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Le Gouvernement a engagé avec
les représentants élus de la Corse, parlementaires, élus de la collectivité
territoriale et présidents des conseils généraux, une réflexion sur l'avenir de l'île
dont l'objectif est de mettre fin aux situations de crise qui ont eu, ces vingt-cinq
dernières années notamment, des conséquences graves sur le développement de la Corse,
les équilibres sociaux de l'île et ses rapports avec l'Etat.
L'enjeu est important : il s'agit de mettre un terme à la violence et d'assurer la paix
civile, d'enraciner durablement la Corse dans la République en l'accompagnant sur la voie
d'un développement maîtrisé, respectueux de sa spécificité et de son identité tout
en assurant la vitalité des principes républicains en Corse.
Le Gouvernement s'est saisi d'un problème spécifique, de nature politique, qui distingue
la Corse des régions du continent où les situations, les attentes et les aspirations
sont différentes.
La démarche est transparente : elle est fondée sur un dialogue mené dans la clarté
avec les élus du suffrage universel et consacre la primauté du débat politique
démocratique.
Les discussions qui ont eu lieu depuis le 13 décembre 1999, ont permis d'effectuer un
examen de l'ensemble des problèmes de l'île qu'il s'agisse des aspects institutionnels
ou des questions économiques, culturelles et d'équipement.
Le Gouvernement a présenté le 20 juillet 2000, un relevé de conclusions qui a été
approuvé par l'assemblée de Corse à une très large majorité de ses membres le 28 du
même mois.
Certaines des mesures prévues dans le document (création d'une collectivité unique,
délégation par le législateur d'un pouvoir d'adaptation des lois au-delà de la phase
d'expérimentation) n'ont été envisagées que pour une deuxième étape à l'expiration
du mandat de l'assemblée de Corse en 2004 et exigeraient une révision préalable de la
Constitution. Celle-ci supposerait l'accord des pouvoirs publics alors en fonction et
nécessiterait en tout état de cause le rétablissement durable de la paix civile.
Afin d'assurer la mise en oeuvre de celles des propositions qui appellent des mesures
législatives pendant la présente législature, le gouvernement s'est engagé à
élaborer un projet de loi dans un délai compatible avec son adoption en 2001.
Tel est l'objet du présent projet de loi dont les principales dispositions portent sur
les points suivants : -
L'exercice, par la collectivité territoriale de Corse, de nouvelles compétences avec le
souci de clarifier les responsabilités dans la gestion des affaires de l'île, l'Etat
conservant dans tous les cas la capacité de mettre en oeuvre les politiques nationales et
d'exercer les missions de contrôle.
- Un dispositif permettant
l'adaptation par délibération de la collectivité territoriale de Corse dans les
domaines de ses compétences de textes réglementaires et de certaines dispositions
législatives aux spécificités de la Corse.
Cette adaptation des
dispositions législatives aura un caractère d'expérimentation et sera réalisée sous
le contrôle du Parlement dans les conditions prévues par la décision du Conseil
Constitutionnel n° 93-322 du 28 juillet 1993.
- Un statut fiscal appelé à
succéder à la zone franche à compter du 1er janvier 2002, orienté vers le
développement économique par une incitation à l'investissement et, par ailleurs, le
maintien du dispositif existant en matière de fiscalité indirecte.
- Une réforme de la
fiscalité des successions, l'exonération totale puis partielle des droits de succession
accompagnant l'obligation de déclaration de succession et la reconstitution des titres de
propriété. A l'issue de deux périodes transitoires de 15 ans au total, le régime
fiscal alors applicable fera l'objet d'une concertation entre la collectivité et l'Etat.
- L'enseignement de la langue
corse à tous les élèves des écoles maternelles et élémentaires, sauf volonté
contraire des parents.
- Et la réalisation d'un
programme exceptionnel d'équipements publics visant à combler les retards dont la Corse
souffre encore dans plusieurs secteurs.
Des discussions ont aussi
été engagées avec la Commission Européenne pour une reconnaissance de la spécificité
insulaire de la Corse dans l'Union Européenne.
Le maintien des deux départements à côté d'une collectivité territoriale aux
compétences renforcées paraît justifier que cette dernière mette en place avec les
deux conseils généraux un dispositif de coordination de leur politique dans le respect
des compétences de chacun. Au delà de l'application stricte des textes, la volonté
collective qui s'exprimera ainsi constituera une garantie de réussite de la démarche
engagée.
TITRE I : DE L'ORGANISATION ET DES COMPETENCES DE LA COLLECTIVITE TERRITORIALE DE
CORSE
Chapitre I : Du régime juridique
des actes de l'Assemblée de Corse
Article 1er
Le paragraphe 1er de cet article 1er
procède à une nouvelle numérotation de certaines dispositions du code général des
collectivités territoriales.
