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LES ACTES DU SEMINAIRE SUR LA CULTURE (1/12)
Institut Consulaire Euroméditerranéen de Formation - Ajaccio
12/05/2000

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Lisandru BASSANI (CESC)

Avec l'Europe qui se bâtit, les régions qui affirment de plus en plus leur identité, s'inscrit ce séminaire consacré à la culture de notre île, à son épanouissement, à son affirmation comme élément fondamental de notre devenir. Si la culture est une manière d'être, ce qui donne son identité à un pays, elle n'en est pas moins ouverte au monde. Ce séminaire s'inscrit dans cet esprit et, nous l'espérons, dans l'esprit des débats de Matignon, du moins sommes nous nombreux à le penser ainsi, car le Centralisme forcené de l'Etat en fait le bon dernier de la classe européenne. Dans tous les autres pays européens les Régions apprennent à se gérer, à devenir responsables de leur avenir.

La Corse, malgré deux statuts particuliers ne maîtrise ni l'enseignement de sa langue - et les débats d'hier ont pu en faire la preuve-, ni elle ne domine sa politique culturelle. Vous avez tous des récriminations à faire, des critiques à avancer et cela se comprend, pourtant, ne faisons pas de cette journée un cahier des doléances. Nous devons avancer des idées fortes, des propositions afin que le monde culturel dans son ensemble, et Dieu sait s'il est riche de potentialités, devienne, pour notre peuple, une locomotive d'une manière d'être, capable de s'assumer face au rouleau compresseur de la culture cathodique qui nous prend notre temps, qui envahit nos esprits. Depuis vingt cinq ans déjà le ''riacquistu'' nous trace le chemin avec les écrivains, les groupes de chants, les artisans d'art dont nous aurons l'occasion d'en reparler au long de cette journée, car, alors que l'on parle de faire vivre les villages –immense tarte à la crème qui donne conscience à bon nombre de citadins que nous sommes irrémédiablement devenus-, ou l'on parle d'un tourisme culturel qui vivifierait les villages, eux, les artisans habitent ces villages, y travaillent, ils sont, à travers leurs produits, leurs créations le pont nécessaire entre tradition et modernité. Il nous appartiendra de dire si les structures actuelles sont suffisantes, satisfaisantes ; comment voyez -vous l'avenir de la DRAC par rapport à la CTC ? Qu'en est-t-il de la création ? De l'implantation des lieux de spectacle, l'animation des villages l'hiver ? Comment développer le lectorat dans les deux langues, la littérature doit-elle avoir son Centre Régional des Lettres ? L'outil culturel répond- il à l'attente des gens du spectacle vivant ? aurons-nous un jour un Centre de la musique traditionnelle ? Quelles voies tracer pour relier culture et environnement, montagne autant que bord de mer ? Comment concilier culture et économie ? La pluri-activité peut-elle être une dynamique du culturel ? etc...etc... Il nous faudrait presque refaire les Assises de la Culture ou tout au moins les actualiser. Tout cela, pour une identité épanouie.

Une identité forte qui ne soit pas le mur dont on pourrait aller s'écraser, crainte qu'expriment quelques nostalgiques d'un passé folklorique ; non, une identité qui comme « une ligne d'horizon qui s'enfuit toujours au fur et à mesure qu'on s'en approche » qui produit de l'appartenance, qui donne du sens à notre combat.

Aussi nous attendons des intervenants qui ont bien voulu participer à cette journée des précisions soit, pour les îles qui sont depuis longtemps autonomes : quelle est la politique culturelle qui les régit ; soit, au niveau européen, quelle place est faite à la culture dans la construction communautaire. C'est à ce titre qu'interviendra Monsieur Claude VERON. Pour les îles nous accueillons donc Monsieur Lluis Segura pour les Baléares et, Monsieur Antonio Cabiddu pour la Sardaigne. Toni Casalonga, quant à lui, nous parlera des cultures vivantes et, par ces questions et ses réponses et les vôtres nous espérons qu'il en sortira de quoi bâtir la citadelle. Enfin et, parce que la jeunesse est notre force et que nous misons sur elle et bâtissons pour elle, et avec elle, Mademoiselle Marina Casula nous parlera de « culture et identité : une valorisation interactive ».

Avant de donner la parole à Monsieur Claude Veron, je me dois de vous informer que nous espérions un autre intervenant, Monsieur Jean Baptiste Lanaspeze sur la mise en valeur de l'identité territoriale. Hélas un décès est venu endeuiller sa famille d'où son absence. Le CESC présente à Monsieur Lanaspeze ses condoléances attristées. Nous allons donc sans tarder débuter cette journée et je passe tout de suite la parole à Monsieur Claude Veron, Directeur du Relais Culture-Europe, Paris.

