Madame et Messieurs les Ministres,
Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Présidents,
Messieurs les membres de l'Assemblée de Corse, J'ai voulu vous inviter, comme élus du suffrage universel en
Corse, à venir me rencontrer à l'Hôtel Matignon. Je suis heureux que vous soyez là
aujourd'hui.
L'objet de cette rencontre est de nous
parler, pour ne pas demeurer dans une situation de blocage.
Le but est de réagir face au malaise de
l'île, d'abord par une prise de responsabilité des élus de la Corse, qui doivent dire
ce qu'ils veulent proposer ensemble, mais aussi par l'affirmation du Gouvernement que
l'Etat traitera de façon attentive et ouverte les problèmes que vous rencontrez.
L'espoir - mais saurons-nous ensemble lui
donner forme ? - est de trouver une démarche qui permette d'apporter enfin une réponse
au problème corse, resté sans solution depuis tant d'années.
Avec les ministres qui m'entourent, je vais
vous écouter. Puis je vous répondrai et nous essaierons de déterminer comment donner
une suite à ces premiers échanges.
Les Corses forment une communauté humaine
fière de son passé et de sa culture. La Corse a joué dans l'histoire de notre pays un
rôle sans commune mesure avec son importance démographique. Nos concitoyens d'origine
corse sont nombreux sur le continent et tiennent une place significative dans la vie
nationale et dans l'Etat. Beaucoup de Français du continent connaissent la Corse et
l'apprécient. Les caricatures qui sont parfois établies de part et d'autre ne
correspondent pas à la réalité. Je vous l'ai dit en septembre à l'assemblée de Corse,
alors que je définissais les principes de la politique que le Gouvernement entend suivre
en Corse, j'aime la Corse et je respecte les Corses.
La Corse connaît, chacun le ressent dans
l'île comme sur le continent, une situation de malaise, qui existe depuis de très
nombreuses années et qui ne s'est pas résorbée. Peu à peu, entre la Corse et la France
continentale, des malentendus, de plus en plus préoccupants, se sont développés.
Les Corses expriment de fortes
insatisfactions. Leur identité leur semble insuffisamment reconnue, leur développement
économique mal assuré, leur organisation institutionnelle ou administrative inadaptée.
Le diagnostic que leurs responsables politiques posent de ces difficultés varie et les
remèdes qu'ils suggèrent sont divers et parfois opposés, ce qui rend plus malaisé la
recherche de solutions. Pour autant, le sentiment que les réponses apportées jusqu'à
présent aux questions de la Corse sont inappropriées est dominant. L'Etat a sans doute
des responsabilités dans l'insatisfaction actuelle mais personne ne saurait sérieusement
les lui imputer toutes. Aux Corses et à leurs élus d'exercer plus nettement leurs
responsabilités, notamment en faisant des propositions.
Ce malaise de la Corse et l'incompréhension
des Français du continent ont été considérablement accrus, nous le savons bien, par le
recours fréquent à la violence dans les conflits privés et comme arme dans le débat
politique, au point que ces actes de violence tendent à être considérés comme presque
banals. La persistance de cette violence est un échec pour la Corse et pour la
République. Il y a presque deux ans, un acte que personne ne saurait justifier a été
commis : l'assassinat du préfet Claude Erignac. La prise de conscience que ce meurtre a
provoquée dans la population de Corse a montré que celle-ci voulait échapper à la
fatalité de la violence. Le Gouvernement condamnera et combattra cette violence, toujours
et en toutes circonstances.
Gouvernement de la République et élus de
Corse, nous sommes, chacun à notre niveau, issus de l'élection. Cette légitimité du
suffrage nous impose de résoudre les problèmes politiques selon les seules règles de la
démocratie.
Dans cette perspective, j'ai voulu prendre
cette initiative politique : vous réunir, vous les élus, pour écouter ce que chacun
d'entre vous a à dire sur la Corse, mettre sur la table les difficultés, rechercher les
convergences et trouver, quand cela sera possible, des solutions. Ma démarche est, vous
le savez, de travailler au grand jour, de manière claire et transparente, sous le regard
et le contrôle de nos concitoyens.
