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SEMINAIRE SUR LA CULTURE  (3/12)
Institut Consulaire Euroméditerranéen de Formation - Ajaccio
12/05/2000
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En fait la réalité d'aujourd'hui démontre que, loin de constituer un incident de parcours, par son caractère à la fois symbolique et prémonitoire, ce film marquait le prélude d'un âge d'or : celui des coucous, des caméléons et des preneurs de trains en marche qui sévissent encore vingt ans après. Imposteurs au petit pied ou innocents chieurs d'encre confits dans leurs certitudes, ils composent la sempiternelle faune nombriliste qui tourne autour de la chose culturelle. Budgétivores invétérés, il leur est d'autant plus facile d'en tirer avantage qu'ils profitent du peu d'aptitude au rond de jambe et à pratique de la paperasserie administrative des pionniers de la culture insulaire, trop occupés à la défendre pour courir la subvention. En bénéficier à leur place n'est pourtant qu'un moindre mal. Plus grave est, par voie de conséquence, la prolifération de productions qui n'intéressent que leurs auteurs. Parmi elles, la manière dont la création littéraire est actuellement pervertie, nous conduira à y attacher plus d'intérêt qu'aux autres créations. Dans la mesure où il est établi que la proportion de talents est à peu près identique dans la population de quelque pays que ce soit et que la densité au kilomètre carré d'écrivains insulaires marque une disproportion effarante avec celle des écrivains du reste du monde, le simple bon sens impose de rechercher la cause de cette anomalie. Nous la trouverons sans peine dans une réalité quelque peu inquiétante. Les difficultés de diffusion hors de l'île font qu'en dehors d'ouvrages de caractère sociologique, scientifique, historique, politique spécifiques à la Corse ou écrits en langue corse, l'intérêt d'un auteur consiste , hélas ! à être publié par une édition parisienne, et celui qui affirmerait que, bénéficiant de cette chance, il l'aurait refusée pour être édité en Corse serait un menteur. Il faut donc savoir qu'à l'exception des genres que je viens de citer et de quelques ouvrages d'auteurs atypiques, toutes les créations à prétention littéraire, avant d'être éditées dans l'île, ont été refusées par les éditeurs parisiens. Si une infime minorité de ces livres ne méritait pas forcément ce sort, à lire les autres, on ne comprend que trop les raisons de ces refus. Il suffit pour cela de parcourir ce roman dont l'auteur pour faire du corse à tout prix, en a fait un festival de poncifs insulaires, ou cet autre qui constitue à lui seul un recueil de fautes de syntaxe, de non sens, de pléonasmes, de platitudes et autres énormités à ne pas commettre si l'on souhaite avoir quelque chance d'être édité par Denoël ou Belfond. La raison de ce miracle éditorial, est que ces ouvrages publiés dans l'île sont pour une bonne part subventionnés, et cela suivant des critères dont la compréhension échapperait à quiconque n'aurait aucune idée de la manière dont fonctionnent les institutions insulaires. Ce sont eux que l'on découvre sur les présentoirs des libraires, entre un auteur connu pour ses sentiments de racisme anti-Corse et son art du plagiat et deux auteurs dont la tentative par bidons d'essence interposés de plonger la Corse dans un bain de sang, se voient récompensés par l'accession de leurs ouvrages au rang de best-sellers.

En cherchant bien, il arrive que l'on trouve aussi ceux qui pour être édités n'ont pas besoin d'être subventionnés et pour être lus, de compter sur la solidarité d'un entourage résigné ou sur les sélections destinées à la loterie de Jurys soi-disant littéraires. Le résultat de ces substitutions progressives ne sera pas immédiat. Tout aussi progressivement, il arrivera que, lassés d'être abusés par une pseudo littérature corse, de Corse, les lecteurs finiront par ne plus rien lire du tout.

A moins que d'ici là, on s'aperçoive que le rôle d'une institution dont la vocation est de promouvoir la culture insulaire n'est pas de contribuer à faire de sa littérature le dépotoir du rebut des comités de lecture parisiens.

Lisandru BASSANI (CESC)

Vous savez que le Conseil est preneur de tous les documents écrits. J'espère que Monsieur Rogliano nous donnera une copie de son texte.

