Le CESC de Corse image6b.gif (877 octets)
     
   
SEMINAIRE SUR LA CULTURE  (12/12)
Institut Consulaire Euroméditerranéen de Formation - Ajaccio
12/05/2000
[Page 1] [Page2] [Page 3] [Page 4] [Page 5] [Page 6]
[Page 7] [Page 8] [Page 9] [Page 10] [Page 11] [Page 12]

Je me permets de la citer : « A l'heure des frappes significatives de l'OTAN, il est nécessaire, plus que jamais, de prendre en considération de nouveaux phénomènes majoritaires qui se mettent à l'œuvre en Corse, sous l'effet d'une mutation de population. La classe politique insulaire, toutes tendances confondues n'est déjà plus représentative du pays réel ce qui confère à ces frappes une portée salvatrice en ce sens qu'elles soutiennent un principe sans appel, l'occupant devenu majoritaire d'un lieu à la représentativité quelques soient les antécédents historiques et confessionnels de ce lieu ; c'est le cas des Kosovars du Kosovo, ce n'est plus le cas des Corses d'origine habitant la Corse ; absence de représentativité donc des politiciens locaux, aggravé par l'archaïsme d'us et coutumes inspirés, et de la tradition chrétienne de moins en moins évidente dans un Méditerranée en voie de redéploiement confessionnel et de la civilisation du porc et du vin. C'est encore dire que les frappes de l'OTAN en inversant le cours de la purification ethnique à l'avantage de l'occupant annoncent indirectement à la Corse d'autres possibilité d'évolution dans un avenir immédiat. Faut-il s'en plaindre ou s'en réjouir, la question est posée ? » (Voir la presse de ce 14 mai pour la suite)

J.GISTUCCI

Je voudrais revenir à des choses un peu plus terre à terre. Je pense que quand il s'agit de la Corse, il faut toujours prendre en référence les réalités, celles auxquelles ont fait référence aujourd'hui c'est cette identité qui était marquée par ce que l'on appelle généralement la culture du village. On a tendance à considérer que la Corse est un espace complètement vide dans certains coins, mais en ce qui concerne les villages, jusqu'au milieu du XX° siècle ce sont des lieux surpeuplés où les contacts entre les individus se multiplient journellement, l'autre est toujours là, soit pour accélérer quelque chose, soit pour le contrarier. D'autre part nous avons un espace à gérer, en particulier dans la Corse communautaire et, ici, c'est une appropriation individuelle d'un espace collectif, ce qui nécessite un certain nombre de règles qui ont donné la protodémocratie corse qui remonte aux siècles du Moyen Age et peut être même avant. Nous avons donc cette identité du village qui repose sur des savoirs transmis oralement, sur des savoir-faire, sur une certaine éducation, sur des contacts multiples, sur des solidarités qui dans un monde de non-salariés sont beaucoup plus nécessaires et donc je crois que la relation est beaucoup plus difficile dans la mesure où ce monde s'est très vite déstructuré et où l'apparition de nouvelles solidarités nécessite une organisation. C'est de cela dont on parle depuis hier .

UNE INTERVENANTE

Je pensais que l'on parlerait de tout autre chose aujourd'hui. Je suis ce que je fais. Mon existence, mon identité je la définis dans les relations que je crée au jour le jour avec les gens qui vivent autour de moi dans ma famille, dans mon travail, dans les projets que le réalise. Je reprendrai un texte, qui est dans le dossier qui nous a été remis ce matin, de Predrag Matvejevitch qui dit que « la Méditerranée ne s'hérite pas, elle s'acquiert ». Par rapport, encore une fois, à tous ces discours sur l'identité, il dit encore que dans la Méditerranée, depuis très longtemps, nous voyons une sorte d'identité qu'il appelle l'identité de l'être prévalant sur l'identité du faire. Je m'attendais donc à ce que l'on parle de projets, de comment on peut arriver à les réaliser. Lui-même dit « faisons des projets qui possèdent et impliquent leur réalisation, des projets concrets avec des acteurs, des moyens, des échéances, des façons de faire », « Il s'agit de concilier méditerranéité et modernité, il ne suffit plus d'en parler, les constats sont faits, il faut aller plus loin ». Et c'est çà la culture vivante aujourd'hui et c'est de cela qu'il est très très important de parler et qu'il s'agit de construire.