INTERVENTION DE MR CLAUDE VERON,

DIRECTEUR DU RELAIS CULTURE EUROPE

Claude VERON.

Je suis le Directeur du Relais Culture Europe, le Relais Culture Europe est une structure associative qui a été mise en place, conjointement, à l'initiative de l'Union européenne et du Ministère de la Culture français pour faire l'interface entre professionnels du champ de la culture, dans la définition qu'en donne monsieur Bourdieu, c'est à dire du Politique aux artistes en passant par les fonctionnaires de la culture et les acteurs culturels que nous sommes. Notre mission principale est d'aider l'ensemble des professionnels de la culture à rentrer sur le dispositif culturel de l'Union européenne et aussi dans l'ensemble des dispositifs dans lequel un certain nombre de projets peuvent être éligibles, et nous aidons en terme d'information et, y compris aussi, en accompagnant un certain nombre de projets, à repérer ces modes de financements et les moyens de monter les dossiers.

Aujourd'hui je vais essayer de retracer un certain nombre de points de repère sur le rapport tout à fait minime entre la culture et la construction communautaire. Peut être redire un certain nombre de choses sur la construction communautaire et que, parler de l'Europe, aujourd'hui, c'est l'Affaire, puisque vous le savez très bien l'Europe est un Working progress c'est quelque chose qui se construit au jour le jour. Des fois on pilote à vue et ce qui est la vérité du jour ne sera pas la vérité du lendemain. Parler de l'Europe, aujourd'hui, c'est aussi parler de nous-mêmes.

Le processus communautaire est un fait qui s'impose à tous quelque soit la place que l'on occupe sur le territoire européen, quelque soit notre position idéologique, que l'on soit souverainiste de droite ou de gauche, que l'on soit fédéraliste, que l'on soit tenant d'une fédération d'Etats souverains (Voir Monsieur Delors) ou que l'on soit tenant d'une politique intergouvernementale à minima comme c'est le cas bien souvent aujourd'hui, parler de l'Europe c'est parler de nous-mêmes, puisqu'elle fait partie intégrante des processus politiques dans lesquels, où que nous soyons, nous sommes engagés. Aujourd'hui, 11 mai, proximité de date anniversaire –9 mai 1950- parler de l'Europe et d'un anniversaire –50 ans- renvoie à des propositions qui marqueront la deuxième partie du siècle et marqueront aussi la construction d'un certain nombre d'outils pour mettre en place des moyens de travailler ensemble. Je rappelle le geste « fondamenteur » : 9 mai 1950, Monsieur Schumann propose à l'Allemagne, et on est loin de la culture, de faire en sorte que il y ait entre l'Allemagne et la France, un pacte, un outil qui fasse que l'on gère de façon commune les questions de ressources fondamentales au plan de la reconstruction, c'est à dire l'énergie, le charbon et l'acier.

A partir de gestes, très techniques, irréversibles et faits de façon à ce que la France et l'Allemagne s'auto-contrôlent sur un certain nombre de productions fondamentales, l'ensemble d'un certain nombre d'Etats, les Six, qui étaient au cœur du conflit ont décidé, à travers le Traité de Paris, de mettre en place ce qui était initié par l'Allemagne : la Communauté européenne du charbon et de l'acier. A partir de ce processus très fonctionnel, le processus politique s'est engagé de l'économique, au marché, au social, aujourd'hui au monétaire – le plus important au plan symbolique- et on a vu une progression qui peut paraître lente mais qui à l'échelle de l'histoire est très rapide. Les gestes : Traité de Paris 1951, Traité de Rome 1957, Acte Unique 1986, Maastricht 1992 et, vous le verrez, pour la culture 1992 est un point très important, Amsterdam 1997, peut-être Nice 2000. Il a fallu trois conflits, sanglants, entre la France et l'Allemagne, pour que le slogan « plus jamais çà » devienne une réalité. 1946 : Congrès de La Haye, discours de Churchill vers les Etats Unis d'Europe. Il annonçait dans son discours –et l'on revient sur les questions de langue-, à Strasbourg « Attention je vais parler français !». Et après, il a prononcé son discours sur les Etats Unis d'Europe. 1949 : création du Conseil de l'Europe qui a jeté les bases de pratiques inter gouvernementales sur la question des Droits de l'Homme. L'Europe s'est donc fondée sur un geste de solidarité de production pour rendre impensable et matériellement impossible un nouveau conflit. C'était faire ensemble et fondé sur deux grandes philosophies : d'une part la solidarité et d'autre part la subsidiarité. Ces deux grandes philosophies politiques peuvent paraître incompatibles et c'est toute l'originalité de la construction communautaire qui se perd dans la mise en place de ce double fonctionnement. Le débat qui est constant, quels que soient les endroits politiques, entre des phases de communautarisation ou des phases de travail ensemble et, pour le plan communautaire, de travail inter gouvernemental, c'est à dire d'intégration ou de travail à minima inter gouvernemental, de savoir qui gouverne ? Est ce que ce sont les quinze Présidents ou les quinze Etats membres ou est ce que c'est la commission comme l'Exécutif ? Ce débat vient d'être appelé, à l'instant, sur la centralisation des Etats et toujours le débat entre le local et le national, entre le transnational et la structure qui est le plus près des citoyens.