Le paragraphe II renforce les compétences de l'Assemblée de Corse. Il crée une
sous-section intitulée " Compétences " et comporte trois articles.
L'article L. 4422-15 reprend l'énoncé des compétences générales qui sont actuellement
dévolues à l'Assemblée par l'article L. 4424-1.
L'article L. 4422-16 complète les attributions actuelles de l'Assemblée de Corse
relatives à l'élaboration des textes législatifs et réglementaires spécifiques à la
Corse.
Dans son paragraphe I, cet article reprend sans les modifier les dispositions de l'actuel
L. 4424-2 qui permet à l'Assemblée de Corse de proposer des adaptations ou des
modifications législatives ou réglementaires.
Dans le paragraphe II, il est proposé de confier à l'Assemblée le soin de prendre, sur
proposition du conseil exécutif, les mesures d'adaptation, nécessitées par la situation
de la Corse, de règlements pris pour l'application des lois dans les matières dans
lesquelles la collectivité territoriale exerce des compétences en vertu de la partie
législative du code général des collectivités territoriales, sauf lorsque sont en
cause les conditions essentielles d'application de lois organisant l'exercice d'une
liberté publique. La modification ultérieure de la réglementation nationale dans ces
domaines entraînerait la caducité des délibérations d'adaptation prises par
l'Assemblée de Corse.
Il est institué, dans le paragraphe III, une procédure permettant à l'Assemblée de
prendre, à titre d'expérimentation, dans les domaines de compétences de la
collectivité territoriale, des mesures d'adaptation dérogeant au droit commun des
dispositions législatives applicables.
Ce pouvoir d'adaptation de textes législatifs sera encadré selon les critères définis
par la décision du Conseil constitutionnel du 28 juillet 1993 : il appartiendra au
législateur de fixer les modalités de leur mise en oeuvre et de leur évaluation.
L'application des mesures dérogatoires adoptées par délibération de l'Assemblée de
Corse fera l'objet d'un rapport annuel du Gouvernement au Parlement, afin de l'informer de
l'état de réalisation des objectifs poursuivis par l'Assemblée de Corse.
Le paragraphe IV reprend les dispositions en vigueur concernant la consultation de
l'Assemblée de Corse sur les projets de loi ou de décret spécifiques à la Corse.
Le paragraphe V définit la procédure de transmission des avis et demandes d'adaptation
législative et réglementaire. Il prévoit la possibilité d'une communication du
représentant de l'Etat devant l'Assemblée de Corse sur les suites envisagées par le
Gouvernement à ces avis ou demandes.
En application de ces différentes
dispositions, la procédure proposée se déroule comme suit :
L'Assemblée de Corse, constatant les difficultés d'application de certaines dispositions
législatives en projet ou en vigueur, en raison de leur inadaptation à la spécificité
de la Corse, délibère, sur proposition du conseil exécutif, pour demander au
législateur de l'autoriser à expérimenter des mesures dérogatoires entrant dans le
champ des compétences de la collectivité territoriale .
Les demandes motivées d'adaptation législative sont, comme les avis, transmis au Premier
ministre et au préfet de Corse, par le président du conseil exécutif. Il appartient
alors au Gouvernement de déterminer la suite qu'il entend réserver à cette démarche.
Le préfet de Corse pourra ensuite communiquer des informations à ce sujet à
l'Assemblée, qui aura la possibilité d'ouvrir un débat, mais ne sera pas appelée à
voter sur cette communication.
Dans le cadre défini, le cas échéant, par la loi portant autorisation d'adaptation
législative, l'Assemblée de Corse prendra, par délibération motivée, des mesures
dérogatoires.
Le Gouvernement informera le Parlement, par un rapport annuel, de l'état d'application de
ces mesures.
L'article L. 4422-17 soumet les délibérations de l'Assemblée portant sur des mesures
d'adaptation de dispositions législatives au régime juridique de droit commun. Elles
deviennent exécutoires dans les conditions de droit commun et sont soumises au contrôle
de légalité et au contrôle juridictionnel. Compte tenu de leur portée, ces
délibérations particulières seront publiées au Journal Officiel de la République
française.
Article 2
Cet article renforce l'efficacité du
contrôle de légalité du préfet sur les mesures d'adaptation de dispositions
législatives ou réglementaires, dans le respect de la libre administration de la
collectivité territoriale et des compétences du juge administratif. La délibération
déférée à la censure du juge administratif par le représentant de l'Etat et qui
serait accompagnée d'une demande de suspension verrait son exécution effectivement
suspendue pour une durée maximale de deux mois, selon une procédure introduite dans
d'autres domaines par la loi du 8 février 1995.