J.P.BONNAFOUX

Je veux vous parler d'une communauté dont il ne faut pas louper le passage : c'est la communauté des 40 000 Corses de confession musulmane. Je n'ose plus les appeler Maghrébins parce que la plupart, maintenant, sont nés en Corse. Ils parlent corse pour la plupart, lorsque je vais à la Cafeteria de l'Université, c'est essentiellement de jeunes Maghrébines, non, pardon, de jeunes Corses de confession musulmane que je rencontre et je me dis, qu'on ne peut pas louper cet apport et en même temps, si nous, nous ne les reconnaissons pas d'autres les reconnaîtront. Nous rencontrons ici le rapport de l'être et de l'autre. Si nous ne sommes pas capables de reconnaître qu'ils apportent quelque chose à la Corse d'aujourd'hui, y compris dans leur altérité, et leur altérité radicale pour nous qu'est leur confession musulmane. Si nous ne sommes pas capables de reconnaître cela je pense qu'on les enferme dans un ghetto, on leur bloque toute possibilité de s'intégrer réellement dans la Corse et on bloque également une chance pour la Corse. Les jeunes Maghrébins sont nombreux à participer aux thèses qui sont faites aujourd'hui à l'Université

M. CASULA

L'article qui a été lu toute à l'heure (P. Pierre) me fait penser à un autre scénario catastrophe qui avait été construit dans les années 60 par un organisme de recherches, privé américain qui proposait deux solutions pour répondre à ce que l'on appelait déjà le problème corse à l'époque. La première était de donner l'indépendance aux Corses et qu'on en parle plus et, c'était une solution extrême. Une autre solution extrême était de coloniser la Corse, de force, de noyer les Corses dans d'autres identités et de faire disparaître par le néant le problème.

Pt du CESC

Le philosophe a dit aussi que tout ce qui est excessif est insignifiant .Mademoiselle je vous remercie. J'espère que votre participation à nos travaux, aujourd'hui vous permettront d'avancer dans votre thèse, puisqu'il s'agit également d'un des objectifs que vous poursuivez.

L.BASSANI

Je reconnais que, grâce à la tribune, grâce à toutes vos interventions, nous avons eu une journée très riche et c'est sans doute de cette richesse que naîtront les projets. Il y a des absents, ils auraient du être là, ce sont notamment les créateurs qui nous ont manqué. Je pense que nous pourrions noter en exergue de cette journée, cette pensée de Antonio Cabiddu : « l'artisto sà di non sapere ! ».Ceci dénote toute la modestie que le créateur peut avoir face à la création, face aussi à l'héritage dont il est l'héritier, dont il doit à la fois s'inspirer et inscrire sa création dans l'époque où il vit. L'époque où il vit le soumet à bien des contraintes et tout d'abord comment vivre de son travail, comment rester indépendant, libre et, en même temps être aidé par la puissance publique. A partir de quel pourcentage de subventions la culture devient-elle culture d'Etat, de Région ? Nos invités des îles nous ont fait découvrir leurs difficultés mais aussi la passion qui anime leur monde culturel. Que préférons-nous, un artiste bien gras ou un artiste passionné sacrifiant tout à son art ? Les deux ? Mais, les deux, peuvent-ils coexister ? Pour reprendre la pensée de Cabiddu je crois que le créateur sait, lui, quel est le prix de la liberté. È ch'edda durghi !

