Je me permets
de la citer : « A l'heure des frappes significatives de l'OTAN, il est nécessaire, plus
que jamais, de prendre en considération de nouveaux phénomènes majoritaires qui se
mettent à l'uvre en Corse, sous l'effet d'une mutation de population. La classe
politique insulaire, toutes tendances confondues n'est déjà plus représentative du pays
réel ce qui confère à ces frappes une portée salvatrice en ce sens qu'elles
soutiennent un principe sans appel, l'occupant devenu majoritaire d'un lieu à la
représentativité quelques soient les antécédents historiques et confessionnels de ce
lieu ; c'est le cas des Kosovars du Kosovo, ce n'est plus le cas des Corses d'origine
habitant la Corse ; absence de représentativité donc des politiciens locaux, aggravé
par l'archaïsme d'us et coutumes inspirés, et de la tradition chrétienne de moins en
moins évidente dans un Méditerranée en voie de redéploiement confessionnel et de la
civilisation du porc et du vin. C'est encore dire que les frappes de l'OTAN en inversant
le cours de la purification ethnique à l'avantage de l'occupant annoncent indirectement
à la Corse d'autres possibilité d'évolution dans un avenir immédiat. Faut-il s'en
plaindre ou s'en réjouir, la question est posée ? » (Voir la presse de ce 14 mai pour
la suite)
J.GISTUCCI
Je voudrais revenir à des
choses un peu plus terre à terre. Je pense que quand il s'agit de la Corse, il faut
toujours prendre en référence les réalités, celles auxquelles ont fait référence
aujourd'hui c'est cette identité qui était marquée par ce que l'on appelle
généralement la culture du village. On a tendance à considérer que la Corse est un
espace complètement vide dans certains coins, mais en ce qui concerne les villages,
jusqu'au milieu du XX° siècle ce sont des lieux surpeuplés où les contacts entre les
individus se multiplient journellement, l'autre est toujours là, soit pour accélérer
quelque chose, soit pour le contrarier. D'autre part nous avons un espace à gérer, en
particulier dans la Corse communautaire et, ici, c'est une appropriation individuelle d'un
espace collectif, ce qui nécessite un certain nombre de règles qui ont donné la
protodémocratie corse qui remonte aux siècles du Moyen Age et peut être même avant.
Nous avons donc cette identité du village qui repose sur des savoirs transmis oralement,
sur des savoir-faire, sur une certaine éducation, sur des contacts multiples, sur des
solidarités qui dans un monde de non-salariés sont beaucoup plus nécessaires et donc je
crois que la relation est beaucoup plus difficile dans la mesure où ce monde s'est très
vite déstructuré et où l'apparition de nouvelles solidarités nécessite une
organisation. C'est de cela dont on parle depuis hier .
UNE INTERVENANTE
Je pensais que l'on parlerait
de tout autre chose aujourd'hui. Je suis ce que je fais. Mon existence, mon identité je
la définis dans les relations que je crée au jour le jour avec les gens qui vivent
autour de moi dans ma famille, dans mon travail, dans les projets que le réalise. Je
reprendrai un texte, qui est dans le dossier qui nous a été remis ce matin, de Predrag
Matvejevitch qui dit que « la Méditerranée ne s'hérite pas, elle s'acquiert ». Par
rapport, encore une fois, à tous ces discours sur l'identité, il dit encore que dans la
Méditerranée, depuis très longtemps, nous voyons une sorte d'identité qu'il appelle
l'identité de l'être prévalant sur l'identité du faire. Je m'attendais donc à ce que
l'on parle de projets, de comment on peut arriver à les réaliser. Lui-même dit «
faisons des projets qui possèdent et impliquent leur réalisation, des projets concrets
avec des acteurs, des moyens, des échéances, des façons de faire », « Il s'agit de
concilier méditerranéité et modernité, il ne suffit plus d'en parler, les constats
sont faits, il faut aller plus loin ». Et c'est çà la culture vivante aujourd'hui et
c'est de cela qu'il est très très important de parler et qu'il s'agit de construire.