Article 3
Cet article réorganise le plan et la
numérotation d'articles du code général des collectivités territoriales.
Chapitre II : Dispositions
relatives aux compétences de la collectivité territoriale
Section 1 : De l'identité
culturelle
Sous-section 1 : De l'éducation et
de la langue corse
Article 4
La collectivité territoriale a pleine
compétence pour évaluer les besoins de formation aussi bien au niveau quantitatif que
qualitatif, décider des programmes d'investissements, des opérations de construction ou
d'extension.
L'Etat est consulté à l'occasion de la fixation de la liste annuelle des opérations de
construction et d'investissement.
Il est aussi associé à la procédure d'élaboration de la carte des formations. Son
accord, par voie conventionnelle, subordonne l'affectation des personnels.
La commune conserve la décision de création et d'implantation des écoles.
Article 5
Cet article permet à la collectivité
territoriale de Corse de prendre, librement en complément de la compétence de l'Etat,
des initiatives dans le domaine de la formation supérieure et de la recherche et de
conclure à cette fin des conventions en la matière.
L'Etat conserve seul la compétence en matière d'homologation des titres et diplômes.
Article 6
L'article 6 transfère à la collectivité
territoriale de Corse la compétence exercée par l'Etat en matière de construction,
d'équipement et d'entretien des établissements d'enseignement supérieur. La rédaction
reprend celle retenue par les lois de décentralisation pour le transfert des lycées aux
régions et des collèges aux départements.
En Corse, la collectivité territoriale de Corse exerce déjà les compétences pour
l'ensemble des établissements d'enseignement secondaire. Il paraît donc cohérent de lui
confier les bâtiments universitaires. L'Etat intervient cependant, en raison des
responsabilités qui lui incombent en matière pédagogique et dans la gestion du
personnel enseignant, et donne son avis sur l'implantation et les aménagements
envisagés.
La gestion des IUFM a été transférée à l'Etat par la loi du 4 juillet 1990. Cette loi
prévoit cependant que la compétence peut continuer à être exercée par les
départements qui le souhaitent et qui dans ce cas passent une convention avec l'Etat. Le
département de la Haute Corse a opté pour cette solution et continue donc d'assurer la
gestion de son IUFM. Le paragraphe II de cet article substitue la collectivité
territoriale de Corse à l'Etat pour l'application de ces dispositions.
Article 7
L'enseignement de la langue corse sera
inscrit dans l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires pour tous les
élèves sauf volonté contraire des parents ou du représentant légal de l'enfant.
Sous-section 2 : De la culture et
de la communication
Article 8
Cet article renomme la section concernant
la communication et la culture et la réorganise.
Article 9
Cet article complète les compétences
déjà transférées à la collectivité territoriale de Corse dans le domaine culturel en
particulier en matière d'inventaire, de conservation et de mise en valeur des sites
archéologiques et des monuments historiques.
L'Etat garde ses compétences régaliennes de classement et d'inscription sur l'inventaire
des monuments historiques, ainsi que ses pouvoirs de police en la matière.
Article 10
Le recours aux nouvelles technologies de
l'information et de la communication constitue un moyen efficace permettant de compenser
les contraintes de l'insularité et des cloisonnements géographiques de l'île.
Une compétence directe est donc attribuée à la collectivité territoriale de Corse pour
pallier une insuffisance du développement spontané des réseaux de télécommunications.
Elle pourra ainsi prendre en charge l'établissement de réseaux de télécommunications,
en l'absence même de carence de l'initiative privée.
Sous-section 3 : Du sport et de
l'éducation populaire
Article 11
Cet article vise à permettre à la
collectivité territoriale de Corse de disposer d'une plus large compétence en matière
de sport, d'éducation populaire, et d'information de la jeunesse.
Section 2 : De l'aménagement et du
développement
Sous-section 1 : Du plan
d'aménagement et de développement durable
Article 12
La Corse bénéficie aujourd'hui d'un
régime particulier puisque la collectivité territoriale a la possibilité
d'élaborer un plan de développement de l'île et, à partir des orientations définies
par ce plan, un schéma d'aménagement de la Corse de portée régionale qui, dans le
cadre d'une procédure qui prévoit la mise à disposition du public du projet de schéma,
s'impose, après approbation par décret en Conseil d'Etat, aux documents d'urbanisme par
le biais de la compatibilité. Le schéma d'aménagement de la Corse a les mêmes effets
que les directives territoriales d'aménagement et il vaut schéma de mise en valeur de la
mer (à ce dernier titre, il doit recueillir préalablement l'accord du représentant de
l'Etat en Corse).
