La
construction de ces programmes a mis du temps ; la construction des trois premiers
programmes : KALEIDOSCOPE, ARIANE, RAPHAËL, action culturelle, livre et lecture et
traduction et patrimoine, quatre ans pour mettre en place ces programmes. Trois ans pour
mettre en place le programme Culture 2000 qui les a remplacés. On a donc raccourci un
petit peu mais, là aussi, le problème est le même car entre le texte de départ et le
texte qui arrive après le 10 mars, vote ultime par le Parlement européen, on est dans
une édulcoration totale d'un texte fort. Un texte qui revient à saupoudrer, organiser un
certain nombre de choses qui ont sans doute le mérite d'exister mais qui peut être
perdent de leur force et perdent de leur opérationnalité.
Pour mémoire, dans les
programmes antérieurs, que ce soit Ariane où la Corse n'a pas été oubliée. En
1999, l'Université de Corti a eu un financement dans le cadre d'Ariane. La même année
dans le cadre de Kaléidoscope, un projet : celui de Robin Renucci à Olmi Cappella- En
1999, dans les mesures préparatoires de Culture 2000, un autre projet corse a été
retenu : c'est le projet de Abeline Lombard « Île danse ». En faisant le bilan on voit
que la Corse a été parmi les régions les plus favorisées. Aujourd'hui s'est mis en
place, donc, à partir de 1996, en prenant les critiques et les analyses des trois
programmes, en prenant en compte une étude mise en place en 1996/97 sur la prise en
charge des financements culturels dans d'autres dispositifs communautaires, a été pris
en compte aussi une réflexion pour la première fois- au plan européen
d'interrogation d'une part des Etats membres à travers un questionnaire sur ce qu'ils
voulaient ou pas en matière culturelle ; deuxièmement une consultation assez large de
l'ensemble des réseaux, des associations, des structures, des forums européens pour
savoir ce qu'ils souhaitaient en matière communautaire en faveur de la culture et surtout
l'organisation d'un grand forum en 1998 pour réfléchir à l'outil que pourrait être
Culture 2000.
CULTURE 2000 est
opérationnel. L'ensemble du dispositif est accessible à tout le monde dans un certain
nombre de lieux. Quelles sont les avancées par rapport aux trois programmes précédents
? De mon point de vue elles sont minimes puisque l'action "Un" reprend quasiment
les trois en recoupant les choses d'une façon différente : actions en faveur du livre,
en faveur du patrimoine, de la création et sans apporter d'ouverture ou de fonctionnement
différent. A mon avis, les seules avancées significatives sont les actions Deux :
reconnaissance d'accords de coopération pluriannuels pour des réseaux, des forums ou des
projets qui se construiraient à une échelle européenne et qui pourraient essaimer et
travailler par relais : c'est la position significative par rapport aux trois autres
programmes ; ce qu'on espérait et qui n'a pas eu lieu c'était l'augmentation
significative du programme Culture 2000, il est de 167 millions d' sur cinq ans, ce
qui donne sur l'année 2000, 33.5 millions d', trois fois rien, soit 0.03% du budget
communautaire. Aujourd'hui quand on parle de programme culturel on ne peut pas parler de
politique culturelle. On peut parler d'outils financiers en faveur de la culture mais
n'ayons pas l'indécence de parler de programme de politique culturelle de l'U.E. car elle
n'en a pas et, on le verra peut être dans le débat, il n'est peut être pas souhaitable
qu'elle en ait si on se réfère à la politique agricole commune. La majorité des
financements en faveur de la culture ne vient pas du programme Culture 2000 ou des anciens
programmes mais vient essentiellement des Fonds structurels, des programmes d'initiative
communautaire et de l'ensemble des autres programmes. La Corse quitte L'OBJECTIF UN, elle
aura donc une phase de « glissement », un certain nombre de financements encore mais à
hauteur bien moindre, elle entre pour certains programmes dans l'OBJECTIF Deux ou Trois.