Cinquante ans à l'échelle de l'histoire çà n'est rien. Mais ce sont 50 sans conflits entre les Six, les Neufs, les douze et les Quinze qui construisent l'Union européenne. Même si sur nos marges, effectivement, des conflits existent toujours : à l'échelle de l'histoire, 50 ans conflits entre les quinze ; c'est la première fois qu'il n'y a pas de conflit armé pour régler une question de territoire ou une question de suprématie. Est-ce la cause ou est-ce l'effet à vous de tirer les conclusions. Cinquante ans c'est très court aussi pour construire une monnaie unique, symbolique d'une liaison organique entre un certain nombre d'Etats Nations ; que pour la première fois au monde un certain nombre d'Etats souverains décident de mettre ensemble une partie de leur souveraineté pour faire ensemble. Et à l'échelle de l'histoire et du monde aucun projet politique de cette nature n'a existé ou n'existe. Mais ce sont 50 ans de débats, 50 ans de crises nationales et communautaires. Aujourd'hui, peut-être dans le cycle des crises et des succès, il semblerait que nous soyons dans un moment un peu atonique et un moment de crise sur la question communautaire. Est-ce une crise de la liaison sociale entre l'Europe et le citoyen, est-ce que c'est une crise de vacuité politique, sans message fort politiquement alors que techniquement nous avons avancé sur un certain nombre de domaines ? Cette crise, aujourd'hui, je l'analyse avec un certain nombre de symptômes : le premier symptôme, c'est que, pour la première fois, depuis la construction européenne et la montée en puissance de la compétence du Parlement, celui-ci met en minorité, met dans l'obligation la Commission européenne de démissionner. Deuxième symptôme : le Kosovo, où il fallu un temps assez important pour que les Quinze commencent à réagir et prennent une position commune et s'engagent clairement sur cette question. Troisième symptôme c'est le vote, pas en soi d'un nouveau Parlement, puisqu'on était sur l'échéancier normal mais, le nouveau type de fonctionnement du Parlement. Jusqu'à présent, au niveau Parlement, on était dans une alternance et dans un fonctionnement très consensuel. La majorité avait la Présidence pendant trois ans, la minorité avait la Présidence pendant trois ans, on s'échangeait d'une façon très courtoise et conviviale l'ensemble des commissions. Aujourd'hui le Parlement commence à agir comme un vrai Parlement, en agissant avec des débats politiques comme n'importe quel Parlement National et en essayant d'avoir un contre pouvoir et une force de propositions qu'il n'a pas toujours eus puisque, comme vous le savez, il n'est pas co- décisionnaire dans tout l'ensemble du secteur et en particulier dans des secteurs qui nous intéressent. Dernier symptôme, que j'analyse, non pas comme une crise mais quelque chose qui au plan politique est un premier geste de prise de conscience politique : c'est la première fois, dans la construction communautaire, que les Quatorze, c'est à dire quatorze Etats membres prennent une position qui n'a aucune base légale, aucune base technique, qui a, uniquement une base politique sur un quinzième Etat membre, c'est à dire la question de l'Autriche ; c'est la première fois où il y a, vraiment de la part des quinze Chefs d'Etat, un geste politique pour dire, peut être que là, Messieurs les Autrichiens, vous avez dépassé la ligne jaune par rapport à la conception de la démocratie et des Droits de l'Homme dont nous nous faisons l'idée. Autour de cette crise et peut être d'une panne du politique communautaire qui se traduit par la disparition des Pères fondateurs, mais de surcroît, par la disparition de la scène politique et physiquement, des continuateurs des Pères fondateurs, c'est à dire du trio qui a porté, qui a mis en place la monnaie unique et qui a consolidé la construction communautaire : Kohl, Mitterrand, Delors, qui a disparu de la scène. L'ensemble des nouveaux Chefs d'Etats, aujourd'hui, sembleraient être en panne de propositions politiques pour l'Europe. Face à un acte important qui est celui de la question de l'élargissement : devons-nous rester à quinze ou devons-nous passer à 28 dans un temps proche ? Face à un besoin, soit des politiques communes, soit à une réorganisation de ces politiques et face à la réorganisation et au fonctionnement de l'Union européenne, les enjeux sont très importants.