En l'absence de ce schéma, la collectivité territoriale de Corse est tenue d'élaborer
le schéma régional d'aménagement et de développement du territoire prévu par la loi
du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire,
dont le volet " transport " est, en application de la loi n° 99-533 du 25 juin
1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, le
schéma régional de transport défini à l'article 14-1 de la loi n° 82-1153 du 30
décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs.
Chacun des documents précités, dont les objectifs sont en principe convergents, est
élaboré selon des modalités et une procédure particulière et, pour une partie d'entre
eux, ne peuvent prendre effet qu'après approbation par l'Etat.
Il est donc proposé, dans une perspective de simplification mais, plus encore, afin de
favoriser une plus grande cohérence dans la définition des orientations, objectifs et
priorités de la collectivité territoriale de Corse, de fondre tous ces documents en un
seul document élaboré et approuvé par la seule collectivité territoriale de Corse.
En termes de procédure, le nouveau plan d'aménagement et de développement durable de
Corse sera élaboré par la collectivité territoriale de Corse, en y associant l'Etat,
les autres collectivités territoriales (c'est-à-dire les départements et les communes
ou leurs groupements compétents en matière d'aménagement du territoire) et les chambres
consulaires, les modalités de l'association étant définies par l'Assemblée de Corse.
Il sera désormais soumis à enquête publique, dans un souci de transparence, avant
d'être approuvé par l'Assemblée de Corse.
Dans la logique générale de poursuite de la décentralisation du présent projet de loi,
il n'est plus prévu d'accord préalable du représentant de l'Etat ni d'approbation par
décret en Conseil d'Etat, sans que cela réduise la portée juridique des dispositions du
futur plan d'aménagement et de développement durable en matière d'urbanisme par rapport
à la situation actuelle.
Le plan vaudra schéma de mise en valeur de la mer et directive territoriale
d'aménagement et il pourra, à ce dernier titre, préciser les modalités d'application
des dispositions particulières aux zones de montagne et du littoral, adaptées aux
particularités géographiques locales.
La loi n'imposera par ailleurs plus aucun délai pour l'élaboration du plan mais liera
tout contrat de plan avec l'Etat à l'approbation du plan par la collectivité
territoriale de Corse.
Bien évidemment, le plan devra respecter l'ensemble des lois et règlements, en
particulier ceux qui résultent des directives communautaires et conventions
internationales en vigueur dans les différents domaines qu'il couvre. En outre, l'Etat
disposera de la faculté de demander, et au besoin d'imposer, la modification du plan afin
de permettre la réalisation d'un projet d'intérêt général au sens du code de
l'urbanisme.
Par ailleurs, l'équilibre harmonieux entre développement et protection qui constitue
l'objectif fondamental de la loi littoral, nécessite une meilleure prise en compte des
spécificités géographiques de l'île, à travers une capacité d'adaptation des
dispositions législatives et réglementaires, expérimentale et encadrée dans les
conditions visées à l'article 1er. Dans cet esprit, des possibilités d'adaptation
limitées sont ouvertes à la collectivité territoriale de Corse, dès lors qu'elles
s'inscrivent dans une vision globale du développement et de la protection de l'île en
Ministère de l'intérieur - s'intégrant au plan d'aménagement et de développement
durable soumis à enquête publique. Elles s'appliquent dans des espaces définis par le
plan, dans les conditions d'insertion au paysage qu'il définit ; s'agissant des
possibilités d'extension de l'urbanisation, elles ne sont applicables que dans les
communes dotées d'un document d'urbanisme local.
La collectivité pourrait ainsi, par délibération motivée, et dans le cadre du plan
d'aménagement durable :
a) fixer, en lieu et place du décret
prévu à l'article L. 146-6, la liste des espaces naturels remarquables ;
b) définir, en tenant compte de la
fréquentation touristique de certains sites et de la préservation de l'environnement,
les espaces et les conditions dans lesquels peuvent être autorisés dans la bande des 100
mètres, des aménagements légers et des constructions non permanentes destinés à
l'accueil du public, et intégrés aux sites et paysages ;
c) définir, en adaptant les dispositions
du I de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme dans certains espaces, des règles
d'extension de l'urbanisation prenant en compte les particularités géographiques locales
; ces règles qui doivent prévoir les conditions d'insertion aux et paysages, sont
applicables dans les périmètres restreints dès lors qu'il existe un plan local
d'urbanisme ou une carte communale opposable aux tiers. |
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