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SEMINAIRE SUR LA CULTURE  (11/12)
Institut Consulaire Euroméditerranéen de Formation - Ajaccio
12/05/2000
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M. R. BAUDE

Vous n'avez pas parlé, je crois, de la Corse terre d'accueil et d'hospitalité. Par contre vous avez parlé de l'agora et vous n'avez pas développé ce thème. Il me semble qu'il répondrait assez bien à la nécessité qu'il fallait que l'identité se redécouvre et qu'elle doit se redécouvrir ensemble. On pourrait retrouver l'agora ancienne d'une part avec des rencontres comme celles d'aujourd'hui et plus généralement dans les rencontres que l'on peut susciter ici et ailleurs.

M. CASULA

L'agora c'était le fondement de la démocratie et elle est, ici, le lieu où les Corse doivent se rencontrer, dire qui ils sont et comment ils se voient et comment ils se voient vivre ensemble et par rapport à quel projet.

M. SANTONI

On aime la Corse quand on est loin de la Corse. Il existe cet esprit corse. Ici il est moins ressenti. Les étrangers, s'ils se comportent bien, ils sont admis comme partout. Beaucoup arrivent et puis repartent et çà fait comme les marées, mais ils laissent toujours une trace.

A. MARIOTTI (CESC)

Votre exposé me permet de poser la question que je voulais poser ce matin. Depuis hier c'est comme un fil conducteur, c'est plus du domaine du ressenti que du domaine d'analyse, il y a une sorte d'essai de ce que pourraient être l'identité et la culture et il y a une notion qui est revenue chez un certain nombre d'intervenants : c'était la notion d'être – l'intervenant sur l'Europe, lui-même, en a parlé-. Donc la question que je voudrais poser puisqu'il y avait une expérience commune entre les artistes corses et les artistes sardes est la suivante : est-ce qu'il faut faire ensemble ou est-ce qu'il faut être ensemble ? Comment passer de l'un à l'autre ? Est ce que ce n'est pas çà la construction de ce projet de vie dont vous avez parlé ?

M. CASULA

Les deux se construisent mutuellement. Pour faire quelque chose ensemble il faut déjà être ensemble, se reconnaître et pour que ce sentiment d'existence commune puisse exister il faut qu'il y ait des éléments qui viennent l'alimenter. On peut habiter chacun dans un village isolé mais si on ne va pas faire le marché ensemble une fois par semaine on ne se connaîtra pas. C'est la notion d'interaction de relation que j'ai essayé d'évoquer tout au long de cet exposé. Il n'y a que des interactions dans ce qui nous entoure. C'est à partir de là qu'il y aura un projet collectif qui sera finalisé : projet d'une nouvelle Corse, d'une nouvelle institution.

F.MARCANTEI (Tavagna)