J'ai le sentiment que le dialogue doit
d'abord se nouer entre ceux qui représentent la Corse, et en premier lieu ses élus, pour
que ceux-ci expriment ce qui n'est pas satisfaisant, ce qui divise les Corses, pour qu'ils
recherchent ensuite ce qui peut les rassembler. Aucun sujet, dès lors qu'il est perçu
comme important en Corse, ne doit être écarté de la discussion, qu'il ait trait au
passé ou au présent. Dissiper les malentendus, révéler ce qui a été longtemps tu,
dire ce que l'on veut être est la condition d'un rétablissement.
Ce dialogue, il est légitime qu'il soit
conduit entre les élus de la Corse, dont les représentants sont ici réunis, et par
l'assemblée de Corse. Mais je crois souhaitable qu'à ces discussions soient aussi
associés, sous des formes à déterminer, les acteurs de la société civile, par exemple
les organisations syndicales et professionnelles et les associations représentatives,
avec pour objectif que tous nos concitoyens de Corse puissent dire ce qu'ils veulent sur
l'avenir de l'île.
J'imagine que les questions du développement
économique, de l'aménagement du territoire, de la formation et de l'emploi, de
l'identité, de l'organisation institutionnelle et administrative, seront abordées dans
ce débat. Mais je me garderai de limiter le champ de ces échanges ou de paraître donner
implicitement un ordre de priorité. J'exprime seulement la conviction que pour trouver
les solutions adaptées, il nous faut traiter toutes les questions de fond et partir des
problèmes concrets qui sont à résoudre.
Le Gouvernement assume en Corse le rôle qui
lui revient. L'Etat a la responsabilité du respect de la loi républicaine et de la
sécurité publique. Il l'assurera, avec une détermination qui ne faiblira pas. Le
Gouvernement agit, comme c'est son devoir, pour favoriser le développement de l'île,
compenser les handicaps de l'insularité et veiller à ce que la Corse bénéficie de la
solidarité nationale. Les décisions que mon Gouvernement a prises en faveur de l'île,
par exemple dans le contrat de plan, ont montré qu'il tient son engagement d'aider la
Corse.
Quant à la démarche de dialogue, si elle
doit être conduite d'abord entre les Corses, elle ne signifie pas que l'Etat se dérobe
ou se mette en retrait. Le Gouvernement participera à la réflexion sur l'avenir de la
Corse, pour y apporter les contributions qui seront souhaitées et aussi, le moment venu,
pour examiner avec les élus de l'île les propositions qui résulteront des discussions.
Je ne sais s'il est possible d'arrêter dès maintenant un calendrier. A l'évidence, la
tâche est lourde et exigera du temps. Sans doute éprouverons-nous le besoin d'organiser
un ou plusieurs points d'étape dans les prochains mois, à des échéances que nous
aurons à déterminer ensemble.
Madame, Messieurs,
Je vous suggère que cette réunion s'achève
vers 19 heures 30, afin que vous ayez la possibilité de vous exprimer devant la presse.
Je me propose maintenant de donner la parole aux présidents des collectivités, à chacun
des groupes qui forment l'assemblée de Corse, puis aux Parlementaires, pour qu'ils
expriment leurs sentiments sur la démarche que je viens d'indiquer et sur la méthode que
nous allons devoir définir. Il serait souhaitable que ce tour de table soit clos vers 18
heures, pour qu'après une pause nous puissions, sur la base des premières expressions,
arrêter notre méthode de travail.
Nous le savons, cette rencontre suscite en
Corse, et chez tous les Français, des interrogations et aussi un espoir. Nos concitoyens
de Corse veulent, dans le respect de leur identité, vivre en paix. Nous ne devons pas
décevoir cette attente. J'ai la conviction qu'il est possible, si chacun veut se montrer
à la hauteur de l'enjeu, de définir les voies d'un vivre-ensemble pour la Corse. Ce ne
sera pas facile car les blessures d'un passé troublé sont vives et les oppositions
parfois tranchées, mais cette ambition est nécessaire. Je la crois accessible.
Il me semble que c'est d'abord à vous,
représentants élus de la Corse, d'ouvrir ce chemin qui doit conduire à une solution
commune. Le Gouvernement apportera toute sa contribution à cette démarche et en tirera
avec vous les conclusions. |