Cl.VERON

La situation que vous décrivez est malheureusement assez générale. Le rapport aux grosses maisons d'édition qu'elles soient de Francfort, de Paris, de Milan et l'auteur est exactement la même que vous décrivez par rapport à de grosses maisons d'éditions; le rapport au politique et à la subvention, sauf que vous avez évoqué des moyens pour les obtenir qui ne sont peut être pas généralisés mais qui sont exactement les mêmes à Berlin à Glasgow sur l'édition subventionnée et des fois on peut se poser des questions : pourquoi est- on subventionné ? J'aimerais à dire, -car le modèle insulaire que vous développez là est malheureusement, au plan européen le même - qu' il faut des espaces de liberté et en particulier des espaces associatifs, pour qu'un certain nombre de livres puissent être édités en Europe aujourd'hui sans subvention et sans soutien de grosses maisons d'édition comme Gallimard, Grasset et le Seuil. Vous pensez peut être que la situation corse est exacerbée mais je vis la moitié de mon temps dans un pays qui est assez petit et la question, pour un certain nombre de mes camarades flamands, à se faire éditer par des éditions hollandaises plus que des éditions flamandes. La situation que vous avez avec les subventions ici, ils l'ont exactement chez eux , ils ont les mêmes difficultés que vous pour faire éditer leurs textes.

UNE INTERVENANTE

Je voudrais poser une question très pratique : comment cela se passe quand on veut avoir des rapports avec toutes ces institutions, comment on arrive à retirer les dossiers, comment on peut savoir qu'il y a effectivement des financements qui peuvent aider des projets, à qui s'adresser ?

Raymond CECCALDI, Pt du CESC.

Vous avez en face, à la Pépinière d'Entreprises la Chambre de Commerce qui gère un Point Infos grand public, il y a un Euro Infos Centre pour les PMI/PME. En allant à Infos Centre, ouvert tous les jours on trouvera une solution à votre problème. Il n'y a, pour la Corse, qu'un seul centre qu'à Ajaccio.

Marius GIUDICELLI (CESC)

Est ce que Mr VERON a eu connaissance, en 1991, de l'Association Europe et Liberté qui réunissait en son sein la plupart des pays d'Europe et des îles méditerranéennes ; la Corse avait deux représentants : cette association avait pour but de créer l'Europe sociale et culturelle ; continue-t-elle à travailler ?

Cl. VERON

J'en ai entendu parler et il y a eu, sur Marseille où je travaillais à l'époque, une ou deux réunions mais je n 'ai aucune nouvelle aujourd'hui de son fonctionnement.

Il faut savoir qu'il y a un Forum permanent de la société civile méditerranéenne qui fonctionne et qui se réunira les 11 et 12 novembre à Marseille avant la réunion des ministres des affaires étrangères sur Barcelone IV. Il y a une petite coordination, c'est la Fondation Seydoux qui coordonne (Giovanna Tanzarella coordonne l'ensemble du secteur culturel et qui a déjà fait plusieurs réunions à ce sujet). Le Forum européen des Arts et Patrimoine notamment et d'autres structures se mettent à travailler sur cette question là.

Mme Claude ROBERTSON FORCIOLI (CESC)

Vous avez dit que, au sein de l'Europe la culture était dévolue aux Etats et par contre nous avons des financements qui, eux, sont des financements européens. Nous avons soulevé au sein du CESC la réhabilitation du patrimoine où il y a de bonnes aides financières au niveau du DOCUP. Dans le précédent DOCUP tous les crédits ont été renvoyés faute de dossiers non pas parce que les gens n'étaient pas concernés mais parce que les législations en vigueur concernant les financements publics sur des monuments privés ne pouvaient pas fonctionner.

Pour ne pas renouveler les mêmes erreurs avec le nouveau DOCUP, comment doit-on procéder ? On a parlé hier d'un pouvoir législatif car, tant que n'aurons pas la possibilité de gérer localement certaines législations au regard du privé et du public, nous allons tomber exactement dans les mêmes travers. Que suggérez-vous ?

Cl. VERON

Pas d'originalité corse sur cette question. Si on reste sur les contreparties nationales de l'Etat ou non, car il y a la ville, le département, la Région ou des fonds privés, que l'on soit en Corse ou ailleurs c'est pareil. Pour les fonds liés aux objectifs il faut qu'il y ait toujours des contreparties nationales. Si un propriétaire privé, en France, veut se faire réhabiliter une partie de son patrimoine avec des fonds communautaires, il faut qu'il puisse mettre aussi en référence des fonds publics.

Mme ROBERTSON FORCIOLI.

Nous avons une grande partie des sites archéologiques qui sont dans des domaines privés et nous avons une grande partie de tourisme culturel qui se trouve dans une situation d'impasse.

Cl. VERON

Le dialogue est avec les élus, savoir si l'on doit transformer un patrimoine en tourisme culturel, au plan de l'environnement par exemple.

Mme ROBERTSON FORCIOLI

Il y a le problème de la diffusion culturelle non seulement à usage interne mais étant à vocation touristique il y a une diffusion aussi vers l'extérieur. Pourquoi pas des financements européens pour une Chaîne des minorités qui présentent certaines similitudes pour avoir une diffusion satellite.