Ce qui est important,
aujourd'hui, et je viens de le découvrir en lisant le dossier que le CESC a remis à
chacun d'entre vous, c'est que dans le DOCUP il y a un axe qui est complètement repéré
pour la culture, ce qui est un progrès par rapport à l'ancien DOCUP où je pense que cet
axe n'était pas lisible, aujourd'hui après un travail d'un certain nombre d'Etats
membres - dont la France et l'Allemagne-, on a réussi à mettre dans les Règlements des
Fonds deux ou trois considérants sur la culture mais surtout en France, contrairement à
d'autres pays le Premier ministre a fait une annexe technique qui a précisé clairement
aux Préfets de Région la place que devait avoir la culture dans les DOCUP. Ce que je
viens de lire ce matin, ce que je connais d'autres Régions me laisse à penser que la
gestion des fonds Objectif deux, trois pour le mandat 2000 / 2006 sera tout à fait
différent pour la culture que 1994 /99 et un certain nombre de projets pourront y être
éligibles. Deuxième point en ce qui concerne les programmes d'initiative communautaire,
réduction de 13 à 4, centrés sur un certain nombre d'objectifs et sur ces quatre
programmes, là aussi, la Corse sur le programme Leader avait déjà inscrit un certain
nombre de projets culturels et pourra le faire de façon aussi pertinente dans la
prochaine programmation : les deux INTERREG qui existaient, un sur la Sardaigne , l'autre
sur la Toscane seront reconduits et peut être amplifiés ; j'ignore si Bastia restera
dans le plan URBAN ou pas. Là aussi sur les programmes d'initiative communautaire un
certain nombre de projets à dimension culturelle pourrons rentrer tout aussi bien que sur
les programmes pour l'éducation SOCRATE, LEONARDO pour la formation jeunesse pour
l'Europe à partir du moment où l'on est dans les critères. Ce n'est pas le projet
culturel qui entraîne l'entrée dans ces programmes, c'est l'adhésion à l'objectif du
programme dans lequel, effectivement, il peut y avoir une dominante culturelle. Ce n'est
donc pas une politique culturelle en soit, et en particulier, ou la question de la
création, ou même la question de la protection d'un monument pour sa protection sans
forcément utilisation culturelle qui est reposé dans la construction communautaire,
c'est à dire que ces questions ne sont pas posées et je pense qu'elles ne souhaitent pas
être posées par les Etats membres pour entrer dans une autre logique que celle de la
subsidiarité en matière culturelle. Quels sont les enjeux importants pour la culture
dans le dispositif communautaire ? Le premier enjeu à l'intérieur de la Conférence
intergouvernementale c'est la suppression du vote à l'unanimité en matière de culture.
Si on reste au vote à l'unanimité on aura toujours, pour des raisons très bonnes, (les
Néerlandais nous ont fait perdre une année sur la mise en place de Culture 2000, pour
une raison tout à fait pertinente, logique par rapport au budget) mais on a perdu une
année pour arriver, en fin de compte, à prendre la décision qui était prévue une
année plus tôt. Deuxième point : c'est la place de la culture dans la Charte des Droits
fondamentaux : elle n'existe pas, il n'y a pas de place pour la culture et un certain
nombre de forums, d'associations et le forum permanent de la société civile s'en est
inquiété et essaie de travailler pour qu'il y ait, au moins, une référence à la
culture, du droit à la culture dans la Charte des Droits fondamentaux.
Je le lance en fin, c'est de
relancer de façon significative le processus euro- méditerranéen. Les accords de
Barcelone en 1995 ont mis en place un certain nombre de dispositifs sur trois axes : un
axe politique, un axe économique et un axe lié à la société civile et la culture. Ce
processus a donné la mise en place d'un certain nombre de programmes régionaux : un sur
le Patrimoine où 16 projets ont été soutenus, un autre sur les médias où 6 projets
ont été retenus mais depuis deux ans ce système est bloqué complètement, au plan
politique et donc, une des responsabilités de la présidence serait de relancer le
processus au plan politique mais aussi que le volet culture des accords de Barcelone soit
relancé, en particulier la mise en place des micro projets qui étaient un outil
important pour le secteur culturel, pour développer des coopérations qui pourraient
après entrer dans des accords régionaux. Les enjeux sont aussi à situer sur la
réorganisation et la redéfinition du fonctionnement communautaire, en particulier sur le
rôle de la Commission, ses compétences et au niveau culture la place que la DG et
l'unité action culturelle peut prendre dans le rapport qu'elle doit avoir de façon
sereine avec les professionnels ; repenser aussi le rôle du Parlement, la logique
communautaire qui doit passer du point de vue du faire ensemble qui se met en place de
façon opérationnelle et facilement à une notion d'être ensemble qui doit
obligatoirement privilégier la place du citoyen dans la construction communautaire, la
place de la culture comme un ciment essentiel d'appartenance à une double citoyenneté
locale et supranationale.
Lisandru BASSANI (CESC)
Vous nous avez donc retracé
cette longue marche de la culture à travers la création de l'Europe ; longue marche qui
n'est pas terminée et, comme l'Europe est en panne actuellement, il se peut fort bien que
ce soit la culture qui vienne remettre la machine en marche puisque la culture ne manque
ni de projets, ni de « blé à moudre ». Nous allons maintenant donner la parole à la
salle.
ESTUDIANTINA AIACCINA
(remerciements à Mr Veron aux amis sardes et des Baléares)
Vous avez dans votre exposé
signalé les professionnels de la culture et, je me suis senti un peu orphelin car nous ne
sommes pas des professionnels, nous sommes des amateurs, nous aimons la culture, nous
aimons la langue corse, nous la pratiquons, nous jouons de la guitare, de la mandoline,
nous avons un orchestre qui ne joue que des morceaux corses mais nous pourrions jouer
autre chose, c'est pourquoi ma question était de savoir si nous étions concernés.