Autour de la conférence inter gouvernementale, autour de la Charte des droits fondamentaux et autour de l'élargissement progressif ou rapide, la Présidence française aura, sur ces trois points, un rôle déterminant.

Mais, revenons peut être à la culture. Essayons de voir, dans cet ensemble que l'on construit, quelle est la place de la culture dans le dispositif communautaire. Avant toute chose, je voudrais, comme je le fais souvent quand j'interviens tordre le cou, une bonne fois pour toute, à la question et à cette phrase qu'un certain nombre de gens font prononcer à Monsieur Monet « Si c'était à refaire nous commencerions par la culture ». Il n'a jamais écrit cette phrase, il ne l'a jamais prononcée. Pour deux raisons fondamentales, et je pense qu'il est important de les rappeler pour bien comprendre la place de la culture dans la construction communautaire. Faire dire cette phrase à Jean Monnet, c'est faire de la politique fiction pour se justifier sur ce que l'on n'a pas fait et je pense que çà n'est pas une bonne position. Pourquoi Jean Monnet ne l'a pas prononcée ? En 1950 et 1951, qu'on le veuille ou non, de façon économique, mettre sur la table des discussions entre les Italiens, le Benelux et les Français la question de la culture, de l'éducation, de la formation, de la jeunesse, tout ce qui est le bloc identitaire, vous vous doutez bien que c'est une question qui aurait soulevé, d'une part de grands débats et un désaccord important et qui n'aurait pas résolu le problème urgent qui était de reconstruire l'Europe au plan économique et industriel. Premier point. Deuxième point, comme vous l'avez compris, la construction européenne s'est faite sur le socle et la réconciliation franco-allemande et, qu'est ce qui nous sépare encore, même si, aujourd'hui il y a des effets balancier, qui font que les choses ont changé en France et en Allemagne, c'est bien la question de la culture. Dans un premier temps le périmètre sémantique de kultur et de culture n'est pas du tout le même. Chez nous, en France, la culture renvoie plutôt aux œuvres, à la création, aux monuments alors qu'au plan sémantique allemand c'est plutôt un geste de civilisation qui est mis dans le mot kultur. Deuxième chose, la gestion de la culture, en Allemagne et en France sont totalement opposées. D'un côté c'est totalement régionalisé et localisé, alors que chez nous, après cinq siècles de centralisme la culture est toujours, qu'on le veuille ou non, même si depuis 1982 nous sommes dans un effort –à notre vitesse, c'est à dire pas très rapide- de déconcentration et de décentralisation ; là aussi, mettre sur la table des discussions, la façon dont on peut appréhender la culture c'était aller vers un échec et, aujourd'hui, cette question est toujours une question qui ne fait pas l'unanimité parmi les Quinze. Donc la culture n'a pas été le moteur de la construction communautaire. Quand l'Europe parle de la culture on n'entend que héritage commun, on n'entend jamais création, on n'entend jamais créateur, on n'entend jamais aide à la culture contemporaine. Dans le premier geste fondateur, Traité de Rome, Art 36, une simple évocation de l'héritage commun. Après, rien ! On est sur le marché, l'économique, l'économique... le reste viendra après. Le premier geste que je peux repérer dans la construction communautaire vient des Parlementaires et cela semble tout à fait logique. 1974, une décision du Parlement, demande à ce que le Conseil prenne en charge, un peu plus, la question de la culture mais il ne lui donne uniquement que des petites lignes budgétaires votées année après année : pas de programme, pas d'outils. 1976, sous pression encore des Parlementaires- pression un peu symbolique-, création de l'orchestre des jeunes européens. 1977, on commence à rentrer dans des outils : accords de Lomé qui gèrent les rapports entre l'Union européenne et l'ensemble des 71 pays (Pays ACP = Afrique, Caraïbes, Pacifique). Le texte fondateur contient un article qui dit que la culture est un outil de développement. On commence à comprendre comment la Communauté européenne utilise la culture comme instrumentalisation d'une autre politique : on est donc là sur culture et développement. Depuis, les accords de Lomé ont toujours privilégié, avec le support du Fonds européen de développement, un certain nombre de projets à dominante artistique et culturelle liés au développement et qui progressivement vont de plus en plus vers l'aide à la création. 1985 : geste important au plan culturel aussi, ou du moins significatif, c'est la première fois que les ministres de la culture se réunissent au même titre que d'autres ministres au niveau des conseils techniques.