J.P.BONNAFOUX
Je veux vous parler d'une
communauté dont il ne faut pas louper le passage : c'est la communauté des 40 000 Corses
de confession musulmane. Je n'ose plus les appeler Maghrébins parce que la plupart,
maintenant, sont nés en Corse. Ils parlent corse pour la plupart, lorsque je vais à la
Cafeteria de l'Université, c'est essentiellement de jeunes Maghrébines, non, pardon, de
jeunes Corses de confession musulmane que je rencontre et je me dis, qu'on ne peut pas
louper cet apport et en même temps, si nous, nous ne les reconnaissons pas d'autres les
reconnaîtront. Nous rencontrons ici le rapport de l'être et de l'autre. Si nous ne
sommes pas capables de reconnaître qu'ils apportent quelque chose à la Corse
d'aujourd'hui, y compris dans leur altérité, et leur altérité radicale pour nous
qu'est leur confession musulmane. Si nous ne sommes pas capables de reconnaître cela je
pense qu'on les enferme dans un ghetto, on leur bloque toute possibilité de s'intégrer
réellement dans la Corse et on bloque également une chance pour la Corse. Les jeunes
Maghrébins sont nombreux à participer aux thèses qui sont faites aujourd'hui à
l'Université
M. CASULA
L'article qui a été lu toute
à l'heure (P. Pierre) me fait penser à un autre scénario catastrophe qui avait été
construit dans les années 60 par un organisme de recherches, privé américain qui
proposait deux solutions pour répondre à ce que l'on appelait déjà le problème corse
à l'époque. La première était de donner l'indépendance aux Corses et qu'on en parle
plus et, c'était une solution extrême. Une autre solution extrême était de coloniser
la Corse, de force, de noyer les Corses dans d'autres identités et de faire disparaître
par le néant le problème.
Pt du CESC
Le philosophe a dit aussi que
tout ce qui est excessif est insignifiant .Mademoiselle je vous remercie. J'espère que
votre participation à nos travaux, aujourd'hui vous permettront d'avancer dans votre
thèse, puisqu'il s'agit également d'un des objectifs que vous poursuivez.
L.BASSANI
Je reconnais que, grâce à la
tribune, grâce à toutes vos interventions, nous avons eu une journée très riche et
c'est sans doute de cette richesse que naîtront les projets. Il y a des absents, ils
auraient du être là, ce sont notamment les créateurs qui nous ont manqué. Je pense que
nous pourrions noter en exergue de cette journée, cette pensée de Antonio Cabiddu : «
l'artisto sà di non sapere ! ».Ceci dénote toute la modestie que le créateur peut
avoir face à la création, face aussi à l'héritage dont il est l'héritier, dont il
doit à la fois s'inspirer et inscrire sa création dans l'époque où il vit. L'époque
où il vit le soumet à bien des contraintes et tout d'abord comment vivre de son travail,
comment rester indépendant, libre et, en même temps être aidé par la puissance
publique. A partir de quel pourcentage de subventions la culture devient-elle culture
d'Etat, de Région ? Nos invités des îles nous ont fait découvrir leurs difficultés
mais aussi la passion qui anime leur monde culturel. Que préférons-nous, un artiste bien
gras ou un artiste passionné sacrifiant tout à son art ? Les deux ? Mais, les deux,
peuvent-ils coexister ? Pour reprendre la pensée de Cabiddu je crois que le créateur
sait, lui, quel est le prix de la liberté. È ch'edda durghi !