Dans être ensemble, j'entends avant tout être, ce qui me semble essentiel et lorsque l'homme est quelque chose il a peut être à donner et de pouvoir rencontrer les autres. D'après votre exposé on revient toujours sur la triangulation : l'identité, le groupe et les valeurs. Ce qui me semble manquer dramatiquement à notre époque c'est la perception de valeurs communes qui donnent à un groupe sa véritable structure collective dans laquelle chaque individu peut se reconnaître et se reconnaissant dans les autres il se reconnaît en lui-même. Il a, alors, quelque chance de pouvoir faire avec les autres. Dans toute cette pratique de l'identité il y a un retour systématique vers l'individu, vers l'homme et il me semble que notre époque confond beaucoup de choses, particulièrement l'identité qui n'est que celle des hommes. Je n'ai jamais vu un prisuttu ou un briquet Bic avec une carte d'identité : l'identité c'est l'affaire des hommes, ce qui les fait, ce qui les structure intérieurement et à ce moment- là on parle et eux-mêmes parlent et sont à la recherche de leur identité. A l'heure actuelle il me semble qu'il y ait une confusion entre l'homme et son intérieur et les produits que les hommes font. Et, ne prenant pas en compte le problème de l'identité, n'essayant pas de le traiter d'un point de vue fondamental, ce qu'est l'identité, comment elle se conjugue, comment on peut la reconnaître, voir comment la définir, on a souvent tendance à aller chercher secours auprès de choses qui sont très très loin de l'identité, à savoir les produits que font les hommes. Ce matin on évoquait les tours génoises que nous revendiquons comme des éléments de notre témoignage identitaire mais l'histoire est pleine de cela, la religion catholique a gagné le monde avec le latin, qui était la langue de l'occupant, la langue de celui qui faisait souffrir. Et ce pied de nez de l'Histoire, chacun espère pouvoir en récupérer le bénéfice. Il y a à l'heure actuelle, ce que moi j'envie et je sens comme un danger, c'est que ne voulant pas voir où est la matrice de l'identité, où ont habité les Corses, qu'est ce qui a fait les hommes corses, qu'est ce qui a fait qu'ils ont été recherchés qu'ils ont pu faire ce qu'ils ont fait et qu'entre eux ils se reconnaissaient, fuyant ces problèmes d'habiter, de relation sociale, de pyramide sociale, de proximité, de petit nombre on a appelé à l'heure actuelle, et le mariage est peut-être symptomatique, l'économie au secours de l'identité. Le briquet de JT Desanti, ce matin, avait quelque chose de plaisant, ce n'est pas la tête de Maure qui est corse, ce n'est pas le briquet mais, derrière celui qui a fait le briquet il y avait peut-être un ouvrier taiwanais qui lui, avait une identité. Donc, je crois qu'il convient de séparer très très vite l'identité avec toute sa problématique de l'économie qui, elle, a d'autres lois et si on traite bien l'une et l'autre comme, je crois, on l'a fait aux Baléares – c'est quand même le premier aéroport d'Europe, c'est aussi un des pôles technologiques avancés, c'est une agriculture exportatrice...- à ce moment-là l'identité retrouve toute sa place, disjointe de l'économie. Or, pour moi, mais si çà n'était que pour moi.. pour nous tous lorsque l'on commencera à disjoindre l'économie de l'identité on commencera, peut-être à réfléchir sérieusement sur l'une et l'autre et on n'aura pas fait le village global que l'on nous propose qui est la même liaison entre village et global que moi je ressens entre identité et économie.

T.CASALONGA

Evidemment on peut toujours rêver d'être schizophrène c'est à dire d'être séparé en deux, avoir une partie économique et une partie qui serait le propre de l'homme, qui serait l'identité. Personnellement cela ne me tente pas : je ne pense même pas qu'une société schizophrène puisse réussir ou sur le plan économique ou sur le plan humain. Par conséquent il me semble qu'il faut remettre les choses dans le bon ordre, doit on rappeler que ce n'est pas l'économie qui vient au secours de l'identité, hélas, parce que l'économie se porte tellement mal que nous avons pensé que l'ambulance de l'identité pouvait peut-être lui permettre de rester en vie, c'est le contraire c'est l'identité qui vole au secours de l'économie comme toujours ce qui est fort doit voler au secours de ce qui est faible.

G.G.ALBERTINI (Enseignant)

Je voudrais revenir sur l'histoire du briquet évoquée ce matin. Quand les deux journaux locaux ont traduit à l'époque ce qui s'était passé à la Mutualité, on lisait dans l'un ce qu'avait dit le philosophe Desanti, à savoir que la Chine, l'identité c'était la Chine, puisque le briquet venait de Chine ou de Taiwan et dans l'autre quotidien, il y avait écrit, l'identité c'est le signe. Est ce que cela a été relevé : Chine c'est l'autre et le signe c'est un peu soi-même. Sans le vouloir il y a une définition qui est presque probante de l'identité. Il y a un culturel corse qui est très en retrait à l'heure actuelle et qui a dit en parlant de la Corse : O combien de réussites personnelles se sont accompagnées d'un naufrage collectif. Je reviendrai sur le thème d'identification.