Et c'est en 1985, lors de la première réunion des ministres de la culture, que la ministre de la culture grecque, Melina Mercuri a mis en place un des points importants dans les points de repère culture : le programme que l'on appelle des Capitales Culturelles qui consiste à désigner, chaque année, une ville en Europe qui reçoit symboliquement le titre de capitale culturelle. En 2000 il y en a neuf. Non pas que les Parlementaires et le Conseil aient voulu célébrer l'an 2000 d'une façon plus singulière mais je dis ceci pour expliquer la perversion du vote à l'unanimité : le champ de la culture, au niveau du Conseil, demande à ce qu'il y ait quinze mains qui se lèvent si on veut adopter quelque chose, c'est à dire accord total. Vous voyez la difficulté. Donc quatre ans avant, en 1996, arrive sur la table du Conseil des Ministres, neuf candidatures issues de neuf pays différents. Difficulté : premier tour, chaque pays votant pour son candidat ; pas de majorité, deuxième tour idem... On remet çà au semestre suivant, jusqu'en 1998 sans trouver de majorité, d'unanimité pour en désigner une ; ils ont eu alors le geste politique le plus mauvais à mon goût, c'est à dire qu'on les prend tous avec un petit mandat politique : travailler ensemble, ce qu'ils ont fait de manière fort disciplinée ; ils ont mis en place des projets qui leur soient communs aux neuf, chaque ville étant porteuse d'un projet commun avec les huit autres ; ils ont simplement omis aussi d'avoir un mandat financier ; ils n'ont su qu'en février 2000 le financement qu'ils allaient avoir pour l'année 2000. 1985 : création de l'orchestre baroque européen avec, là aussi, une ligne budgétaire spécifique du Parlement. 1990 : création des Mois culturels à l'instar des Capitales Culturelles qui est surtout mis en place pour sensibiliser les pays qui étaient en voie d'adhésion à l'époque, à savoir : l'Autriche, la Finlande et la Suède en proposant un mois de sensibilisation à la culture européenne des treize avant. Et maintenant ce processus s'opère avec les pays qui sont en voie d'adhésion. Le geste le plus important en ce qui concerne la culture c'est 1992, Traité de Maastricht. En ce qui concerne la culture mais aussi en ce qui concerne l'éducation, la formation, la jeunesse, la santé et la recherche puisque c'est la première fois où dans le Traité apparaissent des articles qui donnent base légale pour intervenir, après, en matière d'outil ; L'article 128 du Traité de Maastricht qui sera repris, quasiment intégralement, dans l'article 151 du Traité d'Amsterdam, porte sur quatre axes principaux. Le premier axe redonne la limite de la culture dans la construction communautaire : la culture est du ressort des Etats membres. Il renvoie donc le champ de compétence de la culture et de la création aux Etats membres et non pas à la Communauté européenne : subsidiarité. Deuxième axe, deuxième paragraphe, qui ne mange pas de pain on doit favoriser la création culturelle. Troisième axe, très intéressant, mais qui a peu d'outils pour son application : l'Union européenne doit favoriser la coopération avec les Etats tiers, à savoir les autres Etats en dehors de l'Union européenne. Par contre, quatrième axe qui est lui très important : l'ensemble des dispositifs communautaires doit pouvoir aussi prendre en charge un certain nombre de projets à dimension culturelle et artistique. Donc, à partir de la mise en place du traité de Maastricht, on a, au plan communautaire, un outil, une base légale pour mettre en place des outils financiers que sont les programmes au plan communautaire. 1992 : vote des Quinze. Mise en œuvre des outils, 1996 : vous voyez le temps qui sépare le vote –puis adoption par chaque pays- et la mise en place des outils. Pourquoi encore cette lenteur : parce que comme j'aime à dire : les outils sont mis en place avec une écriture à quinze mains, là aussi c'est toujours l'unanimité ; pour la mise en place d'un programme en matière de culture il faut que les quinze Etats membres disent oui dans sa forme, son contenu et son financement et de surplus, depuis Maastricht et Amsterdam le Parlement est en co- décision, il faut que 626 paires d'yeux relisent le travail que quinze personnes ont écrit. Vous voyez toute la lenteur d'une part et la difficulté d'avoir, en fin de parcours, un programme, un texte qui soit un peu fort en matière culturelle quand il faut que ce soit un consensus de quinze Etats membres et de l'ensemble du Parlement.