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Le CESC de Corse  
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Lionel Jospin a reçu les élus corses

Le Premier ministre, entouré de cinq ministres, a reçu, lundi 13 décembre, les élus corses. Cette table ronde a eu lieu à Matignon à partir de 16 heures.

Autour de la table :

côté gouvernement : Lionel Jospin, Premier ministre, Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'Intérieur, Christian Sautter, ministre de l'Economie, des finances et de l'industrie, Jean-Claude Gayssot, ministre de l'Equipement, des transports et du logement, Dominique Voynet ministre de l'Aménagement du territoire et de l'environnement, Emile Zuccarelli, ministre de la Fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation.

  • 28 élus corses :

      - quatre députés : José Rossi (DL) et Roland Francisci (RPR) pour la Corse-du-Sud; Paul Patriarche (RPR) et Roger Franzoni (PRG) pour la Haute-Corse ;
      - deux sénateurs: Louis-Ferdinand de Rocca Serra (RPR) pour la Corse-du-Sud et Paul Natali (RPR) pour la Haute-Corse ;
      - le Président du Conseil exécutif de Corse, Jean Baggioni (RPR) ;
      - le représentant du Président de l'Assemblée de Corse, Camille de Rocca Serra
      - deux membres par groupe de l'Assemblée de Corse : Jean-Claude Bonaccorsi et Marie-Jean Vinciguerra ("le Rassemblement") ; Paul Quastana et Jean-Guy Talamoni ("Corsica Nazione") ; Nicolas Alfonsi et Alexandre Alessandrini ("Radical de Gauche") ; Simon Renucci et Pierre Chaubon ("Corse social démocrate") ; Robert Feliciacci et Pierre-Philippe Ceccaldi ("Corse Nouvelle") ; Jean-Louis Albertini et Antoine Sindali ("Un autre avenir") ; Toussaint Luciani et François Tiberi ("Mouvement pour la Corse") ; Paul-Antoine Luciani et Dominique Bucchini ("Communiste et démocrate de progrès") ; Laurent Croce et Jean Motroni (groupe socialiste).
      - les deux Présidents des Conseils généraux : Paul Giacobbi (PRG) pour la Haute-Corse et Marc Marcangeli (div droite bonapartiste) pour la Corse-du-Sud.

Allocution du Premier ministre à

l'ouverture de la réunion sur l'avenir de la Corse

Paris, le 13 décembre 1999.

Madame et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les membres de l'Assemblée de Corse,

J'ai voulu vous inviter, comme élus du suffrage universel en Corse, à venir me rencontrer à l'Hôtel Matignon. Je suis heureux que vous soyez là aujourd'hui.

L'objet de cette rencontre est de nous parler, pour ne pas demeurer dans une situation de blocage.

Le but est de réagir face au malaise de l'île, d'abord par une prise de responsabilité des élus de la Corse, qui doivent dire ce qu'ils veulent proposer ensemble, mais aussi par l'affirmation du Gouvernement que l'Etat traitera de façon attentive et ouverte les problèmes que vous rencontrez.

L'espoir - mais saurons-nous ensemble lui donner forme ? - est de trouver une démarche qui permette d'apporter enfin une réponse au problème corse, resté sans solution depuis tant d'années.

Avec les ministres qui m'entourent, je vais vous écouter. Puis je vous répondrai et nous essaierons de déterminer comment donner une suite à ces premiers échanges.

Les Corses forment une communauté humaine fière de son passé et de sa culture. La Corse a joué dans l'histoire de notre pays un rôle sans commune mesure avec son importance démographique. Nos concitoyens d'origine corse sont nombreux sur le continent et tiennent une place significative dans la vie nationale et dans l'Etat. Beaucoup de Français du continent connaissent la Corse et l'apprécient. Les caricatures qui sont parfois établies de part et d'autre ne correspondent pas à la réalité. Je vous l'ai dit en septembre à l'assemblée de Corse, alors que je définissais les principes de la politique que le Gouvernement entend suivre en Corse, j'aime la Corse et je respecte les Corses.

La Corse connaît, chacun le ressent dans l'île comme sur le continent, une situation de malaise, qui existe depuis de très nombreuses années et qui ne s'est pas résorbée. Peu à peu, entre la Corse et la France continentale, des malentendus, de plus en plus préoccupants, se sont développés.

Les Corses expriment de fortes insatisfactions. Leur identité leur semble insuffisamment reconnue, leur développement économique mal assuré, leur organisation institutionnelle ou administrative inadaptée. Le diagnostic que leurs responsables politiques posent de ces difficultés varie et les remèdes qu'ils suggèrent sont divers et parfois opposés, ce qui rend plus malaisé la recherche de solutions. Pour autant, le sentiment que les réponses apportées jusqu'à présent aux questions de la Corse sont inappropriées est dominant. L'Etat a sans doute des responsabilités dans l'insatisfaction actuelle mais personne ne saurait sérieusement les lui imputer toutes. Aux Corses et à leurs élus d'exercer plus nettement leurs responsabilités, notamment en faisant des propositions.