Cl. VERON

Question d'audio visuel : Savoir si c'est une chaîne publique ou pas. Sous présidence française il y a toute une notion de chaîne publique qui se met en place. Sur ce financement la position de la France est loin d'être majoritaire. Le premier débat n'est pas communautaire mais national.

Mr FABIANI.

On parle de culture communautaire, pendant que l 'économisme est érigé en pseudo religion. A mes yeux l'homme est considéré dans le néolibéralisme triomphant aujourd'hui comme un producteur et un consommateur avant d'être comme personne et comme citoyen solidaire et responsable. J'ouvre une parenthèse pour dire qu'on attribuait à Mme Tatcher cette phrase terrible « La société je ne connais pas, je ne connais que le marché » Alors je me pose la question qui est à mon sens fondamentale, quelle projet de société pour l'Europe afin que la culture enrichisse efficacement l'esprit ? Pour que l'Europe ait une véritable ambition politique créatrice de sens, il me paraît indispensable de cesser de considérer l'€ comme un objectif autonome de la construction européenne. Des dispositions doivent être prises pour que sa gestion soit mise au service de l'emploi et du progrès social en élaborant des politiques communes. Il me paraît indispensable aussi de créer un espace de confiance social et civil. Les politiques sociales ne doivent pas être des outils au service du marché. Leur rôle est d'affirmer la place de l'homme dans la société. En dernière analyse, à mon avis, il faut redonner à l'Europe le goût de son propre humanisme et le désir d'approfondir sans cesse sa démocratie en plaçant au centre de son projet la condition humaine. Et pour terminer, j'énoncerai une réflexion de Jean Monet « Et si l'Européen vit concentré sur lui-même, il ne pourra plus ni pour son propre bonheur ni pour la civilisation apporter la contribution qu'il a toujours fournie dans le passé et qu'il ne peut apporter à nouveau qu'à condition de vivre en harmonie avec le rythme du monde qui l'entoure ».

Guy FIRROLONI (Éditions Albiana).

Mon propos relèvera plutôt d'organisation régionale, sachant que les interventions au niveau européen nous concernant, du moins l'influence que l'on peut exercer sur les comportements dans ce domaine là relèvent pour l'instant d'illusions. Un fait est certain : c'est que les outils relais entre l'initiative régionale et les dispositions qui sont prises dans le cadre de la communauté européenne marquent un décalage conséquent ; il y a vraiment un problème de cohérence ; j'appelle cela la technique du mille feuilles, une succession de couches, de dispositions, de réglementations, d'informations, de structures, d'organismes dont on a le sentiment au bout du compte qu'ils servent essentiellement à s'organiser eux-mêmes, à se gérer eux-mêmes. Du moins l'initiative dans ce domaine là se trouve très souvent noyée, voir même étouffée. A l'initiative du CESC, il y a quelque temps, a été organisée autour de la question de la lecture une réunion à laquelle participait Madame Potié qui venait de Languedoc/Roussillon, où il semblerait que, grâce à la mise en place de structure du type de l'office du livre, que le flux des moyens qui viennent soit du niveau national autant que du niveau européen, ont été organisés de manière beaucoup plus efficace, afin de servir véritablement l'action culturelle dans l'espace régional donné.

J'ignore quelles sont les exigences de l'Union européenne ; il semblerait que si la Région ou l'Etat mettaient en place des structures qui soient véritablement proches de la population, par exemple le plan Culture 2000, je crois que entre le moment où l'information a été diffusée de manière significative auprès des personnes pouvant être intéressées et les délais de forclusion des dépôts de candidature qu'il s'est déroulé environ un mois, ce qui relève du Roi Ubu. Est-ce une méthode pour éviter qu'un certain nombre de dossiers, au demeurant intéressants, puissent accéder à des financements de type européen ? Donc, il s'agit là, soit d'une gigantesque hypocrisie organisée, soit d'une incompétence majeure des politiques –régionaux notamment- à élaborer une forme d'intervention qui soit de nature à créer des flux de cohérence, à permettre que des projets émergent véritablement sachant que, par définition, ceux qui ont en charge la politique culturelle ne sont pas nécessairement des spécialistes des dossiers constitués et que cette espèce de cloaque disparaisse enfin et que les objectifs tels qu'ils sont exposés dans les grandes orientations politiques trouvent une organisation pratique qui soit vraiment de nature à résoudre ce problème, et avoir une certaine efficacité. Juste un petit mot pour dire à Mr Rogliano qu'il existe une édition insulaire, qu'elle ne vit pas exclusivement de subventions, qu'elle ne fonctionne pas trop mal comparée à d'autres réalités régionales, il semblerait même que celle-ci ne se débrouille pas trop mal. Par ailleurs je voudrais dire aussi que dans des Régions comme Languedoc/Roussillon où les gens se sont pris en main, où il y a un projet collectif qui a été monté et une action cohérente a été installée, et bien çà fonctionne.