Pt du CESC
Après avoir remercié nos
différents intervenants dont certains sont venus de loin, d'autres étant déjà
repartis, je voudrais, non pas faire une conclusion ce qui serait fort prétentieux de ma
part vu la richesse des propos qui ont été tenus aujourd'hui, mais en faire un bref
résumé. Et en résumé que peut-on de ce qui s'est passé aujourd'hui ? Le premier
constat est que les budgets n'augmentent pas et sont fort peu importants, je les rappelle
: 0.03% du budget de la Communauté européenne, 0.8% du budget français et 3% du budget
de la Collectivité Territoriale. Il a été noté également que les infrastructures font
cruellement défaut tant dans l'intérieur que dans les villes et je n'ose parler
d'Ajaccio et, quand elles existent, nous l'avons vu avec la cinémathèque de Portivechju
et le cinéma de Corti, elles sont très peu exploitées. Nous avons entendu Monsieur
Veron qui est le représentant du système européen de la culture nous dire lui-même, et
cela était très honnête de sa part qu'il n'était pas souhaitable que l'on nous impose,
à l'instar de la Politique Agricole Commune, une politique culturelle commune car rien ne
serait pire que de passer d'un système de mondialisation que l'on veut éviter, à un
système d'européanisation parce que là nous l'aurions cherché. Pour une fois, l'Europe
n'essaie pas de tout normaliser ; essayons de nous en réjouir, tout comme, je crois, il
est bon de se réjouir que l'Etat français se batte au sein de l'organisation mondiale du
commerce pour faire reconnaître la spécificité française en matière culturelle
notamment en essayant de défendre l'industrie cinématographique et les auteurs. Il
serait bon toutefois que l'Etat français reconnaisse à ses Régions ce qu'il demande
pour lui-même au niveau mondial et que la justice, pour une fois prévale, ne serait pas
mauvais. Hier nous n'avons pas osé, peut- être parce que nous avons toujours peur des
mots et des symboles, aller jusqu'au bout de notre réflexion et, par exemple, parler de
l'Académie du Corse. Il nous faudra pourtant devenir audacieux et combatifs. Je vais, une
nouvelle fois répéter ce que je disais hier : que si l'on veut un développement
harmonieux pour la Corse il y a deux solutions possibles. Le premier scénario serait que
nous décidions, tous ensemble, d'être aseptisés, standardisés, uniformisés,
macdonaldisés. Auquel cas que faudrait-il faire ? Il suffit de ne rien faire. D'autres le
feront pour nous et l'on sera insérés dans un produit international et chacun de nous y
trouvera peut- être son bonheur. Je le disais hier, rien n'interdit de préférer le
ketchup à la sauce tomate ou le hamburger à u salamu corsu : c'est une question de
goût, c'est peut- être aussi, quelque part une question de culture. C'est un scénario
possible. Le deuxième scénario est que nous décidions tous ensemble d'assumer notre
insularité ou notre iléité, notre spécificité, notre singularité. Nous décidons
tous ensemble que la culture et la langue qui en est le vecteur et la clé de voûte d'une
Corse différente, unique, et non seulement pour la qualité des paysages que certains
veulent mettre en valeur et je l'espère- mais également par l'histoire d'une
civilisation qui est ancienne, qui est riche, qui est particulière et qui mérite
attention et respect. Ce sont les deux scénarios possibles. Le troisième je ne sais pas,
je ne connais pas. L'exemple des îles voisines et, l'exemple des Baléares, à ce titre
là est intéressant, nous démontre que nos préoccupations sont également les leurs et
qu'il ne faut jamais jeter la pierre à l'autre parce que la baléarisation est peut-être
une image qu'on avait dans les années 70 et qui n'est peut-être plus exacte
actuellement. D'ailleurs j'en profite pour dire que nous invitons également Monsieur
Segura, ou la personne qu'il voudra bien déléguer, à notre troisième séminaire du
mois de juin qui, lui, sera beaucoup plus pragmatique, beaucoup plus pratique puisqu'il
sera axé sur le statut fiscal, sur le financement d'activités économiques et sur le
développement du tourisme le développement solidaire. Je crois que nous devons être
égoïstes, nous imprégner de leur exemple, et prendre pour nous tout ce qui est
intéressant.
Voilà, Mesdames, Messieurs, je pense que la
Corse a besoin beaucoup plus que d'avoir, parce que de l'argent il y en a, la Corse a
besoin d'être. Alors n'hésitons pas à être nous-mêmes. Je vous remercie. |