Ce malaise de la Corse et l'incompréhension des Français du continent ont été considérablement accrus, nous le savons bien, par le recours fréquent à la violence dans les conflits privés et comme arme dans le débat politique, au point que ces actes de violence tendent à être considérés comme presque banals. La persistance de cette violence est un échec pour la Corse et pour la République. Il y a presque deux ans, un acte que personne ne saurait justifier a été commis : l'assassinat du préfet Claude Erignac. La prise de conscience que ce meurtre a provoquée dans la population de Corse a montré que celle-ci voulait échapper à la fatalité de la violence. Le Gouvernement condamnera et combattra cette violence, toujours et en toutes circonstances.

Gouvernement de la République et élus de Corse, nous sommes, chacun à notre niveau, issus de l'élection. Cette légitimité du suffrage nous impose de résoudre les problèmes politiques selon les seules règles de la démocratie.

Dans cette perspective, j'ai voulu prendre cette initiative politique : vous réunir, vous les élus, pour écouter ce que chacun d'entre vous a à dire sur la Corse, mettre sur la table les difficultés, rechercher les convergences et trouver, quand cela sera possible, des solutions. Ma démarche est, vous le savez, de travailler au grand jour, de manière claire et transparente, sous le regard et le contrôle de nos concitoyens.

J'ai le sentiment que le dialogue doit d'abord se nouer entre ceux qui représentent la Corse, et en premier lieu ses élus, pour que ceux-ci expriment ce qui n'est pas satisfaisant, ce qui divise les Corses, pour qu'ils recherchent ensuite ce qui peut les rassembler. Aucun sujet, dès lors qu'il est perçu comme important en Corse, ne doit être écarté de la discussion, qu'il ait trait au passé ou au présent. Dissiper les malentendus, révéler ce qui a été longtemps tu, dire ce que l'on veut être est la condition d'un rétablissement.

Ce dialogue, il est légitime qu'il soit conduit entre les élus de la Corse, dont les représentants sont ici réunis, et par l'assemblée de Corse. Mais je crois souhaitable qu'à ces discussions soient aussi associés, sous des formes à déterminer, les acteurs de la société civile, par exemple les organisations syndicales et professionnelles et les associations représentatives, avec pour objectif que tous nos concitoyens de Corse puissent dire ce qu'ils veulent sur l'avenir de l'île.

J'imagine que les questions du développement économique, de l'aménagement du territoire, de la formation et de l'emploi, de l'identité, de l'organisation institutionnelle et administrative, seront abordées dans ce débat. Mais je me garderai de limiter le champ de ces échanges ou de paraître donner implicitement un ordre de priorité. J'exprime seulement la conviction que pour trouver les solutions adaptées, il nous faut traiter toutes les questions de fond et partir des problèmes concrets qui sont à résoudre.

Le Gouvernement assume en Corse le rôle qui lui revient. L'Etat a la responsabilité du respect de la loi républicaine et de la sécurité publique. Il l'assurera, avec une détermination qui ne faiblira pas. Le Gouvernement agit, comme c'est son devoir, pour favoriser le développement de l'île, compenser les handicaps de l'insularité et veiller à ce que la Corse bénéficie de la solidarité nationale. Les décisions que mon Gouvernement a prises en faveur de l'île, par exemple dans le contrat de plan, ont montré qu'il tient son engagement d'aider la Corse.

Quant à la démarche de dialogue, si elle doit être conduite d'abord entre les Corses, elle ne signifie pas que l'Etat se dérobe ou se mette en retrait. Le Gouvernement participera à la réflexion sur l'avenir de la Corse, pour y apporter les contributions qui seront souhaitées et aussi, le moment venu, pour examiner avec les élus de l'île les propositions qui résulteront des discussions. Je ne sais s'il est possible d'arrêter dès maintenant un calendrier. A l'évidence, la tâche est lourde et exigera du temps. Sans doute éprouverons-nous le besoin d'organiser un ou plusieurs points d'étape dans les prochains mois, à des échéances que nous aurons à déterminer ensemble.

Madame, Messieurs,

Je vous suggère que cette réunion s'achève vers 19 heures 30, afin que vous ayez la possibilité de vous exprimer devant la presse. Je me propose maintenant de donner la parole aux présidents des collectivités, à chacun des groupes qui forment l'assemblée de Corse, puis aux Parlementaires, pour qu'ils expriment leurs sentiments sur la démarche que je viens d'indiquer et sur la méthode que nous allons devoir définir. Il serait souhaitable que ce tour de table soit clos vers 18 heures, pour qu'après une pause nous puissions, sur la base des premières expressions, arrêter notre méthode de travail.

Nous le savons, cette rencontre suscite en Corse, et chez tous les Français, des interrogations et aussi un espoir. Nos concitoyens de Corse veulent, dans le respect de leur identité, vivre en paix. Nous ne devons pas décevoir cette attente. J'ai la conviction qu'il est possible, si chacun veut se montrer à la hauteur de l'enjeu, de définir les voies d'un vivre-ensemble pour la Corse. Ce ne sera pas facile car les blessures d'un passé troublé sont vives et les oppositions parfois tranchées, mais cette ambition est nécessaire. Je la crois accessible.

Il me semble que c'est d'abord à vous, représentants élus de la Corse, d'ouvrir ce chemin qui doit conduire à une solution commune. Le Gouvernement apportera toute sa contribution à cette démarche et en tirera avec vous les conclusions.

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