On parle beaucoup d'identité, or il y a un couple infernal qui est le couple identité/identification et je crois qu'en Corse il nous joue un drôle de tour. La contradiction c'est que l'identification fait partie de notre identité. Le Corse est un homme de pouvoir qui s'identifie facilement à ceux qui ont le pouvoir. Et ceux qui ont le pouvoir sont la plupart du temps ceux qui l'ont dominé. Et on retrouve tout au long de l'histoire de la Corse ce problème d'identification au pouvoir que l'on retrouve peut-être même et là je ferai allusion au sociologue Pierre Bourdieu dans son livre sur la domination masculine, même chez l'homme corse quand on dit, en quelque sorte, que la femme est soumise, elle l'est en apparence parce que l'homme par identification au pouvoir ne veut pas se laisser dominer par la femme alors qu'en réalité c'est elle qui conduit les rênes du foyer et bien plus loin plus d'une fois. Il y a pas mal de leçons à en tirer. Cette identification nous conduit beaucoup plus loin. C'est que en allant vers ce pouvoir et en retour -parce que l'identification depuis l'île vers l'extérieur nous conduit vers cette perte de l'identité- et en retour donc, quand on s'identifie -parce qu'on a perdu cette identité- à cette forme de corsitude on risque de faire du folklore et de perdre l'identité d'une autre manière. Mais ce qu'il y a de plus grave c'est que à travers l'identification il y a une perte totale de confiance en soi ce qui permettrait d'aborder un certain nombre de problèmes même liés à la création et on ne croit même pas à ce moment là que les créations qui ont été faites en Corse – quelqu'un disant «Et chez toi que s'est-il passé ?» il avait répondu "rien". Or il s'était passé beaucoup de choses en Corse- Et seulement les peintures sont toscanes, les tours sont génoises – or la plupart du temps elles ont été construites sous la domination génoise, mais faites ici en Corse, par des maçons corses payés la plupart du temps par la communauté corse- i fasgioli grossi sò francese, i chjarasgi sò francese, le charbon est napolitain. Autrement dit, on n'a plus confiance en soi et à partir de cette perte de confiance on va vers l'autre or, l'autre on ne peut l'estimer et on ne peut s'estimer soi-même que si on a confiance en soi. Si on est en déséquilibre il peut y avoir toutes sortes de dérapages et je crois que nous vivons en ce moment et depuis de nombreuses années pas mal de dérapages.

M.CASULA

Ce besoin d'identification tel que vous l'évoquez, ce besoin de chercher l'autre vient du fait que l'on est noyé dans la globalisation qu'on porte là comme une épée de Damoclès sans savoir comment elle va tomber et le fait de trouver des marqueurs identitaires que ce soit par la langue, le chant, la littérature...C'est un moyen en tant qu'individu même si on revient un peu trop à l'individu. Pouvoir vivre, pouvoir être.

M. Pascal PIERRE

Je pense que le temps presse, il presse dans un sens ou un autre. Nous sommes là pour parler de la place de la culture, de cultures vivantes, d'identité territoriale, pour culture et identité dans une relation interactive. Je crois savoir que se prépare, au mois d'octobre, un séminaire dans le cadre d'un forum, d'une association sur le thème du concept de solidarité au concept d'identité ou inversement puisque nous sommes en plein débat du concept d'identité au concept de solidarité, c'est à dire, ces solidarités qui apparaissent vont-elles donner lieu à une nouvelle identité ou à d'autres identités. Mais le temps presse et l'INSEE ne le dit pas, nous sommes, il me semble 140 000 Corses d'origine – autre chiffre donné dans la salle : 93 000 -. Mais enfin le débat est largement ouvert et a donné lieu à travers la presse à des séries de « libres opinions », dont une parue le 14 mai 1999 en plein conflit des Balkans : c'est un choix, une prise de position courageuse mais qui peut être, pour certains, redoutable.