Cl . VERON.
C'est une paresse de la
pensée : quand je dis professionnels çà ne veut pas dire forcément les gens qui
professionnellement sont engagés mais aussi des amateurs peuvent être engagés sans
qu'il y ait un professionnel de la culture dans les dispositifs communautaires liés à la
culture. De nombreux projets ont été soutenus avec des associations ...
ESTUDIANTINA AIACCINA.
Ma question est un peu
sournoise parce que la CTC nous donnait toujours une subvention, minime, et l'année
dernière le Préfet nous a supprimé cette subvention.
CL. VERON
Au plan communautaire, ce
n'est pas un critère discriminatoire (professionnel / amateur).
J.C.ROGLIANO.
Un petit topo qui est bien
loin de votre brillant exposé. Je vais donc faire un constat qui ressemble assez à ce
Cahier de doléances évoqué au départ et c'est à partir d'un expérience personnelle
que je vais donc essayer de voir comment certains, ici, uvrent autour de cette
culture. Elle est très terre à terre puisque souvent, avec le clavier de mon ordinateur,
parallèlement j'emploie aussi la pioche, et c'est dans un village tout à fait perdu de
l'intérieur ( Carchetu-Castagniccia) que je suis allé jusqu'au bout d'un rêve qui date
de cinquante ans. Il s'agit d'un ensemble de maisons en ruines que j'ai utilisé comme
décor de mon premier roman, autrement dit ces ruines qui datent de la fin du XIII°
siècle, je les ai reconstituées et c'était donc une uvre de culture, dans la
mesure où l'on respecte des gestes anciens de gens qui ont construit cette citadelle,
cette forteresse mais surtout elle est devenue une sorte de creuset où des gens se
rencontrent ; ce réceptacle démontre que cette culture n'est pas introvertie mais elle
est particulièrement extravertie puisque nous recevions il y a quelques jours des gens
qui ont chanté, se sont exprimés, ont échangé leur culture avec la nôtre ; des tas de
gens arrivent de pays différents ( des Basques, des Bretons...) ; nous étions invités
l'année dernière à participer en tant que Corses à une revue bretonne. Cela existe
depuis cinq ou six ans. Le constat que je fais c'est que, d'une part lorsque un homme seul
arrive à faire qu'il y ait des échanges culturels de cette sorte dans un pays perdu qui
par le fait de l'exemplarité est en train de revenir à la vie, lorsque les retombées
économiques qui font partie de la chose culturelle aussi, s'étendent - d'une manière
assez tentaculaire aux villages voisins, je crois que lorsqu'un homme seul
ou presque - arrive à faire cela, on se demande s'il était aidé ce qui pourrait arriver
: c'est le premier constat. L'autre constat je vais vous le lire parce que c'est
extrêmement précis, çà touche donc le volet de la littérature et, vous me pardonnerez
d'être un peu incisif. Je pars donc encore d'une expérience personnelle.
«Qui se souvient des quatre
films qu'il y a près de vingt ans , j'avais réalisés pour Antenne 2 ne peut avoir
oublié comment, malgré un contrat passé avec FR3, le pouvoir d'alors avait interdit le
tournage d'un cinquième film tiré de mon premier livre. Le scénario de Mal Concilio
était pourtant loin d'avoir la nature « sulfureuse » du contenu des quatre films
précédents dans lesquels trop de monde avait découvert que la Corse n'était pas la
réserve des bouffons à touristes qu'on s'obstinait à laisser croire ! Mais la chance de
déjouer la censure a ses limites, et la manière dont un lectorat, Corse ou non,
percevait cet ouvrage pouvait laisser craindre que sa conversion audio visuelle réserve
quelque élément de caractère subversif du peuple corse, afin de prouver qu'il n'existe
pas, il fallait alors non seulement occulter son humour, ses chants, son histoire, ses
révoltes, mais aussi ignorer ses croyances et châtrer jusqu'à ses fantasmes. C'est
alors que mai 81 arriva. Etant donné la conception que la Gauche prétendait avoir de la
culture régionale, la réalisation de ce dernier film était l'occasion inespérée de
démontrer comment, sitôt arrivée au pouvoir, elle mettait ses principes en application.
Or, en guise de
démonstration, ce fut un autre film qui, malgré mes mises en garde réitérées, tourné
dans l'orgasme général, fit entrevoir aux plus lucides d'entre nous quel genre de
culture serait réservé à la Corse. Les titres des journaux qui commentèrent sa
diffusion furent : « un mensonge », « un scandale », « une honte »,. Celui de ce
film était « Le catenacciu ».
Il semblait alors légitime
d'imaginer que la leçon tirée de cet épisode, aurait engagé tous ceux qui auraient à
gérer notre culture à apprendre à distinguer ceux qui participent à la servir de ceux
qui s'en servent. |