fois les services de
l'État et les différents échelons de collectivités territoriales. Son objectif vise
naturellement à améliorer l'efficacité des actions publiques et à rapprocher les
décisions des citoyens. Il convient donc de clarifier la répartition générale des
compétences à partir du principe de subsidiarité.
La simplification de la carte administrative est une
priorité.
Elle doit être mise en chantier avec comme
principes directeurs : la coopération des communes dans le cadre des agglomérations et
des pieve, la coordination des politiques locales d'équipement, de développement et de
valorisation des services de l'État, le regroupement des départements et de la
Collectivité Territoriale de Corse dans une seule et même collectivité.
Cette simplification de la carte politique et
administrative doit se traduire par un meilleur service de proximité pour les usagers et
garantir tous les droits des fonctionnaires concernés. Elle respectera l'équilibre
territorial des administrations ainsi que celui des équipements collectifs de santé, de
sécurité civile, sportifs et culturels.
3. LE CALENDRIER
* La deuxième réunion de Matignon (fin mars)
La présente délibération servira de base aux
discussions entre le gouvernement et les élus de la Corse. Au terme de ces discussions,
un document formalisera l'accord des deux parties.
* La consultation par voie référendaire sur
l'accord passé
La démarche politique fondamentale ainsi engagée
nécessite une validation par le suffrage populaire en Corse. Un projet de loi autorisera
dans les meilleurs délais le gouvernement à procéder à cette consultation.
* La mise en uvre de cette évolution
Comme l'a suggéré le Premier ministre, elle
s'effectuera dans le cadre de groupes de travail copilotés par l'État et par les élus
de la Corse.
Il conviendra de définir les niveaux juridiques,
législatifs ou constitutionnels, ainsi que les étapes de l'action engagée.
ARTICLE 2 :
Cette motion a fait l'objet d'un vote à scrutin
public dont les résultats sont les suivants :
22 VOIX POUR : Mmes et MM.
Pierre-Philippe CECCALDI, Vincent CICCADA, Laurent CROCE, Robert
FELICIAGGI, Jules-Laurent FERRANDI, César FILIPPI, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Jean-Valère
GERONIMI, Paul GIACOBBI, Mireille LANFRANCHI, Jean-Baptiste LANTIERI, Toussaint LUCIANI,
Joselyne MATTEI-FAZI, François MOSCONI, Paul QUASTANA, Gérard ROMITI, José ROSSI,
Marcel SIMEONI, Jean-Guy TALAMONI, François TIBERI, Jean-Toussaint TOMA, Marie-Jean
VINCIGUERRA.
2 ABSTENTIONS :
Mme Marie-Jeanne BOSCHI-ANDREANI, M. Jean-Charles COLONNA.
27 NON PARTICIPATIONS AU VOTE :
Mmes et MM.
Jean-Louis ALBERTINI, Alexandre ALESSANDRINI, Nicolas ALFONSI,
Joseph ANTONA, Jean-Claude BONACCORSI, Dominique BUCCHINI, Jean CASTA, Pierre CHAUBON,
Joseph CHIARELLI, Marie-Thérèse GRISONI, Simone GUERRINI, Jean JALPI, Paul-Antoine
LUCIANI, François-Xavier MARCHIONI, Jean MOTRONI, Madeleine MOZZICONACCI, Martin
MURACCIOLI, Paul PATRIARCHE, Pierre-Timothée PIERI, Don Pierre PIETRI, Simon RENUCCI,
Camille de ROCCA SERRA, Paul RUAULT, Ange SANTINI, Antoine SINDALI, Michel STEFANI, Émile
ZUCCARELLI
ARTICLE 3 :
La présente délibération qui pourra être
diffusée partout où besoin sera, fera l'objet d'une publication au recueil des actes
administratifs de la Collectivité Territoriale de Corse.
AJACCIO, le 10 mars 2000
Le Président de
l'Assemblée de Corse,
José ROSSI |