Pt du CESC

Après avoir remercié nos différents intervenants dont certains sont venus de loin, d'autres étant déjà repartis, je voudrais, non pas faire une conclusion ce qui serait fort prétentieux de ma part vu la richesse des propos qui ont été tenus aujourd'hui, mais en faire un bref résumé. Et en résumé que peut-on de ce qui s'est passé aujourd'hui ? Le premier constat est que les budgets n'augmentent pas et sont fort peu importants, je les rappelle : 0.03% du budget de la Communauté européenne, 0.8% du budget français et 3% du budget de la Collectivité Territoriale. Il a été noté également que les infrastructures font cruellement défaut tant dans l'intérieur que dans les villes et je n'ose parler d'Ajaccio et, quand elles existent, nous l'avons vu avec la cinémathèque de Portivechju et le cinéma de Corti, elles sont très peu exploitées. Nous avons entendu Monsieur Veron qui est le représentant du système européen de la culture nous dire lui-même, et cela était très honnête de sa part qu'il n'était pas souhaitable que l'on nous impose, à l'instar de la Politique Agricole Commune, une politique culturelle commune car rien ne serait pire que de passer d'un système de mondialisation que l'on veut éviter, à un système d'européanisation parce que là nous l'aurions cherché. Pour une fois, l'Europe n'essaie pas de tout normaliser ; essayons de nous en réjouir, tout comme, je crois, il est bon de se réjouir que l'Etat français se batte au sein de l'organisation mondiale du commerce pour faire reconnaître la spécificité française en matière culturelle notamment en essayant de défendre l'industrie cinématographique et les auteurs. Il serait bon toutefois que l'Etat français reconnaisse à ses Régions ce qu'il demande pour lui-même au niveau mondial et que la justice, pour une fois prévale, ne serait pas mauvais. Hier nous n'avons pas osé, peut- être parce que nous avons toujours peur des mots et des symboles, aller jusqu'au bout de notre réflexion et, par exemple, parler de l'Académie du Corse. Il nous faudra pourtant devenir audacieux et combatifs. Je vais, une nouvelle fois répéter ce que je disais hier : que si l'on veut un développement harmonieux pour la Corse il y a deux solutions possibles. Le premier scénario serait que nous décidions, tous ensemble, d'être aseptisés, standardisés, uniformisés, macdonaldisés. Auquel cas que faudrait-il faire ? Il suffit de ne rien faire. D'autres le feront pour nous et l'on sera insérés dans un produit international et chacun de nous y trouvera peut- être son bonheur. Je le disais hier, rien n'interdit de préférer le ketchup à la sauce tomate ou le hamburger à u salamu corsu : c'est une question de goût, c'est peut- être aussi, quelque part une question de culture. C'est un scénario possible. Le deuxième scénario est que nous décidions tous ensemble d'assumer notre insularité ou notre iléité, notre spécificité, notre singularité. Nous décidons tous ensemble que la culture et la langue qui en est le vecteur et la clé de voûte d'une Corse différente, unique, et non seulement pour la qualité des paysages que certains veulent mettre en valeur –et je l'espère- mais également par l'histoire d'une civilisation qui est ancienne, qui est riche, qui est particulière et qui mérite attention et respect. Ce sont les deux scénarios possibles. Le troisième je ne sais pas, je ne connais pas. L'exemple des îles voisines et, l'exemple des Baléares, à ce titre là est intéressant, nous démontre que nos préoccupations sont également les leurs et qu'il ne faut jamais jeter la pierre à l'autre parce que la baléarisation est peut-être une image qu'on avait dans les années 70 et qui n'est peut-être plus exacte actuellement. D'ailleurs j'en profite pour dire que nous invitons également Monsieur Segura, ou la personne qu'il voudra bien déléguer, à notre troisième séminaire du mois de juin qui, lui, sera beaucoup plus pragmatique, beaucoup plus pratique puisqu'il sera axé sur le statut fiscal, sur le financement d'activités économiques et sur le développement du tourisme le développement solidaire. Je crois que nous devons être égoïstes, nous imprégner de leur exemple, et prendre pour nous tout ce qui est intéressant.

Voilà, Mesdames, Messieurs, je pense que la Corse a besoin beaucoup plus que d'avoir, parce que de l'argent il y en a, la Corse a besoin d'être. Alors n'hésitons pas à être nous-mêmes. Je vous remercie.